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Suite au sommet tenu à l’Élysée en soutien à l’Ukraine, lors duquel le président français Emmanuel Macron a prononcé des déclarations controversées concernant une éventuelle intervention militaire au sol, une enquête approfondie du New York Times vient apporter une perspective inédite sur la situation en Ukraine. Publié en première page, le quotidien américain expose des informations substantielles relatives à la présence effective de services de renseignements opérant discrètement sur le territoire ukrainien. Bien que les commentaires du président Macron aient suscité un vif débat au sein de la sphère politique occidentale atlantiste, ils ont également révélé un aspect différent de la situation, mettant en lumière des activités de renseignement qui attirent désormais une attention soutenue.

À ce propos, le quotidien britannique Times of London avait déjà exploré la question en exposant clairement les fréquents déplacements d’acteurs étatiques affiliés aux services de renseignement occidentaux, souvent revêtus d’un statut militaire, depuis le début du conflit ukrainien. Ces déplacements s’observent autant au sein du personnel diplomatique œuvrant sous couverture que par l’entremise de "conseillers" intégrés aux états-majors ukrainiens, voire par l’engagement de forces spéciales aux compétences variées. Dans un témoignage au quotidien français Le Monde, Vincent Crouzet, ancien collaborateur de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), souligne avec discernement que l’action de ces services, en raison de sa nature clandestine, s’inscrit nécessairement en marge du cadre juridique régissant les lois de la guerre.

C’est grâce à cette présence stratégique de services de renseignements que les Américains et les Britanniques avaient pu présager l’invasion de l’Ukraine. En effet, dès 2021, la CIA et le MI6 britannique savaient que M. Poutine envisageait sérieusement de lancer son offensive à grande échelle. Ils avaient intercepté des communications qui parlaient d’une rencontre du président russe avec un haut placé du FSB (services de renseignement russe). Ce dernier lui aurait rapporté que la CIA, conjointement avec le MI6, contrôlait l’Ukraine et en faisait une tête de pont pour des opérations dirigées contre Moscou. Cependant, l’enquête du New York Times révèle que M. Poutine et ses conseillers ont mal interprété une dynamique cruciale. La CIA n’a pas forcé son entrée en Ukraine, les responsables américains étant souvent réticents à s’engager pleinement, craignant que les responsables ukrainiens ne puissent être fiables et s’inquiétant de provoquer le Kremlin. Pourtant, un cercle restreint d’officiels du renseignement ukrainiens a activement courtisé la CIA et s’est progressivement rendu indispensable aux Américains.

La présence opérationnelle des services de renseignement américains et britanniques s’est avérée d’une importance capitale pour les Ukrainiens. Le directeur général du MI6, Sir Richard Moore, avait d’ailleurs confirmé le 25 février 2022, soit le lendemain de l’invasion russe en Ukraine, que le MI6 avait déjà identifié les projets de M. Poutine et avait averti la CIA. Cette collaboration étroite entre le MI6 et la CIA a permis d’approfondir l’analyse stratégique, dévoilant des détails cruciaux sur les intentions russes tant sur le plan militaire que tactique. Ces informations ont joué un rôle déterminant dans la préparation des forces armées ukrainiennes à une offensive d’envergure, leur permettant de faire face avec succès à l’agression.

Des sources non confirmées avancent même que dès l’été 2021, le MI6 et la CIA auraient alerté respectivement le Premier ministre britannique de l’époque Boris Johnson et le président américain Joe Biden des plans détaillés de la Russie en Ukraine. Parallèlement, ces révélations mettent en lumière les lacunes du renseignement français, qui n’avait pas anticipé cette menace, conduisant le président français à remercier le directeur des renseignements militaires, le général Eric Vidaud, dès le lendemain de l’invasion, pour les insuffisances constatées.

Dans les mois qui précèdent l’invasion, la CIA et le MI6 avaient même formé leurs homologues ukrainiens au recrutement de sources et à la création de réseaux clandestins et partisans. Dans la région méridionale de Kherson, occupée par la Russie au cours des premières semaines de la guerre, ces réseaux partisans sont entrés en action, selon le général Kondratiuk, assassinant des collaborateurs locaux et aidant les forces ukrainiennes à cibler les positions russes.

Souvent, les briefings du MI6 et de la CIA contenaient des détails choquants de précision. Le 3 mars 2022, huitième jour de la guerre, l’équipe de la CIA a fourni un aperçu précis des plans russes pour les deux semaines à venir. Les Russes ouvriraient un corridor humanitaire hors de la ville assiégée de Marioupol ce même jour, puis ouvriraient le feu sur les Ukrainiens qui l’emprunteraient.

Selon la CIA, les Russes prévoyaient d’encercler la ville portuaire stratégique d’Odessa, mais une tempête a retardé l’assaut et les Russes n’ont jamais pris la ville. Ensuite, le 10 mars, les Russes avaient l’intention de bombarder six villes ukrainiennes et avaient déjà entré les coordonnées dans des missiles de croisière pour ces frappes. Le MI6 a pu déterminer à son tour que les Russes tenteraient également d’assassiner des responsables ukrainiens de haut niveau, dont M. Zelensky. Dans au moins un cas, les renseignements britanniques ont partagé des informations précises avec l’agence intérieure ukrainienne qui ont contribué à déjouer un complot contre le président, selon un haut responsable ukrainien.

En outre, le New York Times, dans le cadre de son investigation, a exposé la présence avérée de douze installations confidentielles de la CIA, érigées le long de la frontière russo-ukrainienne et demeurant opérationnelles jusqu’aujourd’hui. L’édification de ce réseau de bases aurait débuté dès l’année 2014, sous-tendant leur fonction primordiale: anticiper toute invasion de l’Ukraine. Actuellement, ces installations seraient déployées pour apporter un soutien stratégique aux Ukrainiens dans la planification et l’exécution de leurs opérations clandestines, comme l’a affirmé le quotidien américain qui a pu visiter l’une de ces bases. Bien que demeure incertaine l’existence de bases similaires du MI6 ou une collaboration au sein des mêmes installations avec la CIA, la présence et l’expertise des services de renseignement britanniques dans ce domaine et sur ce dossier particulier demeurent indéniablement remarquables.

Les déclarations du président Macron, bien que vivement contestées par les alliés occidentaux et atlantistes qui s’opposent catégoriquement à l’engagement de troupes au sol, ont révélé la présence manifeste d’autres acteurs, à savoir les services de renseignement, en premier lieu ceux britanniques et américains. Cette mise en lumière justifie, de manière plus générale, l’importance cruciale du renseignement, souvent considéré comme la facette occulte des opérations de guerre. Elle confirme également la prédominance attendue de la CIA et du MI6 dans ce domaine, en tant que leaders mondiaux indiscutables. Par ailleurs, elle souligne des lacunes au sein des services de renseignement de plusieurs nations, notamment le FSB russe et la DGSE française.

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