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La lecture des événements actuels s’effectue inévitablement à partir du recoupement entre l’intérieur et l’extérieur. Il est impossible de comprendre les trames en cours en dehors des entrelacs et des révisions méthodologiques qu’elles induisent. Les dynamiques conflictuelles se nouent au croisement des régimes néo-totalitaires et des politiques impériales qui leur sont rattachées. La guerre d’Ukraine, les guerres civiles inter-islamiques au Moyen-Orient, les tensions du Sud-Est asiatique, le conflit israélo-palestinien sont corrélés au retour en force des totalitarismes, des politiques de la canonnière, et aux politiques de répression qui prédominent en Russie, en Chine et en Iran, ainsi que dans l’ensemble des dictatures de gauche de l’espace latino-américain (Venezuela, Cuba, Nicaragua…).

Ces liens de consubstantialité entre les dictatures totalitaires et les dynamiques conflictuelles en cours sont loin de relever de la coïncidence. Il s’agit en fait d’un logiciel idéologique et stratégique qui sous-tend un faisceau de politiques de subversion visant la destruction de l’ordre libéral et démocratique qui a servi de socle intellectuel et institutionnel depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Ceci est d’autant plus grave qu’il correspond à la crise des consensus normatifs de la démocratie libérale, à l’ascension des totalitarismes islamistes et des rebuts crypto-bolcheviques représentés par le Wokisme, les idéologies islamistes et leurs doubles quiétiste et terroriste et le recyclage des dictatures idéologiques de la guerre froide. S’ajoute à cela, la prolifération exponentielle des friches sécuritaires entièrement investies par les mouvances diverses du terrorisme islamiste et de la criminalité organisée qui s’articulent sur la base de continuums opérationnels qui ponctuent désormais le paysage géostratégique.

La guerre en Ukraine avec ses vicissitudes met en relief la nature éminemment idéologique et stratégique d’un conflit qui projette, au-delà de ses enjeux militaires et géopolitiques propres, la remise en question de la sécurité transatlantique, de l’intégrité de la communauté européenne et des canons civilisationnel et stratégique qui leur servent d’ancrage. Nous sommes face à un scénario de guerre totale et ses aléas qui nécessitent la mise au point de stratégies multiples et alternées d’endiguement qui, à elles seules, peuvent paver la voie aux démarches diplomatiques et à la résolution négociée des conflits prolongés en vigueur.

Les limes ukrainiennes sont non négociables si l’on veut à la stabilisation de la géopolitique européenne, à la solidification des digues stratégiques et à l’arrimage des sous-ensembles européens à l’ordre communautaire et ses compléments transatlantiques. D’où l’importance cruciale des élections américaines et la nécessité d’affermir les orientations stratégiques bipartisanes au sein du paysage politique américain et de reconduire les plateformes de coordination transatlantique. Toute défaillance en matière de politique stratégique, de conditionnalités économique, sécuritaire et de droit humanitaire se fera immédiatement pénaliser. La dictature russe est structurellement fragilisée et la dernière attaque terroriste islamiste (22 mars 2024) illustre de manière dramatique sa vulnérabilité et la multiplicité de ses points névralgiques, ainsi que l’urgence de l’assistance qu’il faudrait prodiguer aux oppositions démocratiques rendues visibles à la suite des assassinats politiques successifs. Le déni de nature psychotique de Vladimir Poutine à l’endroit des responsables de cet acte terroriste hautement revendiqué par la branche de l’État Islamique du Khorassan (OEI K), et son imputation aux Ukrainiens, ne fait que compliquer la donne et impulser la propension nihiliste du conflit et ses clôtures de plus en plus hermétiques.

La scène iranienne, à son tour, reproduit des schémas de conflit identiques et des modalités d’opposition symétriques. La politique de répression sauvage au sein de l’Iran est l’équivalent fonctionnel de la politique de déstabilisation que mène le régime islamiste au niveau régional et sur le plan international. L’appui résolu aux oppositions plurielles, la diversification des régimes de sanctions économiques et la stratégie mutante d’endiguement militaire et ses applications nodales définit de manière spécifique le mode opératoire en vigueur au Moyen-Orient. Le régime iranien ne veut, sous aucun rapport, normaliser son statut international et entend s’installer dans les interstices d’une politique de déstabilisation à géométrie variable. La circularité de sa diplomatie atteste de manière évidente le caractère fallacieux et manœuvrier de sa démarche. Les cas successifs du Yémen, de l’Irak, de la Syrie, de Gaza et du Liban sont suffisamment explicites et mettent en relief une politique de suzeraineté aux modulations multiples. Tous ces pays sont réduits à un statut de vassalité dont se sert la politique de puissance iranienne de manière discrétionnaire et intérimaire.

Les attaques meurtrières du 7 octobre 2023 et ses relais au Liban et en Syrie ont servi de plateformes opérationnelles en vue d’invertir la donne stratégique et de reclasser l’ordre des priorités au niveau régional. L’échec du Hamas et l’action contre-productive du Hezbollah au Liban-Sud et sur les frontières du Golan vont conduire à des changements de priorités et infléchir la direction de la politique de subversion, afin de pallier les échecs patents de la dernière guerre de Gaza et de maintenir l’axe pivotal de l’Iran sur les scènes intercalées. Les négociations en cours et leurs objectifs intermédiaires (trêves humanitaires du côté palestinien et libération des otages du côté israélien…) n’auront aucune incidence sur le cours du conflit actuel à moins qu’ils ne soient raccordés aux enjeux d’une négociation qui porterait sur les conditions préjudicielles d’une paix globale. La défaite du Hamas, le départ de ses militants de Gaza et la libération des otages, ainsi que la neutralisation de la capacité de nuisance du Hezbollah amorcent les débuts d’une nouvelle étape dans la vie de ce conflit et la gestion de ses effets hautement délétères.

La fin d’une guerre se solde soit par la victoire militaire des uns et la défaite des autres, soit par la reddition en vue de mettre fin aux atrocités de la guerre et par des retournements géostratégiques majeurs. Or Hamas et ses acolytes manquent de discernement éthique et d’autonomie politique et opérationnelle qui les habilitent à mettre fin à cette boucherie et à ouvrir la voie à la diplomatie d’urgence et au travail humanitaire. Les Israéliens sont confrontés aux dilemmes stratégiques du 7 octobre 2023, à leurs dissensions internes, au bilan lourd de cette guerre, aux défis géostratégique, politique et éthique inédits et à l’impératif d’une solution d’ensemble qui met fin à ces cycles intermittents de violence.

La communauté internationale est tenue de transcender ses abîmes de plus en plus béants et la politique des vœux pieux et sans lendemain, afin de jeter les bases d’une négociation qui récapitule les résolutions et les accords conclus et dégage la voie à des accords de paix renouvelés mandatés par la guerre en cours et son épilogue tragique. Somme toute, la transition ne sera pas facile, à un moment de l’histoire où les peurs, les haines et le tarissement de toutes formes de confiance hantent les esprits et rendent invraisemblable tout échange entre les parties du conflit. Les médiations internationales sont plus urgentes que jamais, alors que toutes formes d’échanges ont été enrayées et reléguées aux marges de l’action politique et de l’interaction entre les partenaires du conflit.

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