La Turquie a déclaré qu’elle imposerait des restrictions commerciales à Israël à partir de mardi, en raison de la guerre à Gaza. Tel-Aviv n’a pas tardé à répliquer, menaçant Ankara de sanctions en retour.

La Turquie a restreint, mardi, ses exportations vers Israël, en réponse à la guerre à Gaza et à une colère croissante au sein de la population turque contre le maintien des relations commerciales avec Israël, qui a promis des mesures de rétorsion.

"Cette décision restera en vigueur jusqu’à ce qu’Israël déclare un cessez-le-feu immédiat et autorise l’acheminement continu de l’aide humanitaire à Gaza", a affirmé le ministère turc du Commerce dans un communiqué.

Réaction israélienne

Le ministère israélien des Affaires étrangères Israel Katz a affirmé, dans la foulée, qu’Israël prendrait les "mesures nécessaires" à l’encontre de la Turquie, dénonçant une "violation des accords commerciaux" bilatéraux. Il a en outre déclaré qu’Israël envisageait de demander au Congrès américain d’enquêter pour savoir si la Turquie avait violé les accords commerciaux avec Israël et devait être sanctionnée.

Katz a ajouté que son pays demandera à ses alliés et aux organisations américaines de mettre un terme aux investissements turcs et de cesser d’exporter à partir de ces pays.

Les restrictions annoncées mardi matin par Ankara concernent 54 produits, dont de nombreux matériaux de construction composés d’acier, de fer ou d’aluminium, mais aussi du carburant d’aviation.

Le ministère affirme que "la vente des produits ou services susceptibles d’être utilisés à des fins militaires par Israël" n’était plus autorisée "depuis longtemps".

Cette annonce intervient après qu’Ankara a annoncé lundi qu’Israël avait bloqué une demande turque de largage d’aide humanitaire sur Gaza.

"Il n’y a aucune excuse pour qu’Israël bloque notre tentative de parachuter de l’aide aux Gazaouis affamés", avait déclaré le ministre turc des Affaires étrangères Hakan Fidan, annonçant l’imminence d’"une série de nouvelles mesures contre Israël".

"Notre soutien (aux Palestiniens) se poursuivra jusqu’à ce que l’effusion de sang cesse à Gaza et que nos frères palestiniens obtiennent un État palestinien libre avec Jérusalem-Est pour capitale", a déclaré mardi le président turc Recep Tayyip Erdogan dans un message à l’occasion de l’Aïd al-Fitr, qui marquera mercredi la fin du mois du Ramadan.

Gouvernement sous pression

La guerre entre Israël et le Hamas palestinien a mis fin à la normalisation des relations turco-israéliennes en 2022 après des années de tension.

Le président Erdogan, l’une des voix les plus critiques de la guerre menée par Israël dans la bande de Gaza, a qualifié à de nombreuses reprises Israël d’"État terroriste".

Erdogan, qui a rappelé début novembre l’ambassadeur de Turquie à Tel-Aviv, avait toutefois jugé impossible de "rompre complètement" avec Israël.

Mais les critiques se sont intensifiées en Turquie ces dernières semaines contre la poursuite des échanges commerciaux avec Israël.

Selon des analystes, cette colère a contribué à la débâcle historique du Parti de la justice et du développement (AKP, islamo-conservateur) du président Erdogan aux élections municipales du mois dernier.

Des manifestations dénonçant la poursuite des relations commerciales avec Israël ont eu lieu ces derniers jours dans plusieurs villes turques, samedi, entre autres, sur l’une des principales artères d’Istanbul.

La dispersion violente de cette manifestation a suscité un vif émoi. Des images diffusées par les médias locaux, montrant une policière gifler une manifestante, ont été vivement critiquées par l’opposition turque.

Une enquête a été ouverte et deux policiers ont été suspendus à la suite de cet incident, a annoncé le ministre turc de l’Intérieur Ali Yerlikaya.

Les exportations de la Turquie vers Israël représentaient 5,43 milliards de dollars en 2023, contre 7,03 milliards de dollars en 2022 et 6,36 milliards de dollars en 2021, selon l’Union des exportateurs turcs et l’agence de statistiques Turkstat.

Burcin Gercek, avec AFP