Après la dissolution surprise de l’Assemblée nationale par le président Macron, la gauche française a décidé de faire front commun. Objectif : barrer la route à l’extrême-droite suite au large succès du Rassemblement National aux élections européennes. Un succès qui pourrait être renforcé par une alliance avec certains Républicains.

Quelques minutes après l’annonce de la dissolution, le député sortant de la Somme de la France insoumise François Ruffin a pris les devants en appelant tous les partis de gauche à faire "front au Rassemblement National", déposant dans la foulée le nom de domaine "Front populaire 2024".

Il n’a pas fallu beaucoup de temps pour les convaincre, lundi soir sous les hourras des manifestants rassemblés contre l’extrême-droite à Paris, les partis de gauche ont appelé à la "constitution d’un nouveau front populaire".

On y retrouve le Parti socialiste, le Parti communiste, Les Écologistes et La France insoumise, qui affirment dans un communiqué commun vouloir "soutenir des candidatures uniques dès le premier tour" et porter "un programme de rupture". Ce dernier devrait détailler les mesures à engager "dans les 100 premiers jours" de leur futur gouvernement.

Ils appellent également à "rejoindre les cortèges" prévus ce week-end à l’appel des syndicats, notamment la CFDT et la CGT, à "manifester largement".

Le ténor de la France insoumise, Jean-Luc Mélenchon, a salué sur X "un bon travail qui déjoue la division sur laquelle comptaient Macron et Le Pen".

Une union si facile ?

Cependant, si la gauche a su réagir rapidement face à l’imminence des prochaines élections prévues dans moins de trois semaines, des différends demeurent.

Difficile d’aboutir en si peu de temps à un programme commun qui conviendra à l’ensemble des partis, mais également aux électeurs de gauche. Autre point de discorde, la figure de Jean-Luc Mélenchon que le Parti Socialiste veut éloigner de la nouvelle formation.

Avec un score de 13,8% aux Européennes, le candidat socialiste Raphaël Glucksmann sait qu’il peut poser ses conditions. Lundi soir au JT de 20h sur France 2, il a exclu toute possibilité pour Jean-Luc Mélenchon de devenir Premier ministre. Mais sa proposition de Laurent Berger, ancien leader de la CGT, n’a pas fait l’unanimité à gauche.

M.Glucksmann souhaite tirer profit de son score aux Européennes, supérieur à la France insoumise qui a fait 9,9%, pour peser sur l’avenir de cette nouvelle formation de gauche. Exit donc la Nupes largement incarnée par Jean-Luc Mélenchon et les représentants LFI.

Même son de cloche chez la député écologiste Sandrine Rousseau qui défend le choix d’une "personne consensuelle" et pour le leader du Parti communiste Fabien Roussel qui affirme que Mélenchon "n’était pas dans les discussions".

"Il faut jeter la rancune à la rivière ! Sinon quoi ? La vendetta sans fin ? Il faut chercher sans cesse le moyen d’avancer", a réagi le principal concerné lundi soir sur son blog.

La Nupes qui avait permis aux partis de gauche d’obtenir 151 députés à l’Assemblée nationale en 2022, a par la suite explosé en raison de nombreuses divergences et notamment par le refus de la France insoumise de qualifier le Hamas de "terroriste".

Sur le fond également les avis divergent. La France insoumise fait figure de proue de la cause palestinienne, alors que les autres partis sont plus réticents à avoir un avis aussi tranché. À l’inverse, l’Ukraine est un sujet majeur pour le Parti Socialiste, qui appelle à soutenir "la résistance ukrainienne", là où Jean-Luc Mélenchon insiste pour une "paix" sans "vainqueur" ni "vaincu", soulignant la responsabilité de l’Otan dans le conflit.

Une nécessité face au RN

Malgré les divisions et les rancœurs, il ne fait aucun doute pour la gauche française que l’unité est primordiale. Face à un camp macroniste affaibli mais encore puissant et un Rassemblement national de plus en plus populaire, seule l’union de gauche pourra leur permettre de disposer d’un nombre de sièges satisfaisants à l’Assemblée. Si obtenir une majorité relative reste un objectif difficile à atteindre, la gauche espère à minima empêcher le RN d’obtenir une majorité.

D’autant que les partis ont bien compris le piège tendu par le président français qui a cherché à les prendre de court par la soudaineté de sa décision, et qui espère incarner la seule alternative à l’extrême-droite en usant jusqu’à la corde le fameux "front républicain".

Il est fort probable que les partis de gauche réussissent à s’entendre sur un programme commun pour les élections législatives. Un programme certes de "rupture" face au président Macron, mais qui devrait suffisamment être consensuel pour convaincre chaque parti de gauche, qui devront également mettre de l’eau dans leur vin.

Un consensus qui reste une structure fragile une fois les élections passées, pour une union de la gauche qui peine depuis plus de 10 ans à ne pas s’entretuer. Reste à savoir si les députés de gauche auront tiré les leçons de la Nupes et sauront rester unis le temps d’une campagne express et face aux enjeux historiques pour le pays.