L’Ukraine a franchi une étape sans précédent dans sa contre-offensive en Russie, s’emparant de plusieurs localités dans la région de Koursk. Cette avancée, couplée à des pertes civiles importantes, vise à pousser Moscou vers des négociations que Kiev espère "équitables", tout en redistribuant les cartes sur le front Est où les forces russes continuent de progresser.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a affirmé samedi que son armée " renforçait " ses positions dans la région russe de Koursk, plus de dix jours après le lancement d’une offensive d’ampleur surprise sur le sol russe.

L’armée russe, de son côté, a dit " repousser " de nouveaux assauts de Kiev, tout en continuant à pilonner plusieurs régions d’Ukraine, notamment dans le Donbass (est), où elle a l’avantage face aux forces de Kiev en infériorité numérique.

L’armée ukrainienne a attaqué le 6 août la région de Koursk, s’emparant, selon Kiev, de 82 localités et de 1.150 kilomètres carrés lors d’une offensive qui a surpris Moscou et constitue la plus grande opération militaire étrangère en sol russe depuis la Seconde Guerre mondiale.

"Les troupes du groupe d’attaque poursuivent le combat et ont avancé dans certains secteurs de un à trois kilomètres", a déclaré le commandant de l’armée ukrainienne, Oleksandre Syrsky, lors d’une réunion avec le président Volodymyr Zelensky diffusée vendredi soir.

Le général Syrsky a soutenu que les forces ukrainiennes continuaient de faire des prisonniers parmi les soldats russes, et le président Zelensky s’est réjoui dans la soirée de la "destruction" de positions russes dans la zone.

Plus tôt vendredi, l’armée du Kremlin avait pour sa part de nouveau assuré "repousser" les offensives ukrainiennes.

Kiev dit avoir capturé en particulier la ville de Soudja, située à 10 kilomètres de la frontière, où se trouve un important nœud gazier du géant russe Gazprom permettant de fournir l’Europe via l’Ukraine.

Au moins 12 civils ont été tués et plus d’une centaine blessés depuis le début de l’opération ukrainienne, selon les autorités russes.

Pour des négociations "équitables" 

Ces derniers jours, les autorités ukrainiennes ont fourni diverses raisons pour justifier l’assaut, alors que la Russie occupe toujours près de 20% du territoire ukrainien: obliger Moscou à retirer des troupes d’autres parties du front et créer une "zone tampon" pour mettre fin aux bombardements dans les territoires ukrainiens frontaliers.

Mais Kiev veut aussi se servir des territoires russes conquis comme monnaie d’échange lors de possibles négociations avec le Kremlin.

"L’outil militaire est utilisé objectivement pour persuader la Russie d’entrer dans un processus de négociation équitable", a déclaré vendredi Mykhaïlo Podoliak, conseiller du président Volodymyr Zelensky, sur X.

Or, les discussions entre les deux parties sont complètement bloquées depuis le printemps 2022.

Volodymyr Zelensky a dit vouloir élaborer d’ici à novembre, date de la présidentielle aux États-Unis – allié vital de Kiev –, un plan qui servirait de base à un futur sommet pour la paix auquel le Kremlin doit être convié.

Il répète qu’une paix ne peut être possible que si l’armée russe se retire complètement, y compris de la péninsule de Crimée, annexée dès 2014 par la Russie.

Vladimir Poutine exige, lui, que Kiev lui cède les régions ukrainiennes dont il revendique l’annexion et renonce à adhérer à l’Otan. Des revendications inacceptables pour les Ukrainiens et les Occidentaux, qui n’ont cessé d’en appeler au respect du droit international.

Flux de réfugiés

Face à l’avancée inédite des forces ukrainiennes en terres russes, plusieurs dizaines de milliers de civils ont déjà fui les villages frontaliers de la région de Koursk.

Dans la ville du même nom, à plusieurs dizaines de kilomètres des combats, une église a accueilli vendredi des réfugiés, selon des journalistes de l’AFP sur place.

Parmi eux, Valentina, 82 ans, dont le fils a dû venir pour l’emmener.

"Personne ne nous a évacués", fustige-t-elle. "Les premiers jours (…) j’ai marché dans les rues: personne! Puis mon fils est venu me chercher et je suis partie rapidement."

Les évacuations ont lieu alors que les combats se poursuivent dans la zone. Lors de l’une d’entre elles, deux travailleurs humanitaires russes ont trouvé la mort vendredi dans une frappe ukrainienne, selon leur organisation.

Dans la soirée, le gouverneur de la région voisine de Belgorod, Viatcheslav Gladkov, a lui annoncé bloquer l’accès et évacuer cinq localités frontalières, tout en fermant " temporairement " l’accès à un sixième.

 

Pression russe dans l’Est

Côté ukrainien, le flux des évacués se poursuivait lui aussi vendredi en direction de la ville de Soumy, capitale de la région ukrainienne éponyme qui fait face à celle, russe, de Koursk.

Lioubov, 62 ans, est arrivée à Soumy après avoir dû quitter précipitamment sa maison, le cœur lourd. "Nous souffrons, mais la guerre retourne là d’où elle vient", en Russie, note-t-elle auprès de l’AFP.

Parallèlement, de durs combats continuent plus au sud, dans l’est ukrainien, épicentre du conflit où l’armée russe grignote du terrain depuis des mois, malgré de lourdes pertes.

Moscou y a revendiqué vendredi la capture d’un nouveau village, celui de Serguiïvka, à une quinzaine de kilomètres de la ville de Pokrovsk, un nœud logistique sur la route des places fortes de Tchassiv Iar et Kostiantynivka.

La veille, les forces russes avaient revendiqué la capture d’un autre village dans ce secteur, où elles progressent depuis mai.

Par Florent VERGNES, AFP