La réunion extraordinaire du Conseil de sécurité présidée par Vladimir Poutine est un moment fort, en raison de sa théâtralisation hors norme entre le maître du Kremlin et son premier cercle.

Vladimir Poutine en tsar juste mais sévère à l’écoute de ses plus proches conseillers sur la crise géopolitique autour de l’Ukraine, telle fut la pièce diffusée lundi à la télévision russe.

Les réunions du Conseil de sécurité russe ne sont que rarement rendues publiques. Mais là, exception fut faite, les dignitaires devant débattre devant les caméras de la reconnaissance de l’indépendance des deux territoires prorusses de Lougansk et Donestk qui depuis huit ans combattent les forces ukrainiennes avec le soutien de Moscou.

Une telle décision enterrerait le processus de paix engagée en 2015 sous médiation franco-allemande.

Clin d’œil à l’Histoire, la réunion d’une heure et demie a eu lieu dans la vaste et fastueuse salle Sainte-Catherine du Kremlin, celle-là même où M. Poutine signa en 2014 l’annexion de la péninsule ukrainienne de Crimée.

La rencontre, qui était annoncée par le Kremlin pour la mi-journée à Moscou, a été diffusée en fin d’après-midi, dans les conditions du direct.

Environ 12H45

Mais un gros plan de la chaîne en ligne d’opposition Dojd sur la montre du ministre de la Défense, Sergueï Choïgou, indiquait environ 12H45 (09H45 GMT), alors que la diffusion a commencé peu avant 18H00.

A en croire sa montre, elle a donc été filmée avant l’appel des dirigeants séparatistes de Lougansk et Donetsk à reconnaître leur indépendance, dans l’après-midi.

Lors de cette réunion chorégraphiée, le Premier ministre Mikhaïl Michoustine, les ministres des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et de la Défense, l’ex-président, Dmitri Medvedev, ou encore les chefs des services de renseignement et des chambres du Parlement se sont exprimés devant le maître du Kremlin.

Mesures anti-Covid drastiques oblige, les hauts responsables russes sont apparus assis sur des chaises au milieu de la salle, à bonne distance d’un Vladimir Poutine attablé à un gigantesque bureau blanc.

La distance que le Kremlin impose à ses visiteurs, qu’ils soient ministres ou chefs d’Etat étrangers, a été largement moquée sur les réseaux sociaux, après qu’il a reçu début février le président français Emmanuel Macron au bout d’une table longue de six mètres.

La présidence russe avait expliqué que ce protocole sanitaire était imposé lorsque les hôtes russes n’ont pas le temps de passer des analyses médicales ou que les étrangers refusent de se soumettre à un prélèvement par un médecin russe.

Les responsables russes ont rivalisé devant Vladimir Poutine de mots très durs à l’égard de l’Ukraine, debout à tour de rôle à un pupitre, blanc lui aussi.

Sergueï Choïgou est allé jusqu’à accuser le président ukrainien Volodymyr Zelensky de briguer l’arme nucléaire.

" L’Ukraine a les équipements, les technologies et les spécialistes pour créer une arme atomique ", a-t-il dit, alors que Kiev a justement abandonné son arsenal hérité de l’époque soviétique en échange de garanties de sécurité.

La seule femme de l’assemblée, la présidente de la chambre haute du Parlement, Valentina Matvienko, jugeait nécessaire de reconnaître l’indépendance des séparatistes prorusses en Ukraine, face au projet " anti-russe " de l’Occident.

" Les sanctions (qui seront adoptées en représailles) seront bien sûr douloureuses, mais le temps est venu, on ne peut plus le reporter ", a-t-elle dit.

" Asseyez-vous "

La plupart de ces cadres poutiniens ont estimé que le temps était venu de reconnaître ces régimes séparatistes, dont la Russie est accusée depuis huit ans d’être le parrain.

Le secrétaire du Conseil de sécurité, Nikolaï Patrouchev, et le patron du Renseignement extérieur, Sergueï Narychkine, ont légèrement tempéré, évoquant la possibilité de laisser une " dernière chance " à Kiev de mettre en œuvre le processus de paix.

Ne comprenant pas la position de son espion en chef, le président Poutine l’a repris pour qu’il " dise les choses clairement " et si " oui ou non " il était en faveur d’une reconnaissance.

Visiblement stressé, la voix tremblante, il a confondu reconnaissance et annexion des territoires séparatistes, avant de se reprendre après une nouvelle remarque de M. Poutine.

" Très bien, asseyez-vous, merci ", a tranché finalement le président russe, un sourire malin aux lèvres.

Cette réunion s’est terminée sur une note de suspens.

" J’ai entendu vos opinions, la décision sera prise aujourd’hui ".

Avec AFP

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