L’escalade semble ne jamais ralentir devant des chancelleries qui s’époumonent en pure perte. La diplomatie mondiale assiste, impuissante, à la plongée du Proche-Orient dans la guerre après la mort du chef du Hezbollah dans des frappes israéliennes.

Alors que les dirigeants du monde entier sont réunis à l’Assemblée générale de l’ONU, l’écart est vertigineux entre la multiplication des appels au calme et l’intensification des bombardements israéliens au Liban.

Et avec la confirmation samedi de la mort de Hassan Nasrallah, les enchères sont montées d’un cran à quelques semaines de la présidentielle aux États-Unis, l’allié indéfectible d’Israël.

"L’Occident essaie de convaincre Israël de prendre certaines décisions qui feraient baisser la température", explique à l’AFPTV Bronwen Maddox, directrice du think tank britannique Chatham House. "Mais ce n’est pas ce à quoi nous avons assisté ces derniers jours".

Vendredi soir encore, le chef de la diplomatie américaine exhortait Israël et le Hezbollah à "cesser de tirer" au plus vite. Le mouvement pro-iranien a maintenu un niveau constant, mais modéré de frappes sur le nord d’Israël depuis un an en soutien au Hamas, faisant fuir des dizaines de milliers d’habitants.

"La voie de la diplomatie peut sembler difficile à voir en ce moment, mais elle existe et, à notre avis, elle est nécessaire. Nous continuerons à y travailler intensément", ajoutait Antony Blinken.

Mais Washington, depuis l’attaque du mouvement islamiste palestinien Hamas contre Israël le 7 octobre dernier, n’a jamais engagé de mesures concrètes pour forcer Israël à infléchir sa politique.

Les États-Unis "pourraient mettre plus de pression (…) en ne livrant pas de nouvelles armes", résume Bronwen Maddox. Mais Israël a annoncé jeudi avoir obtenu un nouveau train d’aide militaire américaine, d’une valeur de 8,7 milliards de dollars.

"La pression est déjà forte, diplomatiquement, et nous ne sommes plus dans les années 80 ou 90, où l’administration américaine n’avait qu’un coup de fil à passer pour obtenir quelque chose", observe l’experte.

Israël fait "de nouveau peur"

Car bientôt un an après le 7 octobre, le Premier ministre Benjamin Netanyahou a repris la main.

"Israël a réussi à inverser complètement la terreur. Ils étaient dans les cordes, traumatisés, affaiblis, décrédibilisés. Aujourd’hui, ils font de nouveau peur", estime un haut responsable militaire européen.

Et de souligner l’ampleur des destructions infligées à Gaza et désormais au Liban, "un coût exorbitant que les Israéliens vont payer pendant des décennies".

Certains membres, notamment à l’extrême droite, de la coalition au pouvoir à Tel Aviv ont déjà pris leurs distances avec les États-Unis.

"Traditionnellement, le parti travailliste tenait pour maxime qu’on ne sortait jamais des clous avec les Américains. Le Likoud (de Benjamin Netanyahou) n’est pas bâti comme cela", note James Dorsey, pour l’École S. Rajaratnam des études internationales (RSIS) à Singapour.

Le pouvoir israélien s’est doté d’une "mentalité de forteresse", d’autant plus difficile à percer que se rapproche l’élection présidentielle américaine, estime le chercheur.

Car la question israélo-palestinienne pèse lourd dans l’opinion outre-atlantique. "Je ne pense pas qu’aucun pays ne dispose d’autant de soutien populaire aux États-Unis qu’Israël", ajoute James Dorsey, jugeant "très improbable" que Washington s’en prenne à son allié avant le scrutin de novembre.

Le Proche-Orient "dans l’abîme"

Israël veut "maximiser" la fenêtre dont il dispose jusqu’aux élections et "n’a plus besoin de prétexte pour agir", renchérit de son côté le haut-gradé européen, convaincu que "tout est possible" dans les prochains jours.

Les Américains ne sont pas les seuls à échouer : Égyptiens et Qataris ont été très impliqués dans les négociations entre Israël et le Hamas pour un cessez-le-feu à Gaza et la libération des otages. En vain.

Les Européens, de leur côté, ne sont pas unanimes, rendant leur discours inaudible.

Vendredi, le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell a admis son impuissance. "Nous mettons toute la pression diplomatique pour un cessez-le-feu. Mais personne ne semble capable d’arrêter Netanyahu, que ce soit à Gaza ou en Cisjordanie".

Quant aux frappes sur le Liban, un diplomate européen en convient, le constat est identique : " On essaie. On y met du poids", assure-t-il. Mais "c’est très difficile. Ce n’est pas comme si l’Iran et le Hezbollah étaient très accommodants".

Chaque jour rapproche la région d’un embrasement total, avec le risque d’une opération terrestre israélienne et l’incertitude sur la réaction de l’Iran.

Le Proche-Orient est au bord du "précipice d’une guerre totale", a mis en garde le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov.

"L’onde de choc" provoquée par la guerre à Gaza pousse le Proche-Orient "dans l’abîme", s’est alarmé pour sa part le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres, soutenant la proposition franco-américaine de trêve temporaire au Liban.

Didier Lauras, avec AFP