Le président russe Vladimir Poutine a annoncé jeudi dans une déclaration surprise à la télévision " une opération militaire spéciale ", dénonçant une fois encore un " génocide " orchestré par l’Ukraine dans l’est du pays, arguant de l’appel à l’aide des séparatistes annoncé dans a nuit et de la politique agressive de l’Otan à l’égard de la Russie et dont l’Ukraine serait l’outil. 

À voir et entendre le vocabulaire utilisé, on se croirait au début des années 1940′. Dénazification, démilitarisation, génocide etc. Pourtant, on pensait que Vladimir Poutine, ci-devant colonel du KGB, était plutôt bloqué au temps de la Guerre froide. Ou bien a-t-il le secret de la machine à voyager dans le temps. Mais là, le maître du Kremlin va plus loin: il a lancé jeudi une invasion de l’Ukraine, avec frappes aériennes et entrée de forces terrestres y compris en direction de la capitale Kiev, faisant dès les premières heures des dizaines de morts, selon les autorités ukrainiennes.

 

L’attaque a déclenché un tollé dans la communauté internationale, notamment côté occidental, avec des réunions d’urgence prévues dans plusieurs pays: les 27 membres de l’Union européenne se réunissaient jeudi après-midi en sommet à Bruxelles, tandis que l’Otan convoquait un sommet en visioconférence pour vendredi.

Le président russe a donné le signal des hostilités jeudi à l’aube, après avoir reconnu lundi l’indépendance de territoires séparatistes ukrainiens du Donbass, puis fait valider mardi une intervention militaire par le Parlement russe. " J’ai pris la décision d’une opération militaire spéciale ", a annoncé le maître du Kremlin dans une déclaration à la télévision avant 6H00 du matin (03H00 GMT). " Nous nous efforcerons d’arriver à une démilitarisation et une dénazification de l’Ukraine ", a-t-il ajouté, assis à un bureau en bois sombre. " Nous n’avons pas dans nos plans une occupation des territoires ukrainiens, nous ne comptons rien imposer par la force à personne ", a-t-il assuré, appelant les militaires ukrainiens à " déposer les armes ". Il s’est justifié en répétant ses accusations, infondées, d’un " génocide " orchestré par Kiev dans les territoires séparatistes prorusses, et en arguant d’un appel à l’aide des séparatistes et de la politique selon lui agressive de l’Otan, qui instrumentaliserait l’Ukraine contre la Russie. Le président russe recevait jeudi à Moscou le Premier ministre pakistanais Imran Khan.

Son porte-parole, Dmitri Peskov, a précisé à la mi-journée que " la durée (de l’opération) serait déterminée par ses résultats et sa pertinence ". L’attaque vise à éliminer les " nazis " qui, selon Moscou, sont à l’oeuvre en Ukraine. M. Peskov a refusé de répondre lorsqu’on lui a demandé si Moscou considérait le président ukrainien Volodymyr Zelensky comme un " nazi ".

Le spectre de la Seconde Guerre mondiale était aussi brandi par Volodymyr Zelensky, qui a comparé l’invasion russe à l’offensive nazie de 1941 contre l’Ukraine, alors partie de l’Union soviétique.

Dès l’aube, juste après le discours de M. Poutine, une série d’explosions ont été entendues à Kiev, à Kramatorsk, ville de l’est qui sert de quartier-général à l’armée ukrainienne, à Kharkiv (est), deuxième ville du pays, à Odessa (sud), sur la mer Noire, et à Marioupol, principal port de l’est du pays.

Le président Zelensky a proclamé la loi martiale dans le pays, appelé ses concitoyens à " ne pas paniquer ", avant d’annoncer la rupture des relations diplomatiques avec Moscou. Vers 10H00 GMT, un membre de son équipe indiquait que " plus de 40 militaires ukrainiens avaient été tués, des dizaines blessés " et " près de 10 civils tués ". Les autorités de la région d’Odessa ont par ailleurs indiqué que 18 personnes avaient été tuées dans un village par des frappes, sans qu’on sache si ces victimes avaient été comptabilisées dans le bilan global. Vers 12H00 GMT, l’offensive semblait viser directement Kiev: les autorités ukrainiennes ont indiqué que les forces terrestres russes avaient pénétré les environs de la capitale, et qu’un avion militaire ukrainien s’était écrasé dans la région avec 14 personnes à bord.

L’Ukraine, puis la Moldavie voisine ont fermé leur espace aérien pour l’aviation civile. Les vols ont été annulés depuis les aéroports des grandes villes du sud de la Russie, proches de l’Ukraine. Moscou a fermé à la navigation la mer d’Azov, qui baigne l’Ukraine et la Russie.

A Kiev, dès l’aube, les habitants pris de court se pressaient dans le métro pour s’abriter ou tenter de quitter la ville. " J’ai été réveillée par le bruit des bombes, j’ai fait des sacs et je me suis enfuie ", a indiqué à l’AFP Maria Kachkoska, 29 ans, en état de choc, dans une des stations. Des voitures remplies de familles fuyaient la capitale, le plus loin possible de la frontière russe, située à 400 km.

A Tchouhouïv, près de Kharkiv, une femme et son fils pleuraient un homme tué par un missile, une des premières victimes de cette attaque. " Je lui avais dit de partir ", répétait le fils, non loin du cratère creusé par le projectile entre deux immeubles de cinq étages. " Je ne pensais pas qu’une telle chose puisse arriver, que cela arriverait de mon vivant ", lançait plus loin Elena Kourilo, une éducatrice de 52 ans.

Sur les grandes routes de l’Est ukrainien, l’armée ukrainienne était partout. Un porte-parole de la défense civile a indiqué que les opérations d’évacuation de civils étaient entravées par des tirs d’artillerie nourris et des communications défaillantes. L’armée russe a affirmé avoir détruit des bases aériennes et la défense anti-aérienne ukrainienne, tout en assurant ne cibler que les sites stratégiques.

Les deux camps faisaient des déclarations invérifiables: l’armée ukrainienne disait avoir tué " environ 50 occupants russes ", et le porte-parole du ministère russe de la Défense affirmait que ses troupes gagnaient du terrain dans l’est du pays.

Dans les rues de Moscou, certains habitants exprimaient leur inquiétude, d’autres leur soutien à Vladimir Poutine. " Ca ne me réjouit pas, je suis complètement inquiet ", déclarait Nikita Grouschine, un manager de 34 ans, disant ne pas savoir " qui a raison ou tort ". " Je ne vais pas discuter un ordre du Commandant suprême, s’il pense que c’est nécessaire, c’est que ça doit être fait ", déclarait de son côté Ivan, un ingénieur de 32 ans.

L’attaque russe, après des mois de tensions et d’efforts diplomatiques pour éviter une guerre, a suscité un torrent de condamnations internationales, notamment en Occident.

Le secrétaire général de l’Otan Jens Stoltenberg a condamné une " attaque téméraire et non provoquée " par la Russie. Il a indiqué que l’Alliance atlantique avait activé " ses plans de défense " pour déployer des forces supplémentaires dans les pays alliés en Europe de l’est, mais souligné que l’Otan n’avait pas de troupes en Ukraine et " pas de plan " pour en déployer.

Cette attaque intervient huit ans après que Moscou a annexé la Crimée et parrainé la prise de contrôle de régions du Donbass par des séparatistes prorusses, déclenchant un conflit régional qui a fait plus de 14.000 morts. Beaucoup redoutent qu’elle mène au plus grave conflit en Europe depuis 1945. L’attaque " met en danger la vie d’innombrables innocents " et " remet en cause la paix " en Europe, a notamment estimé jeudi le chancelier allemand Olaf Scholz.

M. Poutine a averti ceux " qui tenteraient d’interférer ": " Ils doivent savoir que la réponse de la Russie sera immédiate et entraînera des conséquences que vous n’avez encore jamais connues ".

Avec AFP

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