L’implication russe dans le dossier du nucléaire iranien pourrait vaciller d’un moment à l’autre, et mettre ainsi en échec les négociations qui durent depuis plusieurs mois, à Vienne.

Comme isolés dans une bulle, les négociateurs continuent de discuter à un rythme soutenu à Vienne sur le dossier nucléaire iranien, loin du chaos qui a saisi le monde depuis l’invasion de la Russie par l’Ukraine.

Mais l’irruption du conflit est inévitable, de l’avis des experts.

Jusqu’à présent, les pourparlers ont toujours résisté aux diverses tensions géopolitiques et officiellement, il ne saurait y avoir de lien entre les deux dossiers.

L’annexion de la Crimée en 2014 n’avait ainsi pas empêché la conclusion l’année suivante du pacte connu sous son acronyme JCPOA. Cependant, ne régnait pas alors une telle ambiance de " Guerre froide ".

Dans les discussions qui se déroulent depuis plusieurs mois pour sauver cet accord, Moscou est un rouage essentiel, aux côtés de la Chine, de la France, du Royaume-Uni et de l’Allemagne. Les cinq pays sont assis autour de la table avec l’Iran, les Etats-Unis participant eux de manière indirecte.

Le front relativement uni qu’ils présentent dans cette dernière ligne droite face à Téhéran se trouve-t-il ébranlé ?

" La communauté internationale voit naturellement l’Iran comme un allié de la Russie dans la crise ", pointe l’expert iranien Fayaz Zahed.

Le conflit " affecte l’entente " entre les parties et rend donc " la situation très fragile ", dit-il à l’AFP.

Surtout que la situation se tend un peu plus chaque jour. " Si la crise aboutit à une catastrophe humanitaire, à une confrontation militaire entre l’Ouest et les forces russes, la coopération à Vienne sera menacée ", estime Reza Nasri, un autre analyste iranien, cité par l’agence ISNA.

Stopper la flambée pétrolière

Autre inconnue, quel sera l’effet de la vertigineuse hausse des prix du pétrole sur les négociations ?

Le baril est remonté mardi au-dessus des cent dollars, propulsé par la guerre et la menace d’une nouvelle salve de mesures occidentales contre Moscou.

" L’envolée des cours met sous pression les gouvernements occidentaux, en particulier les Américains, pour boucler un accord rapidement ", souligne dans une note Henry Rome, chez Eurasia Group.

Car si Washington réintègre le JCPOA, quitté en 2018 sous la présidence de Donald Trump, les sanctions internationales visant Téhéran seraient alors levées, et les exportations iraniennes de pétrole débloquées.

L’afflux sur le marché mondial de cet or noir supplémentaire changerait totalement la donne et freinerait considérablement les prix à la pompe, dont la hausse préoccupe la Maison Blanche.

A l’inverse, l’Iran pourrait être moins pressé de conclure, fort des revenus pétroliers accrus tirés de ses ventes à la Chine, ajoute M. Rome.

De fait, la République islamique prend son temps et insiste depuis plusieurs jours sur ses " lignes rouges ", à savoir l’étendue des sanctions à lever et la question centrale des garanties.

" Les Etats-Unis ont déjà tourné le dos au JCPOA une fois. Nous devons nous assurer que cela ne se reproduira pas ", a lancé lundi le porte-parole du ministère des Affaires étrangères iranien, Saïd Khatibzadeh.

Dernier round?

L’Iran réclame en outre la fermeture du dossier de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), gendarme onusien du nucléaire, portant sur quatre sites non déclarés, où des matières nucléaires ont été détectées.

Or le directeur général Rafael Grossi a répété à plusieurs reprises ne pas être satisfait des explications de Téhéran sur le sujet.

" L’Iran joue avec le feu ", a commenté sur Twitter le chef de la délégation française Philippe Errera. Et d’avertir: " il faut savoir jusqu’où aller trop loin ".

Depuis la reprise des négociations fin novembre, après une pause de plusieurs mois, les Occidentaux ne cessent de pointer " l’urgence " au vu des avancées du programme nucléaire iranien. Et leur patience semble désormais à bout.

Il est " critique " d’aboutir à une entente " cette semaine ", souligne le ministère français des Affaires étrangères.

Les Etats-Unis l’assurent: ils sont " prêts à quitter la table si l’Iran fait preuve d’intransigeance ", selon le porte-parole de la diplomatie Ned Price.

Washington mettrait alors en œuvre un plan B pour empêcher la République islamique de se doter de la bombe atomique – une intention qu’a toujours niée Téhéran.

Dans ce dossier, les échéances ont rarement été respectées mais Barbara Slavin, de l’organisation américaine Atlantic Council, veut croire un accord possible sous peu.

" L’Iran a tout intérêt à réduire sa dépendance de la Russie, devenu un Etat paria, et à rétablir des liens économiques avec l’Europe ", estime-t-elle.

AFP

Abonnez-vous à notre newsletter

Newsletter signup

Please wait...

Merci de vous être inscrit !