Les deux finalistes de 2017 se retrouvent pour un second tour plus serré que prévu pour les élections présidentielles de 2022 en France. Pour Emmanuel Macron et Marine Le Pen, la course est lancée pour courtiser les Français, en particulier les abstentionnistes et les électeurs mélenchonistes, pour faire la différence. Mais les deux candidats ont également les yeux rivés sur les législatives en juin prochain, aucun des deux n’ayant l’assurance d’un soutien au niveau de l’Assemblée pour avoir les mains libres.

Une rude bataille pour un second tour à suspense le 24 avril a commencé. Les deux candidats tentent d’élargir leur base électorale, notamment du côté des électeurs du leader de la gauche radicale Jean-Luc Mélenchon, arrivé troisième au premier tour avec 21,95% des voix. D’un côté, Emmanuel Macron, président sortant et dont la fraîcheur du " projet " a été marquée par la crise des Gilets Jaunes et maintenant la réforme des retraites. De l’autre la candidate du Rassemblement National, Marine Le Pen, dont la stratégie de dédiabolisation n’avait pas empêché un catastrophique dernier débat télévisé cinq ans plus tôt.

L’Europe, sujet à caution du RN
Lors d’un meeting en soirée à Strasbourg, M. Macron a essayé d’attaquer Marine Le Pen sur un sujet qu’elle a évité d’aborder dernièrement: sa traditionnelle priorité nationale, en corrélation avec sa volonté de sortir de l’Union européenne. " L’Europe qui est la nôtre n’est pas une alliance de nations qui veulent se faire la guerre, c’est un projet de respect ", alors que les " rêves d’empire reviennent ", a déclaré le candidat centriste, citant la Russie.Un discours " Frexit " que la candidate d’extrême droite a pris soin de nuancer. Elle a dit vouloir baisser la contribution financière nette de la France à l’UE, de neuf à quatre milliards d’euros, et retrouver la maîtrise des frontières et de l’immigration, ce qui passera par un référendum. La candidate RN, qui a fait des scores élevés chez les jeunes et classes populaires, défend notamment les référendums d’initiative citoyenne, au cœur des demandes des manifestants lors de la crise sociale des " gilets jaunes " en 2018-2019.

La tension de la réforme des retraites

Les deux rivaux se sont également livrés à un échange musclé sur la réforme des retraites. Assailli toute la journée de lundi sur son projet d’âge de la retraite à 65 ans en 2032, M. Macron s’était dit prêt à " bouger ", entrouvrant la porte à un âge de départ à 64 ans. Mais pour sa rivale du RN, qui défend le maintien de la retraite à 62 ans, le président sortant " ira au bout de son obsession " sur la retraite à 65 ans s’il est réélu ; elle voit dans l’amendement de son projet une simple " manœuvre " vis-à-vis des électeurs de gauche.

Soucieuse de lisser son image même si son programme, notamment sur l’immigration, reste radical, Mme Le Pen a tenu également à se démarquer d’Eric Zemmour, l’ex polémiste ultra radical qui a obtenu 7% des voix et appelé à voter pour elle, en rejetant la possibilité qu’il fasse partie du gouvernement si elle entrait à l’Elysée.

Le regard tourné vers les législatives

Prévues les 12 et 19 juin pour élire les 577 députés, " ces législatives sont cruciales ", souligne auprès de l’AFP Emeric Bréhier, directeur de l’Observatoire de la vie politique française de la Fondation Jean Jaurès. Les deux finalistes de la présidentielle n’ont donc pas derrière eux une " machine de guerre " pour conquérir l’Assemblée et avoir les mains libres politiquement.

Lundi, le numéro deux du parti de gauche radicale LFI Adrien Quatennens a répondu vouloir " imposer une cohabitation " à M. Macron lors des législatives. De nombreux élus socialistes – dont la candidate Anne Hidalgo qui a été sèchement éliminée mais qui compte 25 députés et un solide appareil politique, certes déclinant – ont appelé à une " union des forces de gauche " aux législatives.Si Mme Le Pen est élue au second tour, " c’est la grande inconnue parce qu’elle a peu d’implantation territoriale ", relève M. Rouban. " Le vrai problème c’est comment s’entendre avec la droite libérale représentée par d’un côté (la candidate des Républicains Valérie) Pécresse (droite) et de l’autre côté (le candidat d’extrême droite Eric) Zemmour ". Si Mme Le Pen ne parvient pas à former sa majorité, " ce sera très instable… ", analyse-t-il. " Il faudra voir si il y a une coalition possible (…) elle aurait une majorité très faible avec une petite partie des Républicains ".

Le premier tour de la présidentielle a été marqué par une désagrégation spectaculaire des deux partis historiques français, qui ont réalisé le pire score de leur histoire: moins de 5% pour Valérie Pécresse et moins de 2% pour Mme Hidalgo. Les partis traditionnels, " de gouvernement ", de gauche et de droite sont laminés.

Avec AFP