Alors que la guerre fait rage en Ukraine depuis le 24 février, l’ONU dénombre plus de 5,2 millions de personnes qui ont fui le pays depuis les premières frappes russes. Quelque 90% sont des femmes et des enfants – les autorités de Kiev n’autorisant pas les hommes de 18 à 60 ans, en âge de porter les armes, à quitter le pays. Les violences sexuelles sont une menace omniprésente pour les Ukrainiennes, s’alarme Colleen Roberts du Haut Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR) en Moldavie. Propos recueillis par Pierre-Henry Deshayes.

 

 

Question: Quels sont les risques auxquels les réfugiées ukrainiennes doivent faire face?

Réponse: Un certain nombre de préoccupations ont été soulevées, notamment la violence sexuelle et la traite. Conflits et déplacements (de population) peuvent accentuer les risques déjà existants pour les femmes et en créer de nouveaux.

Il ne s’agit pas uniquement des violences sexuelles subies en Ukraine, mais également de celles subies en cours de route par les réfugiées. Les violences sexuelles peuvent survenir n’importe où. Plus les réfugiées sont déplacées longtemps, plus les risques de violences sexuelles sont élevés pour celles qui vivent au sein d’une communauté d’accueil, surtout quand les ressources commencent à s’épuiser.

La prise de conscience et l’aide s’améliorent. Mais le risque est toujours là. Nous devons garder à l’esprit que plus cette situation durera, plus elle créera de nouvelles formes de risques pour les filles et les femmes. Surtout quand on regarde la traite: on se concentre beaucoup sur la frontière, mais la traite d’êtres humains peut se produire n’importe où.

Il y a aussi le risque numérique et c’est complexe, il faut une capacité technique spécifique pour pouvoir vraiment y faire face. Vous pouvez aller sur Facebook ou Tinder ou d’autres médias sociaux et vous trouvez des hommes qui mettent des annonces proposant aux femmes ukrainiennes de rester chez eux.

 

 

Question: Qui sont généralement les auteurs de ces violences?

Réponse: Ca peut être n’importe qui. L’important est que chaque fois que vous avez des situations de conflit et de militarisation, qui sont profondément différenciant pour les sexes, les femmes et les filles sont en danger.

La perpétration (de tels actes) renvoie à des différences de pouvoir et à la capacité d’utiliser ce pouvoir de manière préjudiciable.

Même les personnes qui offrent leur aide peuvent en être les auteurs, un travailleur humanitaire, n’importe qui… C’est ce que nous devons comprendre: à partir du moment où vous avez des réfugiés vulnérables, en particulier des femmes et des filles, cela est susceptible d’accroître le risque d’exploitation, d’exploitation sexuelle ou d’abus sexuels, par tout type d’acteurs, même ceux qui semblent vouloir aider.

 

Question : Qui sont les personnes les plus à risque ?

Réponse : Les violences sexuelles affectent les réfugiés les plus vulnérables, comme les femmes, en particulier les femmes voyageant seules, les jeunes femmes, les adolescentes ainsi que les personnes issues de groupes spécifiques tels que les Roms ou les femmes ayant des problèmes de santé mentale sous-jacents.

Très peu de cas ont été signalés (en Moldavie). Mais femmes et filles ont fait part de leurs inquiétudes. Nous leur avons demandé quelles étaient leurs principales préoccupations, quels étaient les risques pour leur sécurité et elles ont mentionné les violences sexuelles et la traite.

Les personnes (abusées) ne cherchent pas toujours de l’aide. Nous devons comprendre quels sont les obstacles. Plus nous pourrons améliorer l’accès à l’aide, plus nous mesurerons l’ampleur de ce problème, car il est bien là.

Avec AFP