Malgré son affaiblissement dans la politique irakienne, le parti communiste irakien continue de survivre et essaie de se réinventer autour de deux axes forts : les droits des femmes et la laïcité. Disposant d’à peine quelques milliers de membres, le parti est absent au Parlement, ce qui contraste avec son influence d’antan. Il n’a pas su profiter des manifestations d’Octobre 2019 pour appuyer ses revendications, mais tente à présent de rattraper le temps perdu en s’érigeant en champion du progressisme. 

Jadis abonné aux rendez-vous historiques, le Parti communiste irakien a vu son étoile pâlir, mais il veut rebondir en prônant la défense des femmes et la laïcité, un défi dans un Irak où " la séparation de la mosquée et de l’État " n’est qu’une idée.

En ce soir de printemps, le doyen des partis irakiens souffle ses 88 bougies sur les bords du Tigre à Bagdad. Drapeaux frappés de la faucille et du marteau et youyous sont de sortie pour cette fête en petit comité : la formation n’a plus aucun député (elle a boycotté les dernières législatives), après en avoir compté deux dans la précédente législature, et elle n’a plus qu’une poignée d’adhérents.

Et qu’il est difficile de faire recette dans un pays où le communisme, avec sa laïcité en bandoulière, doit faire concurrence aux partis mastodontes dont la geste et l’identité sont profondément religieuses. " La rhétorique qui tourne autour de la séparation de la mosquée et de l’État est encore très faible en Irak ", remarque la politologue Marsin Alshamary.

Dans le camp chiite, branche de l’islam majoritaire en Irak, deux courants politiques se partagent le paysage : le clerc Moqtada Sadr et ses rivaux du Cadre de coordination, un alliage de formations pro-Iran. Les Arabes sunnites ont aussi leurs partis, à l’instar des Kurdes, des chrétiens ou des Turkmènes.

Le secrétaire général du Comité central du Parti communiste irakien, Raed Fahmi, a réorienté le programme du parti autour de deux axes, radicaux en Irak : les droits des femmes et la laïcité. (AFP)

 

 

" Voix des défavorisés "

Pourtant, le PCI a eu son heure de gloire. Dans les années 1940-1950, les communistes éveillaient les Irakiens à " la justice sociale, à l’anti-impérialisme et donnait une voix aux défavorisés ", raconte Tareq Ismael, politologue à l’université canadienne de Calgary. Des thèmes porteurs dans l’Irak pauvre et tout juste indépendant… qu’ont aussi brandi les protestataires lors du vaste mouvement anti-système lancé en octobre 2019.

Fort d’environ 15.000 membres dans les années 1960, le PCI a pesé à chaque tournant de l’histoire irakienne. Son soutien à Abdelkarim Qassem, premier président du pays, fut décisif après la révolution du 14 juillet 1958 qui renversa la monarchie. Mais le coup de massue tombe dans les années 1970, lorsque le parti Baath au pouvoir accentue sa répression. Persécuté par Saddam Hussein, le PCI renaît dans le sillage de l’invasion américaine de 2003 et la chute du dictateur.

Aujourd’hui, le PCI compte " quelques milliers " de membres, explique Raëd Fahmi, 71 ans et patron des communistes irakiens. Et il veut aiguillonner, plutôt que gouverner, en introduisant dans le débat la laïcité, la justice sociale et les droits des femmes. Un défi dans un pays où le patriarcat et la tradition tribale font encore la loi.

Selon la Banque mondiale, les femmes ne représentent que 13% de la population active irakienne, un des taux les plus bas au monde.

Pourtant, les communistes ont déjà manqué un rendez-vous. En octobre 2019, lors du mouvement de ras-le-bol anti-système réprimé dans le sang, le PCI aurait pu scander ses thèmes de justice sociale et de lutte contre la gabegie. Mais il n’a pas su se faire entendre. " C’est une occasion manquée pour le PCI qui pourrait facilement tirer profit du sentiment anti-islamiste et s’ériger en champion du progressisme et de la laïcité ", tranche la politologue Marsin Alshamary pour qui le PCI représente " la vieille garde ".

Avec AFP

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