Des haut-parleurs crachent le bourdonnement assourdissant d’avions de guerre, des peintures d’enfants blessés et de femmes éplorées tapissent les murs: un musée de Moscou met en scène la " cruauté " de l’Otan, en plein conflit en Ukraine.

" Chronique de la cruauté "
" Je le dis à chaque fois: c’est difficile de parler des crimes qui ont été commis par les troupes de l’Otan ", se plaint Iaroslav Polesterov, 46 ans, guide de l’exposition " Otan – chronique de la cruauté ", qui se tient au musée d’État d’histoire contemporaine russe jusqu’au 22 mai.

Moscou considère l’Alliance atlantique, son vieil ennemi de la Guerre froide, comme une menace existentielle et a notamment justifié son offensive en Ukraine par les ambitions atlantistes de Kiev et le soutien politique et militaire occidental à ce voisin de la Russie.

Juste avant la grande parade militaire annuelle du 9 mai, l’exposition est bien achalandée. A l’entrée, un groupe de cadets adolescents en uniforme pose pour une photo. Contrairement aux autres expositions du musée, situé sur l’avenue Tverskaïa en plein coeur de Moscou, celle-ci est gratuite.

L’Otan, un agresseur

Le message principal: l’Otan est un agresseur. Sur les murs abondent des photos de manifestations européennes anti-Alliance et de nombreuses photos d’enfants, blessés ou souriants, dans les gravats de zones de conflit.

" Nous parlons ici, entre autres, du fait que, dans le conflit actuel, l’Otan joue un rôle très important et très actif ", affirme à l’AFP Fiodor Kokine, 28 ans, responsable scientifique du musée. " Ils fournissent des armes, du matériel, des munitions à l’Ukraine ". Cette exposition préparée " en moins de quelques semaines " a accueilli 14.000 visiteurs jusqu’à présent, ajoute-t-il. Il signale la présence dans la salle d’un " lanceur de missiles antichars produit au Royaume-Uni et utilisé par les forces armées ukrainiennes " actuellement.

" Ce travail a été fait à la hâte ", soupire Alexandra, 40 ans, professeure documentaliste dans un établissement d’État. " Je pensais que ce serait pertinent d’emmener mes étudiants, en lien avec les événements politiques, mais je regrette le temps perdu ". " Pourquoi parle-t-on de cruauté? Pourquoi ne pas parler plutôt des raisons de la création de ce bloc, de comment il a évolué avec le temps? ", s’interroge-t-elle, le ruban de Saint-Georges, utilisé en Russie pour commémorer la Seconde Guerre mondiale, épinglé sur la poitrine.

Drapeaux ukrainiens, casques nazis
Le guide Polesterov, essoufflé, montre pèle-mêle aux étudiants des treillis et drapeaux bleu et jaune fraîchement arrivés d’Ukraine posés à côté d’un casque de SS nazi et d’un drapeau américain, des cartes montrant jusqu’où en Russie pourraient arriver des missiles de l’Otan.

Pour Moscou, le caractère belliqueux de l’Alliance n’est plus à démontrer, le Kremlin et Vladimir Poutine n’ayant cesse de citer l’exemple du bombardement de Belgrade en 1999, durant la guerre du Kosovo, ou encore celui de la Libye de Kadhafi en 2011. Polesterov cite d’ailleurs les frappes contre la Yougoslavie: " À l’ONU, la Russie et la Chine étaient contre (…) La décision a été prise par (Bill) Clinton, le président des États-Unis, et des criminels comme lui ".

Il reconnaît que certains visiteurs, une minorité d’après lui, ne partagent pas son indignation et désigne un livre où l’on peut inscrire ses impressions.  " Il faut (…) que les enfants, les adolescents et même de nombreux adultes voient à quel point le monde occidental est pourri ", ont écrit deux femmes, signant de leurs noms complets.

Sur fond de répression tous azimuts des détracteurs du Kremlin, ceux en désaccord s’expriment anonymement: " L’État a essayé d’hypnotiser les gens " ou " cette exposition, c’est de la merde de propagande à la soviétique ".  " Ne laissez pas la propagande vous tromper. Paix à l’Ukraine et au monde entier, liberté et sagesse à la Russie! ", proclame un autre.

Avec AFP