Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine, non moins de huit oligarques russes sont décédés dans des circonstances semblables. Deux thèses s’affrontent pour expliquer ces disparations qui interrogent.

Le 10 mai dernier, Alexander Subbotin, ancienne pointure de la compagnie pétrolière russe Lukoil, a été retrouvé mort empoisonné au venin de crapaud, rapporte " The Independent ". D’après le récit relayé par le média britannique, Subbotin se serait senti mal après une séance chamanique. Le chaman lui aurait alors conseillé la prise d’un calmant et du repos. Quelques heures plus tard, il est retrouvé mort dans sa cave, victime d’une crise cardiaque.

Aux quatre coins de l’Europe, les cadavres d’oligarques russes se multiplient. Si la cause de leur décès reste pour l’heure inconnue, la rumeur prend de l’ampleur autour de ces disparitions. Récemment, six responsables actuels et anciens de Gazprom – ainsi qu’un autre responsable russe de l’énergie – sont morts dans des circonstances mystérieuses ces dernières semaines. Alors que le régime de Vladimir Poutine est ébranlé par les sanctions économiques et son isolement sur les marchés européens et américains, les fortunes des oligarques pourraient elles aussi être impactées. Cet enchainement de morts subites s’est enclanché dès janvier, jusqu’au déclenchement de l’invasion de l’Ukraine, comme le rapporte Newsweek. Le magazine Forbes a déjà retiré le mois dernier 34 Russes de sa liste des milliardaires, invoquant l’effet des sanctions. " La guerre est un désastre absolu pour eux ", estime Elisabeth Schimpfoessl, sociologue à l’université Astom à Birmingham et autrice d’un livre intitulé " Rich Russians ".

Le corps de Sergey Protosenya, ancien cadre supérieur du géant russe de l’énergie Novatek, a été retrouvé fin avril avec ceux de sa femme et de sa fille dans une villa louée en Espagne, où la famille était en vacances pour Pâques. Le millionnaire de 55 ans a été retrouvé pendu dans le jardin de la villa de Lloret de Mar par la police catalane, ont rapporté les médias espagnols, tandis que sa femme et sa fille ont été retrouvées dans leur lit avec des coups de couteau sur le corps.

Le lundi 19 avril, l’ancien vice-président de la Gazprombank, Vladislav Avaev, est retrouvé mort dans son appartement situé dans la capitale moscovite. Scénario similaire aux autres disparitions, les corps de la femme et de de la fille de l’oligarque sont également retrouvés inertes. Un pistolet est trouvé entre les mains d’Avaev. Les enquêteurs russes penchent pour un double homicide suivi d’un suicide.

Sanctions foudroyantes

Suicides ou meurtres déguisés ? Une telle succession de suicides, aussi rapprochés dans le temps, dans des conditions quasi similaires, " c’est d’emblée suspect" , précise un bon connaisseur de la galaxie Poutine. Mais selon plusieurs experts, le régime russe n’aurait pas intérêt à faire disparaître autant d’oligarques en un temps si restreint. Mais les logiques internes à l’appareil d’État russe, opaque et versatile, alimentent les partisans de la seconde hypothèse. Le fait que six des disparations soient liées à Gazprom continue de semer le doute.

Les gels d’actifs, très médiatisés, frappent de plein fouet les oligarques russes, dont beaucoup se sont enrichis sur les décombres de l’Union soviétique et ont été mis au pas en deux décennies de pouvoir de Vladimir Poutine. Au Royaume-Uni, plus de 100 hommes et femmes d’affaires et leurs familles ont ainsi été sanctionnés depuis le début de l’invasion de l’Ukraine. Les États-Unis en ont ciblé 140, l’Union européenne plus de 30. Selon le ministre britannique des Transports Grant Shapps, il s’agit de frapper là où ça fait mal en privant les oligarques, accusés de mettre leurs fortunes au service du pouvoir tout en profitant d’un mode de vie occidental, " de leurs jouets de luxe ". À Londres, surnommée parfois " Londongrad " pour héberger depuis des années de nombreux Russes, " le tapis de bienvenue est désormais en train d’être retiré ", résume l’hebdomadaire The Economist.

Comme Sergeï Protosenya, une partie de ces oligarques s’étaient exilés. Certains d’entre eux redoutaient depuis plusieurs semaines de se trouver en situation de faillite. Privés de leurs riches ressources et affaiblis financièrement par les sanctions internationales, ces oligarques n’avaient plus de porte de sortie, selon un expert financier britannique. Tout au long de son histoire, le KBG a trainé une réputation sulfureuse, notamment en ayant fait disparaître nombre d’opposants et personnages dérangeants pour le régime. Pour l’heure, le mystère reste entier quant au sort éventuel réservé aux courtisans déshérités du maitre du Kremlin…

Avec AFP