Avec l’approche de l’été, la saison des polémiques est lancée concernant le port du burkini dans les piscines publiques. La ville de Grenoble, dirigée par les écologistes, a autorisé le port de ce maillot de bain. Au grand dam de celles et ceux qui y voient une violation de la laïcité, voire une " soumission à l’islamisme ".

2h30 de débats

La mairie de cette ville de quelque 158.000 habitants dirigée par l’écologiste Éric Piolle a souhaité modifier le code vestimentaire dans les piscines et y autorise désormais le burkini (un maillot de bain couvrant le corps et la tête, créé en Australie en 2004), et le monokini.

Le nouveau règlement intérieur a été validé lundi soir par le conseil municipal, à une courte majorité (29 voix pour, 27 contre et deux abstentions), au terme de 2 heures 30 de débats parfois tendus. M. Piolle a balayé les objections de l’opposition, en invoquant un combat " féministe ", de santé et de " laïcité " parce que rien n’interdit le port de vêtements religieux dans l’espace public, " y compris à la piscine ".

Des militants anti-burkini manifestent à Grenoble. (AFP)
" Soumission à l’islamisme "

Le sujet polarise depuis plusieurs mois la classe politique française. Pour ses opposants, le burkini constitue un symbole flagrant d’oppression de la femme et s’apparente au voile intégral que les talibans viennent de réimposer à la gent féminine en Afghanistan.

Le président conservateur de la région Auvergne-Rhône-Alpes, où se trouve Grenoble, Laurent Wauquiez, avait accusé début mai le maire de Grenoble de " soumission à l’islamisme ", dans un pays terrassé par plusieurs attentats islamistes et où la question communautaire fait rage.

En France, le burkini n’était jusqu’à présent autorisé dans les piscines d’une seule autre grande ville, à Rennes (ouest) depuis 2018. En quelques semaines, et alors qu’approchent des élections législatives les 12 et 19 juin, le débat sur le burkini a viré à la tempête politique, les deux camps s’affrontant à coups de tribunes, pétitions et prises de position musclées.

Le règlement intérieur des piscines municipales exigeait jusqu’à présent des usagers une " tenue décente " et " une attitude correcte ". Pour des questions d’hygiène, le short long est généralement prohibé. Désormais, la longueur des maillots ne sera plus limitée, a expliqué l’adjointe aux Sports Céline Mennetrier. Il permettra ainsi aux femmes de se baigner seins nus et à tous les baigneurs de porter un maillot les protégeant du soleil.

La joie des militants " hijabeuses " à l’annonce de la décision municipale

 

Loi de 1905

L’État français s’en est aussi mêlé en faisant savoir dimanche qu’il demanderait à la justice d’annuler cette autorisation du burkini si elle devait être adoptée. L' "objectif manifeste est de céder à des revendications communautaristes à visées religieuses ", selon un communiqué du représentant local de l’État qui ajoute que le texte " paraît contrevenir au principe de laïcité posé par la loi de 1905 ".

Le maire de Grenoble fait " du mal " aux " valeurs républicaines " avec ce projet " absolument grave ", a estimé pour sa part lundi une porte-parole du parti du président Emmanuel Macron. " Quand on rentre dans une piscine municipale, tout citoyen doit respecter les règles ", a ajouté Prisca Thévenot. Or, " là, on viendrait déroger à la règle pour répondre à une volonté politique religieuse ".

 

Sujet de crispation

Dans l’autre camp, une centaine de personnalités dont des féministes de renom, ont publié une tribune de soutien: " les femmes musulmanes ont autant leur place à la piscine " que les autres citoyens et " personne ne doit être stigmatisée jusque dans les bassins en raison de son choix de maillot ".

Le texte a été rédigé par la controversée association Alliance Citoyenne, organisatrice de plusieurs opérations coup de poing dans les piscines grenobloises en faveur du port du burkini, depuis mai 2019. Fondée en 2012 à Grenoble, Alliance Citoyenne est aujourd’hui présente dans d’autres villes françaises, et soutient le collectif de joueuses de football voilées les Hijabeuses, mobilisées contre la Fédération française de football (FFF), qui interdit le port du voile en compétition.

Le voile est un sujet de crispation récurrent pour la société française, alors que la population de confession ou de tradition musulmane sur son territoire métropolitain a très fortement augmenté depuis l’après-guerre, pour atteindre près de 9% de la population.

Avec AFP