La mort de dix Afro-Américains dans une tuerie raciste à Buffalo samedi a provoqué une nouvelle onde de choc aux États-Unis et à l’étranger. Mais ce n’est pas tout: l’Amérique a aussi vécu un énième week-end de violences par armes à feu, avec plus de six principales tueries recensées. Un fléau quotidien qui ne cesse d’enfler depuis 2020, posant une énième fois le débat non seulement des armes à feu, mais du suprémacisme et des discours haineux.

45.000 morts en 2021

Les statistiques de décès par armes à feu dans ce pays de 330 millions d’habitants font froid dans le dos: près de 45.000 morts en 2021, dont environ 24.000 suicides, selon l’organisation Gun Violence Archive qui compile chaque jour chacun de ces drames sur tout le territoire.

Il y avait eu 39.389 tués en 2019, dont 23.941 suicides. A la date du 16 mai 2022, exactement 16.068 personnes ont déjà perdu la vie cette année par armes à feu, dont 8.976 suicides. Soit un rythme moyen effarant de 118 morts par jour.

Signe que le pays est une nouvelle fois groggy, le président Joe Biden sera mardi à Buffalo pour " partager la douleur d’une communauté qui a perdu dix des siens dans une tuerie de masse horrible et insensée ", a annoncé la Maison Blanche, qui a dénoncé " la haine qui reste une tache sur l’âme de l’Amérique ".

 

" Acte de terrorisme intérieur "

Même l’ONU, par la voix du porte-parole du secrétaire général Antonio Guterres, a condamné un acte " ignoble d’extrémisme raciste et violent ". Dans cette ville de Buffalo, à l’extrême nord de l’État de New York, au bord du lac Erié et de la frontière canadienne, les habitants pleurent depuis deux jours leurs concitoyens assassinés dans un supermarché Tops d’un quartier surtout peuplé d’Afro-Américains.

Les dix personnes tuées sont toutes noires, a précisé le procureur du district d’Erié, John Flynn, et leur meurtrier présumé est un jeune suprémaciste blanc accusé d’avoir perpétré " un crime raciste motivé par la haine " et un acte de " terrorisme intérieur ", selon les autorités.

Payton Gendron, 18 ans, a conduit plus de 300km depuis chez lui dans le sud de l’État pour perpétrer ce massacre, effectuant même un voyage de reconnaissance en mars et la veille du massacre, a révélé le chef de la police de la ville, Joseph Gramaglia. " Cet individu est venu avec l’objectif de tuer le plus de personnes noires possible ", a dénoncé le maire afro-américain de Buffalo, Byron Brown, tandis que le commissaire Gramaglia a confié à CNN que le suspect " projetait de continuer son carnage et de tirer sur des gens " pour en tuer davantage.

 

Crime haineux

Le " crime motivé par la haine " désigne aux États-Unis un acte dirigé contre une personne en raison d’éléments de son identité comme la race, la religion, la nationalité, l’orientation sexuelle ou un handicap. Considéré comme une infraction fédérale aux circonstances aggravantes, il entraîne des condamnations plus dures.

Payton Gendron, poursuivi pour " meurtre avec préméditation ", a plaidé non coupable lors d’une première comparution ce week-end et doit repasser devant la justice jeudi. Le jeune homme portait une caméra et a diffusé son crime sur Twitch même si la plateforme a assuré avoir supprimé le contenu " deux minutes " après le début de sa diffusion. Il a aussi publié avant le massacre un " manifeste " raciste de 180 pages, qui l’associe selon les médias aux suprémacistes blancs et aux complotistes d’extrême droite, tenants de la théorie du " grand remplacement ".

Voix quasiment unique chez les conservateurs de la Chambre des représentants à Washington à s’opposer à l’ancien président Donald Trump, la parlementaire républicaine Liz Cheney a accusé sur Twitter " la direction du parti à la Chambre d’avoir permis (l’expression) du nationalisme blanc, du suprémacisme blanc et de l’antisémitisme ". La tuerie raciste de Buffalo rappelle celles d’El Paso (Texas) en août 2019 (23 morts dont une majorité de personnes hispaniques) et de Charleston (Caroline du Sud) en juin 2015 (neuf Afro-Américains tués dans une église).

" Un week-end en Amérique "

Et elle est survenue dans un cycle de violences résumé par le gouverneur démocrate du New Jersey Phil Murphy dans un tweet où il décrit " un week-end en Amérique ": une personne asiatique tuée et quatre autres blessées par un homme qui a tiré dans une église en Californie; deux morts et trois blessés à Houston; cinq morts à Saint-Louis et cinq autres à Chicago; 21 blessés à Milwaukee lors de fusillades après un match de basket. Les autorités ont dû imposer un couvre-feu.

Les coups de feu dans l’espace public sont quotidiens aux États-Unis et la criminalité par armes à feu est en nette augmentation dans toutes les grandes villes, surtout depuis la pandémie de 2020 et les tensions socio-économiques et psychologiques qui ont suivi.

Nombre d’initiatives des pouvoirs exécutif et législatif depuis des années pour légiférer sur les armes ont échoué, le lobby NRA restant très influent aux Etats-Unis.

Avec AFP