Difficile coup d’envoi pour le gouvernement du second quinquennat d’Emmanuel Macron: le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a esquissé mercredi un mea culpa pour l’organisation désastreuse de la finale de la Ligue des Champions. Sa déclaration ouvre la voie à des réparations pour les supporters et des sanctions contre les policiers, tout en maintenant sa version controversée sur le nombre de faux billets. Une affaire qui prend une tournure politique à l’approche des législatives.

Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin devant la commission des lois du Sénat.
" Police des polices " saisie
" Il est évident que les choses auraient pu être mieux organisées ", a déclaré le ministre Gérald Darmanin, entendu au côté de la ministre des Sports Amélie Oudéa-Castéra devant la commission des lois du Sénat, déplorant une " fête du sport gâchée " et des " débordements parfois inacceptables ".
Il s’est aussi " excusé très sincèrement " auprès des supporters de Liverpool pour " les grands dégâts, notamment sur des enfants " causés par les gaz lacrymogène. Pour la première fois depuis samedi, Gérald Darmanin a assuré avoir " demandé des sanctions au préfet de police " pour deux membres des forces de l’ordre, coupables selon lui d’une utilisation du gaz lacrymogène " contraire aux règles d’emploi ".
La ministre des Sports Amélie Oudéa-Castéra devant la commission des lois du Sénat.
Deux personnes ont également saisi l’IGPN, la " police des polices " après les évènements de samedi, a indiqué M. Darmanin, sans détail. Le ministre a aussi annoncé avoir demandé au délégué interministériel aux JO, Michel Cadot, d’envisager " des règles différentes " que celle de la dispersion avec du gaz lacrymogène en cas " d’évènements sportifs exceptionnels ".
Controverse des faux billets

Mais, le ministre qui incrimine depuis le début de la controverse les supporters britanniques, estimant qu’ils sont en grande partie responsables des incidents, a réaffirmé que " 110.000 personnes " se sont présentées " dans et autour " du Stade de France. Soit " 35.000 " supporters de plus que la jauge prévue et munis, selon lui, de billets falsifiés ou sans billet.

" Des images prouvent le retour pendant la première mi-temps puis ensuite pendant la deuxième mi-temps de très nombreux supporters britanniques, qui repartaient notamment via le RER D ", a assuré M. Darmanin. " Plusieurs billets ont été dupliqués des centaines de fois ", a-t-il aussi déclaré.
La Fédération française de football a défendu le dispositif renforcé mis en place aux abords du stade. Pour l’heure, la FFF et l’UEFA ont évalué à " 2.800 " le nombre " de faux billets scannés " samedi, selon des sources proches du dossier, confirmant une information de RMC Sports.Mais parmi ces 2.800 faux billets peuvent figurer de vrais billets ayant été mal activés, selon Pierre Barthélémy, avocat de groupes de supporters français présent samedi au stade. Pour leur part, les services de renseignements avaient alerté les autorités dès le 25 mai de la présence " d’environ 50.000 supporters anglais " qui " ne seront pas détenteurs de billets ".

Des membres des forces de l’ordre françaises à cheval aux abords du Stade de France le jour de la finale.
Colère anglo-espagnole

En France et en Angleterre, la polémique reste vive autour du dispositif de maintien de l’ordre en marge du match le plus important de la saisons en Europe, remporté par le Real Madrid (1-0) face à Liverpool.

Le directeur exécutif du club anglais Billy Hogan a annoncé que la plateforme de collecte des témoignages des supporters des Reds mise en place lundi avait déjà reçu 5.000 réponses en 24h. Et ce qu’il a lu l’a " horrifié ": " Des hommes, femmes et enfants, des gens valides et d’autres moins, ont été traités sans discernement au cours de la journée de samedi ", a-t-il regretté.

À partir de lundi, les Britanniques et Espagnols, dont plusieurs ont aussi subi des agressions et des vols après le match, " pourront déposer plainte dans leur pays ", a également déclaré M. Darmanin, expliquant que des policiers Français seront dépêchés sur place.

Tournure politique

En France, à l’approche des élections législatives (12 et 19 juin), l’affaire a pris un tour hautement politique, notamment sur la capacité du pays à organiser des événements sportifs majeurs à un an du Mondial-2023 de rugby et à deux ans des Jeux olympiques à Paris.

Les chiffres de supporters sans billets avancés par Gérald Darmanin sont un " mensonge gravissime ", a dénoncé mercredi Marine Le Pen (RN), estimant qu’il " devrait de lui-même considérer qu’il doit partir ". Après l’audition au Sénat, elle a jugé qu’il " aurait pu un peu les élargir (ses excuses, NDLR). " C’est du chaos inimaginable dont il aurait dû s’excuser, des razzias dont les gens ont été victimes, des agressions sexuelles (…) des coups et blessures, des lynchages, (…) de l’anarchie ", a-t-elle dit lors d’une conférence de presse dans l’Oise.

" Un ministre qui ment, c’est une mauvaise nouvelle et pas de bon augure pour le quinquennat qui s’annonce ", a estimé de son côté l’eurodéputé LFI Manuel Bompard, bras droit de Jean-Luc Mélenchon, sur Franceinfo. Sur le gril, M. Darmanin conserve toutefois " toute la confiance du président de la République ", a rétorqué mercredi la porte-parole du gouvernement Olivia Grégoire.

Avec AFP