C’est une reine de tous les records qui entame les célébrations de son jubilé de platine jeudi 2 juin. Agée de 96 ans, Elizabeth II d’Angleterre fête ses 70 ans de règne, un record pour un souverain britannique. Le Royaume-Uni ainsi qu’une bonne partie du monde auront les yeux rivés sur Buckingham Palace et les différentes cérémonies qui doivent se terminer dimanche 5 juin.

La foule a convergé jeudi 2 juin vers le palais de Buckingham, où Elizabeth II, de plus en plus rare en public en raison de ses problèmes de santé, doit apparaître au balcon pour les célébrations de 70 ans d’un règne historique.

En lancement des quatre jours des festivités de ce jubilé de platine, des milliers de personnes, portant drapeaux et portraits de la reine, se sont massés le long du Mall, avenue menant au palais, espérant apercevoir la monarque de 96 ans, à la longévité sans précédent pour la monarchie britannique.

Royaume-Uni Elizabeth II
Une foule massive a convergé vers Buckingham Palace pour les célébrations (AFP)

À cheval, ses héritiers, les princes Charles et William, sont arrivés dans la fameuse tenue rouge avec long bonnet en poil d’ours pour la traditionnelle parade annuelle du Salut aux couleurs, réunissant plus de 1.200 soldats et des centaines de musiciens. Leurs épouses respectives, Camilla et Kate, sont arrivées en carosse, tandis que le Premier ministre Boris Johnson se trouvait dans les tribunes avec son épouse Carrie.

" C’est une journée unique, cela ne se reproduira pas tant que je serai vivant: 70 ans sur le trône ", s’est exclamé Peter, interrogé par l’AFP dans le public.

" Cela n’arrive qu’une fois dans une vie ", a renchéri Mark Cornell, venu spécialement du Nord de l’Angleterre, qui assure pourtant n’être pas un fan inconditionnel de la monarchie: " Ils doivent se réinventer pour les nouvelles générations ".

 

Des festivités tout le weekend

Fanions, drapeaux et portraits géants ont été accrochés dans les rues de tout le Royaume-Uni, qui va fêter dimanche l’ultrapopulaire souveraine, symbole de stabilité au fil des décennies de bouleversements pour le pays.

Après la parade de jeudi, une messe est prévue vendredi, un concert géant samedi à Buckingham Palace et surtout des dizaines de milliers de rassemblements populaires, dont des pique-nique géants dimanche.

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Une démonstration de la Royal Air Force pour les célébrations (AFP)

Ce jubilé de platine apporte un répit et un moment de communion aux Britanniques après plusieurs années de déchirements autour du Brexit et de stricts confinements dus au Covid-19, suivis désormais par une énorme inflation.

" J’espère que les prochains jours seront l’occasion de réfléchir à tout ce qui a été accompli au cours des 70 années, tout en regardant l’avenir avec confiance et enthousiasme ", a déclaré dans un message écrit la souveraine, cheffe d’Etat de 15 royaumes, du Royaume-Uni au Canada en passant par la Nouvelle-Zélande.

Le défilé " Trooping the color " dans la cour de Buckingham est digne d’un péplum hollywoodien

Jamais aucun souverain britannique n’a régné aussi longtemps qu’Elizabeth, montée sur le trône à 25 ans le 6 février 1952 à la mort de son père, George VI. Il est peu probable qu’un autre atteigne une telle longévité: Charles, le prince héritier a 73 ans, son fils William bientôt 40 ans.

Une reine de tous les records

Elizabeth II règne depuis 70 ans et presque 4 mois. Au Royaume-Uni, le précédent record était détenu par son arrière-arrière-grand-mère la reine Victoria, qui avait régné 63 ans, 7 mois et 2 jours (du 20 juin 1837 à sa mort le 22 janvier 1901).

Elle a visité en tant que reine plus de 100 pays – autre record pour un souverain britannique – et effectué plus de 150 visites dans les pays du Commonwealth. Elle s’est rendue 22 fois au Canada – plus que dans aucun autre pays- et 13 fois en France, dont elle parle la langue, plus que dans aucun autre pays européen.

Elle a connu 14 Premiers ministres, de Winston Churchill (1952-1955) à Boris Johnson, qui lors d’audiences en principe hebdomadaires l’ont tenue informée des principaux développements du moment.

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La reine Elizabeth a aussi rencontré 13 des 14 présidents américains, de Harry Truman (1945-1953) à Joe Biden. Lyndon Johnson (1963-1969) est le seul qui manque.

Cheffe de l’Eglise anglicane, très croyante et pratiquante, elle a rencontré quatre papes en visite officielle: Jean XXIII (1961), Jean-Paul II (1980, 1982 et 2000), Benoît XVI (2010) et le pape François (2014).

Enfin, comment ne pas mentionner son engagement pour sa patrie. Agée d’à peine 19 ans, elle s’engage comme conductrice dans l’armée de réserve, vers la fin de la seconde guerre mondiale. Durant son règne, elle a mené quelque 21.000 engagements, approuvé par " sanction royale " quelque 4.000 projets de loi, et reçu de très nombreux dignitaires dans le cadre de 112 visites d’Etat. Parmi eux l’empereur Haïlé Selassié (Ethiopie, 1954), l’empereur du Japon Hirohito (1971), le président polonais Lech Walesa (1991) et le président américain Barack Obama (2011).

Comité restreint 

Jeudi, la monarque est apparue à deux brèves reprises sur le balcon pour saluer le défilé puis pour un survol aérien.

A ses côtés, la famille est limitée aux membres qui ont des fonctions officielles et leurs enfants. Exit donc le prince Harry et Meghan, qui assistent à la parade depuis un autre bâtiment pour leur premier retour ensemble au Royaume-Uni depuis leur fracassant départ en Californie en 2020. Manque aussi le prince Andrew, qui a payé des millions de dollars pour mettre fin à une plainte pour agressions sexuelles.

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Elizabeth II et une partie de sa plus proche famille (AFP)

Dans la soirée, la reine a allumé à distance, depuis le château de Windsor, une sculpture en forme d’arbre de 21 mètres de haut située devant le palais de Buckingham, où était présent le prince William.

Confirmées seulement mercredi soir par le palais, les apparitions d’Elizabeth II, devenue rares, sont très attendues. Car sa santé inquiète: depuis une nuit à l’hôpital en octobre, elle a annulé quasiment toutes ses apparitions officielles, remplacée par Charles y compris pour la première fois en mai pour le discours du trône au Parlement.

Les Corgis, meilleurs amis de sa très gracieuse majesté

 

Ambiance de fin de règne

Affaiblie depuis la mort de son époux Philip l’an dernier, elle a du mal à marcher et s’appuie sur une canne. Elle ne montre cependant aucune volonté d’abdiquer et a fait plusieurs apparitions surprise récemment, souriante et détendue.

Dans cette ambiance de fin de règne, la monarchie a traversé plusieurs crises ces dernières années et se trouve confrontée à des critiques croissantes, notamment dans les anciennes colonies, concernant le passé esclavagiste de l’Empire britannique. Après la Barbade l’année dernière, la Jamaïque a indiqué vouloir couper le cordon avec la couronne pour devenir une République.

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Le petit fils de la reine et futur héritier au trône, le Prince William et la fille de la reine, la princesse Anne, lors du défilé du 2 juin (AFP)

Au Royaume-Uni, la reine reste choyée par ses sujets avec 75% d’opinions favorables selon l’institut YouGov mais son héritier Charles est bien moins apprécié (50%). Les jeunes sont plus partagés que leurs aînés sur la monarchie, et, tous âges confondus, seuls 39% des Britanniques pensent que l’institution existera encore dans 100 ans.

Salutations internationales

À l’international, les messages d’amitiés se sont multipliés. Le président français Emmanuel Macron a salué le " dévouement " de la reine Elizabeth II en faveur de " l’amitié indéfectible " entre la France et le Royaume-Uni, et exprimé sa reconnaissance envers cette " si proche alliée ". La France a également annoncé lui offrir l’un des plus beaux chevaux de sa Garde républicaine. Agé de 7 ans et doté d’une robe grise, Fabuleu de Maucour était jusqu’à présent porte-étendard lors de défilés officiels.

Le pape François a de son côté souhaité à la reine ainsi qu’à sa famille et à son peuple " unité, prospérité et paix ". Dans un bref télégramme rédigé en anglais et adressée à " sa majesté la reine Elizabeth II, palais de Buckingham, Londres ", le pape assure la souveraine de " ses prières " pour que " Dieu tout-puissant vous accorde, ainsi qu’à la famille royale et à tout le peuple de la nation les bénédictions que sont l’unité, la prospérité et la paix ".

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Le défilé de la garde royale, le 2 juin (AFP)

Plus surprenant, le Parti républicain irlandais Sinn Féin, ex-branche politique des paramilitaires de l’IRA, a remercié Elizabeth II pour son rôle dans le processus de paix en Irlande du Nord. Une démarche inimaginable pendant la plus longue partie de son règne, marqué par trois décennies de " troubles " dans la province britannique entre républicains, surtout catholiques, souhaitant une réunification avec l’Irlande, et unionistes en majorité protestants, attachés au maintien au sein de la couronne.

L’IRA avait tué lors d’un attentat à la bombe Lord Louis Mountbatten, cousin de la reine, en 1979. Assassinat pour lequel le Sinn Féin s’est excusé l’an dernier.

Avec AFP