Remis en cause par une frange significative de l’Amérique, le droit à l’avortement risque d’être supprimé par la Cour Suprême des Etats-Unis. Si certains Etats l’ont déjà interdit, d’autres plus progressistes espère peser dans cette bataille de longue haleine. Le stand-up d’Alison Leiby parle ouvertement de ce thématique encore tabou outre-Atlantique.

L’Amérique se divise sur l’avortement. Mais sur scène à New York, la comédienne Alison Leiby fait rire de sa propre expérience pour lever les tabous et défendre ce droit fondamental.

Le sujet est délicat, car l’avortement n’est pas un acte anodin pour une femme et peut s’avérer une expérience douloureuse.

Mais sur les planches du Cherry Lane Theater, à Greenwich Village, on préfère se gausser des aventures d’une brune trentenaire, aux yeux pétillants derrière ses lunettes, auteure et interprète de " Oh God, a Show about abortion " (" Mon Dieu, un spectacle sur l’avortement ").

Avec une grosse dose d’autodérision, Alison Leiby se dépeint en antihéroïne new-yorkaise, loin de tout rêve de maternité, elle qui s’estime incapable de tenir son budget ou de faire pousser une plante.

Le public, très majoritairement féminin, éclate de rire au récit de son test de grossesse, " aussi positif qu’un test pour le Covid après un mariage en Floride ". Ou celui de sa perplexité quand, à la clinique où elle se fait avorter, il est question d’entendre les éventuels battements de coeur du fœtus, ou d’essayer de savoir si " ce sont des jumeaux ".

" Chance "

Mais surtout, Alison Leiby tente de dédramatiser les choses: son intervention s’est bien déroulée, les jours qui ont suivi aussi, sans mal-être ni culpabilité.

" Dans la culture populaire, les fictions ou les documentaires, je n’entends jamais parler de l’avortement que j’ai eu, qui est quelque chose d’incroyablement commun, pas traumatisant, en tout cas quand il est autorisé ", raconte à l’AFP la comédienne de 38 ans, dans sa loge.

" Je veux faire rire ", mais " je veux aussi aider les gens à commencer à parler de quelque chose de difficile ", poursuit-elle, consciente d’avoir " la chance d’être une femme blanche, hétérosexuelle, cisgenre, qui vit dans un Etat où l’avortement est légal ".

La fuite, au soir du 2 mai, du projet de décision de la Cour suprême américaine, qui est prête à annuler le droit à l’avortement, ouvrant la perspective d’un pays coupé en deux sur la question, " cela a donné plus de sens, pour moi, au fait de jouer ce spectacle. C’est plus politique ".

L’avant-première avait vu se déplacer des VIP comme la star de Sex and the City, Cynthia Nixon, ou la directrice de Vogue, Anna Wintour. Il y a quelques jours, la représentation a été suivie d’une séance de questions-réponses avec la présidente du centre pour les droits reproductifs, Nancy Northup.

" Ce spectacle est formidable, parce qu’il traite de la stigmatisation de l’avortement ", dit cette militante à l’AFP. " Elle y met de l’humanité et en même temps, à la fin, ce sentiment d’urgence que nous devons en parler davantage ", explique-t-elle, rappelant qu’une Américaine sur quatre subit un avortement durant sa vie.

Crue

Alison Leiby aborde aussi — et de manière crue — d’autres questions encore entourées de tabous, comme l’éducation sexuelle, la contraception, les douleurs et l’inconfort des règles — plus de 2.000 jours dans une vie, soit six ans, calcule-t-elle sur scène — l’angoisse à l’idée d’être enceinte et, surtout, la difficulté de s’assumer en tant que femme qui ne veut pas d’enfants.

Des thèmes qui parlent au public. " Je ne veux pas avoir d’enfants à moi (…), je suis concentrée sur ma carrière. Mais en même temps, on traverse toutes cette phase où on se demande si on ne devient pas trop vieille " pour enfanter, raconte Briana Gio, une travailleuse sociale de 30 ans, après une représentation.

" Et les gens vous disent +Tu vas le regretter toute ta vie+ ", ajoute la jeune femme, qui a grandi dans l’Oklahoma, un Etat qui vient de passer une loi pour interdire l’avortement.

Alison Leiby est partagée à l’idée d’entamer une tournée et sortir des terres aux moeurs libérales de New York.

" Je voudrais offrir ce spectacle à un public différent. Je reçois des messages: +Venez dans le Kentucky, venez en Virginie-Occidentale+. Mais ceux qui veulent la fin de l’avortement sont très actifs, très impliqués, d’une manière qui me fait un peu peur ", avoue-t-elle.

A New York, son spectacle de stand-up a été prolongé jusqu’au 30 juin.

AFP

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