Craignant fortement de ne pas obtenir la majorité absolue après le deuxième tour des élections législatives dimanche 19 juin, Emmanuel Macron et ses partisans agitent le spectre du " désordre " et d’une " France ingouvernable ". La Nupes, coalitation d’une majorité de partis de gauches, est arrivée au coude à coude avec le parti du président, créant une certaine fébrilité que rien n’arrête chez les macronistes.

Le président Emmanuel Macron a demandé mardi 14 juin aux Français de lui accorder une majorité " solide " lors du second tour des législatives, sous peine de " désordre ", mais la gauche accuse le pouvoir de céder à l' "affolement ".

Juste avant son départ pour la Roumanie et la Moldavie, frontalières de l’Ukraine, le chef de l’État libéral s’est engagé dans la bataille, faisant valoir que " rien ne serait pire que d’ajouter un désordre français au désordre mondial ".

La majorité présidentielle et la coalition de gauche emmenée par son tribun Jean-Luc Mélenchon – rassemblant son parti de gauche radicale, les écologistes, les socialistes et les communistes – sont sorties pratiquement à égalité du premier tour dimanche, avec plus de 25% des voix, lors d’un scrutin marqué par une abstention record.

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Sans majorité absolue, Emmanuel Macron craint une France en " désordre " (AFP)

Si les projections en sièges des instituts de sondages accordent au camp du chef de l’État une majorité relative, entre 255 et 295, la majorité absolue de 289 députés sur 577 reste hypothétique.

Dramatisation à outrance

Avant lui, des figures de son camp avaient dramatisé l’enjeu du second tour pour la poursuite des réformes promises, comme le recul de l’âge légal de la retraite à 64 ou 65 ans (contre 62 actuellement).

L’absence de majorité absolue aboutirait à " une véritable guerre de tranchées " parlementaire et des " négociations interminables ", a souligné le ministre de l’Économie Bruno Le Maire.

Un ancien Premier ministre de M. Macron, Edouard Philippe, a agité le spectre d’une " France ingouvernable " dans une interview au quotidien Le Figaro.

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Les ténors de la macronie multiplie les allusions à une France dans le chaos en cas de victoire de la Nupes (AFP)

Réagissant au discours de M. Macron, le dirigeant écologiste Julien Bayou a dit avoir " l’impression qu’on a un président qui tout simplement perd ses nerfs et qui fait preuve d’une grande fébrilité ".

Jean-Luc Mélenchon a dénoncé de son côté la mise en scène de " l’allocution sur le tarmac ", y voyant " un sketch à la Trump pour mettre en garde contre l’ennemi de l’intérieur ".

Des signes d' "affolement "

" Macron coule. Dans les urnes, à part chez les plus de soixante ans. Dans les sondages et dans l’autorité sur les siens, le drapeau est en berne ", a-t-il écrit sur son blog.

Le chef de file de la gauche avait auparavant discerné des signes d' "affolement " dans le durcissement à son égard du camp de M. Macron, qui il y a quelques semaines multipliait au contraire les déclarations à l’intention de ses partisans pour le faire réélire face à la candidate d’extrême droite Marine Le Pen.

Il visait notamment des ministres ou ténors de la majorité en difficulté dans leur circonscription et dont le sort dépend en grande partie des reports de voix des électeurs de droite et d’extrême droite.

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Pour Jean-Luc Mélenchon et la Nupes, la macronie multiplie les signes d' "affolement " (AFP)

M. Mélenchon a aussi accusé la Première ministre Elisabeth Borne d’avoir " refusé le débat " public qui lui était proposé jeudi 9 juin sur la chaîne France 2. La télévision publique a confirmé que Mme Borne avait décliné l’invitation, au motif qu’elle faisait campagne dans sa circonscription à ce moment-là.

Chaque camp guigne désormais les électeurs des candidats éliminés au premier tour, quitte à quelques contorsions sémantiques ou idéologiques.

Que faire de l’extrême-droite ?

La gauche dénonce ainsi les atermoiements du camp présidentiel sur ses consignes en cas de duel l’opposant au Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen.

" Aucune voix " pour l’extrême droite et soutien aux candidats " républicains ", a défini Mme Borne, tout en excluant ceux qui " insultent nos policiers, demandent de ne plus soutenir l’Ukraine, veulent sortir de l’Europe ", en référence à certains candidats du mouvement de M. Mélenchon.

De son côté, le chef de file de la gauche ne s’interdit pas de courtiser l’électorat du RN, qui mise sur 35 à 40 députés et appellera la plupart du temps à voter blanc dans les circonscriptions où il est éliminé.

Un de ses lieutenants, Adrien Quatennens, a appelé les électeurs qui " s’égarent " dans le vote RN à " faire un autre choix " et rallier la gauche.

Toujours convaincu de pouvoir atteindre son objectif de remporter la majorité absolue et d’imposer à M. Macron une cohabitation inédite pour un président tout juste réélu, M. Mélenchon a exhorté les jeunes à se mobiliser dimanche.

Avec AFP