Le programme nucléaire iranien est de nouveau sous les projecteurs avec la reprise, lundi à Vienne, des discussions pour sauver l’accord de 2015.

Si Téhéran insiste sur le caractère pacifique de ses activités, les récentes avancées inquiètent les experts.

Photo d’archives datant de 2008 montrant l’ex-président iranien Mahmoud Ahmadinejad devant une allée de centrifugeuses destinées à la production de l’uranium enrichi, lors d’une visite dans l’usine de Natanz. (AFP)

Quelles limites a franchi Téhéran?

D’après les termes de l’accord conclu à Vienne avec les grandes puissances (Etats-Unis, Allemagne, France, Royaume-Uni, Chine, Russie), l’Iran avait convenu de limiter le niveau d’enrichissement d’uranium à 3,67% pour un plafond de 202,8 kilos (ou 300 kilos équivalent UF6).

Le processus consiste à augmenter la proportion d’isotopes fissiles dans l’uranium, notamment dans des centrifugeuses.

L’uranium naturel, tel qu’il est extrait du sol, est composé à 99,3% d’uranium 238, non fissile. La part fissile, l’uranium 235, ne constitue que 0,7%.

Enrichi entre 3 et 5%, cet uranium sert à alimenter les centrales nucléaires pour la production d’électricité.

Mais en riposte à la décision en 2018 de Donald Trump de se retirer de l’accord, l’Iran s’est progressivement affranchi de ses engagements.

Il a ainsi commencé à dépasser le plafond autorisé tout en enrichissant jusqu’à 5%. Selon le dernier rapport de l’AIEA, il avait accumulé début novembre 2.489,7 kilos d’uranium enrichi, soit plus de 12 fois la limite autorisée.

En début d’année, l’Iran est allé plus loin en montant à 20%, un niveau qui permet en théorie de produire des isotopes médicaux, utilisés notamment dans le diagnostic de certains cancers. Son stock enrichi à ce taux s’élève désormais à 113,8 kg.

Puis en avril, la République islamique a franchi le seuil inédit de 60% et en a produit depuis 17,7 kg, se rapprochant des 90% nécessaires à la confection d’une bombe.

Enfin, elle a développé pour la première fois de l’uranium métal, " sous un prétexte civil, alors qu’il s’agit d’un matériau clé pour fabriquer une arme atomique ", explique pour l’AFP Andrea Stricker, co-auteure d’un rapport de l’Institut des sciences et de la sécurité internationale de Washington.

En parallèle, l’Iran a fortement augmenté le nombre et la performance des centrifugeuses pour produire davantage, mieux, plus vite.

L’Iran peut-il fabriquer une bombe nucléaire?

La quantité autorisée dans le cadre de l’accord n’avait pas été fixée au hasard. C’était le résultat d’un calcul précis destiné à définir le " breakout time ", c’est-à-dire le temps qu’il faudrait en théorie à l’Iran pour obtenir le matériau destiné à une bombe nucléaire.

Ce délai était d’environ un an.

Du fait des dernières avancées techniques, il est désormais " bien inférieur ", souligne un diplomate proche du dossier, pour lequel ce n’est " pas compliqué d’un point de vue technique " de passer de 60 à 90%.

L’Iran a donc " parcouru 99% du chemin " en atteignant un taux d’enrichissement de 60%, de l’avis des experts.

Quels sont les autres paramètres?

Mais même s’il parvient à rassembler suffisamment de matériau pour une bombe, " il lui faudrait le convertir et l’assembler avec des explosifs et d’autres composants ", explique Eric Brewer, spécialiste de la prolifération nucléaire au sein du Centre pour les études stratégiques et internationales (CSIS).

D’autres étapes sont ensuite nécessaires " pour adapter l’arme sur un missile et faire fonctionner le dispositif correctement ".

Or " il ne semble pas que l’Iran ait fait beaucoup de progrès " sur ce volet-là, selon M. Brewer. " La plupart des éléments suggèrent qu’il veut la capacité pour faire une bombe, mais pas la bombe elle-même ".

En outre, l’AIEA, bien que limitée dans son accès depuis l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi iranienne en février, inspecte régulièrement les principaux sites du pays, en particulier le complexe d’enrichissement de Natanz (centre).

Cet accès est " essentiel alors que le break out time est estimé à quelques semaines seulement ", insiste l’expert.

Par ailleurs, note-t-il, Téhéran a accumulé au fil des semaines des connaissances irréversibles, " qui ne pourront pas être effacées par un simple retour dans l’accord ".

AFP

Abonnez-vous à notre newsletter

Newsletter signup

Please wait...

Merci de vous être inscrit !