Apparu dans les années 1990, le Commandement des opérations spéciales (COS)n’a cessé de s’adapter au gré de l’évolution de la conflictualité. Mais après une longue période de combats asymétriques contre les jihadistes, la marche à franchir est haute, car il faut se préparer à affronter des puissances à armes égales. La compétition entre puissances et le retour de la guerre de haute intensité, illustré par le conflit en Ukraine, mettent les forces spéciales françaises au défi de se réiventer, après deux décennies dominées par la lutte antiterroriste.

" Champs immatériels "
Conçu à sa création comme un outil ponctuel de gestion de crise, le COS entame une deuxième vie dans les années 2000, avec l’engagement dans la durée des forces spéciales (FS) françaises en Afghanistan. Pendant la décennie suivante, les FS sont en première ligne dans la lutte antijihadiste, au Levant comme au Sahel, où les petites unités de l’opération Sabre traquent les groupes affiliés à Al Qaïda et au groupe État islamique.Si le COS promet de rester mobilisé à l’avenir dans la lutte antiterroriste, ce modèle de guerre asymétrique n’est plus la priorité des armées françaises, qui s’efforcent désormais de se préparer à des scénarii de contestation de puissance, assortis de stratégies d’influence dans les " champs immatériels " (réseaux sociaux, flux d’information, cyber….), voire de conflits majeurs entre États.

Des membres des forces spéciales françaises en exercice en France, en 2013.

L’attaque lancée par Moscou en Ukraine est venue confirmer le besoin de s’adapter, y compris chez les forces spéciales qui doivent maintenant mettre à profit l’agilité et la discrétion de ses unités très légères dans ce nouveau modèle de conflit durci, dans lequel leur niveau d’imbrication avec les forces conventionnelles promet d’être plus élevé que par le passé.

" Les zones grises deviennent l’espace d’engagement privilégié des forces spéciales, qui devront y contrer des adversaires plus robustes, plus ambigus et utilisant systématiquement des stratégies hybrides ", fait valoir un officier du COS. " Ce qu’on sait faire dans le domaine de la lutte antiterroriste nous aide pour évoluer en zone grise " et effectuer des actions ciblées, à moindre coût, pour dissuader ou déstabiliser l’adversaire, souligne-t-il. Le COS admet toutefois avoir besoin de se doter nouvelles compétences pour relever les défis du numérique et de l’influence.

Transformation accélérée

" La guerre en Ukraine accélère notre transformation ", confie un officier supérieur du très discret Commandement des opérations spéciales (COS) regroupant 4.500 militaires d’élite issus des trois composantes (air, mer, terre), et qui fête en juin ses 30 ans d’existence. Dans le conflit dur qui oppose depuis le 24 février Russes et Ukrainiens, le COS a attentivement observé l’emploi des forces spéciales (FS) pour en tirer de premiers enseignements.

" L’emploi des forces spéciales et des actions hybrides a été étonnamment bas dans le mode d’action de l’armée russe depuis le début de ce conflit. C’est une surprise majeure ", soulignait fin avril le général Bertrand Toujouse, commandant du COS, dans un entretien accordé à l’Institut français des relations internationales (IFRI).

" À l’inverse, chez les Ukrainiens, on constate le retour à des logiques de guérilla, d’actions spéciales limitées (…) ils ont obtenu de beaux succès en la matière ", en lançant parallèlement de multiples opérations d’influence sur les réseaux sociaux, analyse le haut gradé.

Un avion Transall du 4e régiment d’hélicoptères des forces spéciales de l’armée française (4e RHFS) à Pau, dans le sud-ouest de la France. Cet avion de transport militaire sera retiré du service des armées françaises après un demi-siècle de service.
30e anniversaire du COS

Un test grandeur nature aura lieu en 2023, lors du vaste exercice " Orion " organisé par les armées françaises, qui se jouera sur un scénario de haute intensité. Les forces spéciales seront utilisées pour " ouvrir le théâtre ", franchir les lignes ennemies et collecter du renseignement. Elles seront ensuite intégrées aux forces conventionnelles.

Le 30ème anniversaire du Commandement des opérations spéciales, lui, sera célébré à bas bruit, à l’image de ses interventions. Le 24 juin, les FS raviveront la flamme sous l’Arc de Triomphe et fleuriront les tombes de leurs camarades tombés au combat ces trois dernières décennies, aux quatre coins du globe.

Le même jour, le grand public sera invité à participer à un jeu en ligne à partir du 27 juin, baptisé " opération Kernel ". Les participants se glisseront dans la peau d’un membre des forces spéciales chargé de libérer en moins d’une heure une physicienne nucléaire française retenue en otage dans un hôtel par des terroristes. D’après le ministère des Armées, les joueurs devront " devront utiliser tout le savoir-faire des forces spéciales pour mener à bien les différentes missions: réflexion, innovation, technologie, discrétion, coopération et rapidité ".

Avec AFP