La justice allemande a condamné à la perpétuité un jihadiste irakien pour " génocide " de la minorité yazidie, une première au monde et un verdict crucial pour la reconnaissance des exactions commises contre cette communauté kurdophone par l’organisation Etat islamique (EI).

Des fidèles yazidies font une procession autour d’une structure en forme de dôme au temple de Lalish, le temple le plus saint de cette minorité décimée par l’EI, dans la vallée de Lalish, près de la ville kurde irakienne de Dohuk, lors des célébrations de la fête de " l’Assemblée d’automne ". (AFP)

C’est la première fois qu’un tribunal juge que ces massacres relèvent du " génocide ", déjà reconnu comme tel par des enquêteurs de l’ONU.

L’avocate la Libano-britannique Amal Clooney est à la tête d’une campagne internationale pour faire reconnaître les crimes de l’EI comme un génocide. Elle milite pour une reconnaissance officielle par l’ONU du génocide des yazidis avec le Prix Nobel de la Paix 2018, Nadia Mourad, ancienne esclave sexuelle de l’EI. (AFP)

Les juges de la Haute Cour régionale de Francfort ont reconnu Taha Al-Jumailly, 29 ans, " coupable de génocide, de crime contre l’humanité ayant entraîné la mort, de crimes de guerre et de complicité de crimes de guerre " notamment.

La lecture du verdict a été interrompue juste après l’annonce de la sentence, le condamné s’étant évanoui. Elle a pu reprendre après l’intervention de secouristes.

Taha Al-Jumailly, qui avait rejoint les rangs de l’EI en 2013, a été reconnu coupable d’avoir durant l’été 2015 à Falloujah, en Irak, laissé mourir de soif une fillette yazidie de cinq ans qu’il avait avec sa mère " achetée comme esclave ", selon l’accusation.

La minorité ethno-religieuse yazidie a été particulièrement persécutée par l’EI qui a réduit ses femmes à l’esclavage sexuel et massacré des hommes par centaines. (AFP)

Pour ce forfait, son ex-épouse Jennifer Wenisch, 30 ans, a déjà été condamnée à dix ans de prison le mois dernier pour " crime contre l’humanité ayant entraîné la mort " de l’enfant.

Ce verdict était très attendu par la communauté aujourd’hui décimée. " Aujourd’hui est un jour historique pour l’humanité. Le génocide des Yazidis entre enfin dans l’histoire du droit pénal international ", a indiqué à l’AFP Natia Navrouzov, avocate et membre de l’ONG Yazda qui rassemble les preuves des crimes commis par l’EI envers les Yazidis.

" Nous veillerons à ce que d’autres procès comme celui-ci aient lieu ", a-elle ajouté.

La mère de la petite fille, Nora B., a raconté à la barre le calvaire enduré par son enfant, " attachée à une fenêtre " à l’extérieur de la maison par des températures " pouvant aller jusqu’à 50° ", selon le parquet.

L’accusé, aujourd’hui âgé de 29 ans, entendait punir la fillette, à laquelle il infligeait des maltraitances, pour avoir uriné sur un matelas.

La mère, analphabète et qui s’exprime parfois avec confusion en kurmandji, l’une des langues kurdes, a témoigné avoir été violée à de multiples reprises par des jihadistes de l’EI après qu’ils eurent envahi son village des monts Sinjar, dans le Nord-Ouest de l’Irak, en août 2014.

Des fidèles se tiennent devant l’autel, prient et font des nœuds dans des morceaux de tissu qui représentent leurs voeux, lors de leur visite au nouveau temple yazidi dans le village d’Aknalich, à 35 kilomètres de la capitale arménienne Erevan, le 11 octobre 2019. Durant leur pèlerinage, les yazidis embrassent les murs de marbre et contemplent un paon orné incrusté de pierres multicolores à l’intérieur du plus grand temple yazidi du monde, qui a ouvert ses portes en Arménie. Ancien groupe ethnique très persécuté pour sa foi, les Yazidis ont trouvé refuge en Arménie où ils ont construit ce temple d’un blanc éclatant entouré d’une roseraie. Cette minuscule communauté compte seulement 35000 personnes en Arménie. Ils vivent également en Syrie, en Turquie et en Irak. (AFP)

La minorité ethno-religieuse yazidie a été particulièrement persécutée par l’EI qui a réduit ses femmes à l’esclavage sexuel et tué des hommes par centaines.

La mère est représentée par trois avocats, dont la Libano-britannique Amal Clooney. Celle-ci est à la tête – avec le Prix Nobel de la Paix 2018, Nadia Murad, ancienne esclave sexuelle de l’EI et originaire du même village que la victime – d’une campagne pour faire reconnaître ces crimes comme un génocide.

Pour juger cet Irakien, arrêté en Grèce en 2019 sur mandat d’arrêt international, l’Allemagne applique le principe de la " compétence universelle " qui permet à un Etat de poursuivre les auteurs d’infractions les plus graves même quand elles ont été commises hors du territoire national.

Ce procès envoie donc " un message clair: peu importe où les crimes ont été commis et peu importe où se trouvent les auteurs, grâce à la compétence universelle, ils ne peuvent pas se cacher ", insiste Natia Navrouzov.

L’Allemagne, où vit une importante diaspora yazidie, est l’un des rares pays à s’être saisi judiciairement des exactions commises par l’EI contre cette minorité.

Avec ce jugement, la justice allemande a déjà prononcé six condamnations pour crimes contre l’humanité ou complicité de crimes contre l’humanité d’hommes et de femmes qui s’étaient rendus dans les territoires conquis par l’EI, pour des faits en lien avec les Yazidis.

En mai, une équipe d’enquête spéciale de l’ONU avait annoncé avoir recueilli la " preuve claire et convaincante " qu’un génocide a été commis par les jihadistes contre les Yazidis.

Nadia Murad avait alors réclamé au Conseil de sécurité de saisir la Cour pénale internationale ou de créer un tribunal spécifique pour le " génocide " commis contre sa communauté.

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