Avec le début de la saison des moissons, la guerre en Ukraine prend une tournure économique. L’invasion russe de l’Ukraine avait déjà fait flamber les cours de céréales, principalement le blé, sur les marchés internationaux. Une hausse des prix qui a déclenché un séisme mondial, portant atteinte à la sécurité alimentaire de plusieurs pays d’Afrique et du Moyen-Orient, alimentant l’inflation dans les pays riches. L’Occident accuse Moscou d’utiliser l’arme alimentaire pour perturber le marché mondial et déstabiliser économiquement et politiquement les pays vulnérables. Par ailleurs, Kiev accuse depuis des semaines la Russie de voler ses récoltes de blé dans les régions occupées pour le revendre illégalement sur le marché international. Un navire transportant du blé ukrainien a été saisi la semaine dernière par les autorités turques à Istanbul, à la demande de l’Ukraine. Les autorités installées par la Russie dans la région de Kharkiv ont indiqué que " la campagne de récolte de blé avait commencé dans les territoires libérés de la région ", selon l’agence russe Ria Novosti. Ceci revient à affirmer que ces autorités prorusses peuvent exporter ce blé au nom de la Russie. Dans les régions restées sous leur contrôle, plusieurs responsables ukrainiens ont également accusé les forces russes de provoquer avec leurs tirs des incendies dans les champs pour détruire les récoltes. Ce phénomène ne cesse de s’amplifier avec le début des récoltes. Les agriculteurs ukrainiens avaient déjà alerté à plusieurs reprises les responsables des dangers qui menacent leurs récoltes, avec des champs infestés de mines et constamment pilonnés par les missiles et bombes russes.

 

Les forces russes continuaient dimanche de pilonner l’est de l’Ukraine, faisant au moins 15 morts dans une frappe qui a éventré un immeuble d’habitation à Tchassiv Iar, selon les autorités ukrainiennes.

La frappe s’est produite dans la nuit dans cette petite ville de quelque 12.000 habitants. Selon les secours, 24 personnes se trouvent encore sous les décombres, dont un enfant, tandis que cinq autres ont été sauvées des gravas.

L’immeuble de quatre étages a été touché par un missile russe Ouragan, a précisé sur Telegram Pavlo Kyrylenko, gouverneur de la région de Donetsk que l’armée russe cherche à conquérir.

Des journalistes de l’AFP arrivés sur place après la frappe ont vu l’immeuble partiellement effondré, des secouristes et une pelleteuse s’attelant à déblayer les lieux.

" J’étais dans la chambre à coucher, je suis sortie et tout a commencé à trembler, à s’effondrer. Ce qui m’a sauvée, c’est l’onde de l’explosion qui m’a propulsée, en sang, dans les toilettes ", a témoigné une habitante interrogée par l’AFP, refusant de donner son nom.

Selon M. Kyrylenko, au moins 591 civils ont été tués et 1.548 autres blessés à ce jour dans la région de Donetsk depuis le début de l’invasion russe le 24 février. Vendredi, il avait déclaré que Moscou préparait " de nouvelles actions " dans l’Est.

Viser les civils

L’armée russe, qui a annoncé début juillet avoir pris le contrôle de la région de Lougansk, vise maintenant celle de Donetsk pour occuper l’ensemble du bassin minier du Donbass.

Celui-ci est partiellement contrôlé depuis 2014 par des séparatistes soutenus par Moscou après l’annexion russe de la péninsule ukrainienne de Crimée.

" Les frappes brutales de l’artillerie russe ne s’arrêtent pas un jour, Sloviansk, Bakhmout, Avdiivka… ", a condamné samedi soir le président ukrainien Volodymyr Zelensky, réclamant de nouveau des armes " modernes et puissantes " pour se défendre.

M. Zelensky a accusé Moscou de frapper " délibérément, intentionnellement, de simples maisons, des objectifs civils, des gens. Il y a des victimes, morts, blessés ".

Des bâtiments endommagés par les bombardements à Kharkiv.

De son côté, le ministère russe de la Défense a accusé samedi soir dans un communiqué les Ukrainiens d’installer des hommes et des armements dans des écoles et bâtiments civils dans plusieurs localités du territoire de Donetsk et de Kharkiv.

L’état-major de l’armée ukrainienne a rapporté dimanche, comme la veille, de nombreux bombardements russes, mais quasiment pas d’assauts terrestres des forces de Moscou.

Offensive ukrainienne sur Kherson

Kiev a assuré pour sa part avoir visé deux " points de commandement " et dépôts russes dans la région de Tchornobaïvka. Les forces ukrainiennes ont aussi revendiqué une frappe sur une base russe dans la région occupée de Kherson, sans plus de détails.

A Kharkiv, deuxième ville du pays, le gouverneur Oleg Synegoubov a fait état sur Telegram de nouveaux tirs de missile qui ont touché un " établissement d’enseignement " et une maison, faisant un blessé.

D’autres frappes russes sont rapportées notamment près de Siversk et Sloviansk ainsi que dans la région de Mykolaïv.

Des véhicules blindés de transport de troupes fournis par les Britanniques, FV103 Spartan, arrivant sur la ligne de front dans la région du Donbass.

" Des armes terrestres de haute précision ont frappé un point de déploiement temporaire de l’unité d’artillerie des Forces armées ukrainiennes et un dépôt de munitions sur le territoire de l’usine de céramique de la ville de Sloviansk ", a affirmé l’armée russe. " Jusqu’à 100 personnes " ont été tuées et " plus de 1.000 obus d’artillerie pour les obusiers M777 de fabrication américaine et environ 700 roquettes pour Grad MLRS " ont été détruits, a-t-elle ajouté.

Un artilleur ukrainien dans la région de Kharkiv.

L' "ambassadeur " à Moscou de la République séparatiste de Lougansk, Rodion Mirotchnik, a déclaré dimanche matin sur Telegram que, dans la région de Donetsk, une offensive avait été " lancée contre Siversk depuis le nord " et que la localité de Grygorivka avait été " capturée après des combats ".

" Nos troupes continuent de mener des opérations militaires pour libérer Serebrianka ", autre localité de la région, a-t-il ajouté.

Turbines pour Nordstream 1

Du côté de l’économie, le Canada a décidé samedi, malgré les sanctions visant Moscou, de restituer à l’Allemagne des turbines destinées au gazoduc russe Nord Stream, actuellement en maintenance dans des ateliers de Siemens, près de Montréal. Kiev avait pourtant appelé à ne pas se " soumettre au chantage du Kremlin ".

Le groupe gazier russe Gazprom avait invoqué ces travaux pour justifier mi-juin une réduction de ses livraisons à l’Allemagne via Nord Stream.

" Le Canada accordera à Siemens Canada un permis révocable et d’une durée limitée pour permettre le retour en Allemagne des turbines Nordstream 1 réparées, ce qui soutiendra la capacité de l’Europe à accéder à une énergie fiable et abordable ", a déclaré le ministre des Ressources naturelles, Jonathan Wilkinson.

Le ministre a accusé le président russe Vladimir Poutine de vouloir " semer la division parmi les alliés ".

Parallèlement, le Canada a annoncé samedi son intention d’étendre ses sanctions économiques contre la Russie à la fabrication industrielle.

" Les nouvelles sanctions s’appliqueront au transport terrestre et par pipeline ainsi qu’à la fabrication de métaux et d’équipements de transport, informatiques, électroniques et électriques, ainsi que de machines ", a indiqué la ministre des Affaires étrangères Mélanie Joly.

Avec AFP