Mon premier défi personnel en tant que professeure universitaire, je me le suis créé moi-même.

En faisant le premier appel, ce matin de septembre, je regardais ces jeunes assis devant moi, appréciant leurs différences, observant leurs particularités, me demandant comment conjuguer leurs contrastes pour créer une atmosphère agréable et harmonieuse qui leur ferait aimer leurs cours matinaux malgré l’inévitable esprit compétitif que les projets allaient instaurer, et comment les motiver à se surpasser plutôt que de ne penser qu’à surpasser les autres.

J’observais ces belles différences qui représentaient, dans ce lieu simple qu’est la salle de cours, toute la diversité de la société libanaise: la jeune fille entièrement voilée et en manches longues qui regardait du coin de l’œil sa camarade aux cheveux roses, en crop top, toute tatouée et aux cent piercings, le petit frêle assis à côté du grand musclé de deux mètres… Le jeune somnolent aux cheveux ébouriffés qui revenait directement de son travail de nuit l’aidant à payer ses cours, en face de la jeune coiffée pour un bal et qui arborait les enseignes des grands designers, derrière vraisemblablement son énième tout nouveau mac offert par papa.

Je fis l’appel commençant par Anthony, Tracy et finissant par Zeinab en passant par Mazen, et Mohammad…

Comment rapprocher ces jeunes qui n’avaient rien en commun, ni leur passé, ni leur vécu, ni leurs religions, ni leurs rêves ni leurs ambitions ?

Je regardai le grand tableau blanc et les feutres de couleur posés en dessous… Et je décidai d’organiser un jeu, un projet graphique spontané, à faire ensemble, en classe. " Allez, tous debout, on se rapproche du tableau, on s’installe pêle-mêle tout autour ", sans bureaux, sans outils, sans barrières.

Tour à tour, chacun devait passer gribouiller un seul trait et laisser le crayon au prochain pour continuer le dessin commun sans communiquer ses idées. On installa un téléphone en caméra time-lapse, pour filmer rapidement le tout et la bonne ambiance s’installa en quelques secondes… Au détour d’un projet simple, les sourires et les rires avaient rassemblé tous ces jeunes. Les barrières étaient tombées, les différences abolies. Ces jeunes avaient oublié leur passé en travaillant ensemble sur un même projet.

Un projet en commun avait uni les âmes.

Et si on faisait de même à plus grande échelle ? Et si tous les Libanais commençaient à œuvrer pour un projet rassembleur, oubliant toutes leurs différences et se concentrant, main dans la main, sur la création d’une nation ?