– Ce n’est pas du tout vrai ce que tu me sors là, mon ami. Oui, après vingt ans ensemble, je l’aime et j’ai toujours envie de lui.

Elle, l’enlaçant de son regard avec une douceur remarquable, essaie de le rassurer que le mariage ne tue pas l’amour. Accoudé sur la table et arborant une attitude sarcastique, le gars à ses côtés l’écoute, mais refuse de croire à ce qui lui semble être des balivernes.

– Je ne peux imaginer ma vie sans elle, et maintenant qu’elle me parle de mariage, j’ai envie de disparaître. Tu me connais, Nat, le désir est mon moteur! Le désir! Tu vas me convaincre qu’après dix ans de vie commune, j’aurais toujours envie d’elle comme aux premiers jours?!

– Oui! Oui! Et Oui!, répondit-elle d’une voix tonitruante qui fit tourner toutes les têtes, même la mienne et d’une manière brusque, car j’ai spontanément éclaté de rire tellement son "oui! oui!" portait des connotations orgasmiques qui m’ont rappelé la scène culte du film When Harry met Sally.

Pour éviter de lui divulguer ma pensée et du coup l’embarrasser, je retiens mon rire hilarant et j’allume une cigarette. Si elle me dit un seul mot, je n’hésiterai pas une seconde à me joindre à leur conversation et partager mon expérience avec le futur marié! Mais elle n’en dit rien, l’égoïste!

Oui, je brûle d’envie de le rassurer et lui confirmer, d’après expérience, que tout se travaille dans la vie, même le désir. L’absence d’un seul ingrédient dans une recette ne diminue-t-il pas le goût du plat concocté? Pareil pour l’absence du désir qui peut mettre fin à un mariage harmonieux. Existe-t-il de meilleure comparaison que celle du désir au feu? Plus le feu conserve sa propre chaleur, plus il aura de facilité à brûler, à faire jaillir plus haut ses flammes, à s’embraser.

Toi l’ami-e, ne permets pas à ce désir de s’éteindre complètement, mais veille sur l’existence éternelle de ses braises, alimente-le en permanence de petites brindilles et d’écorces, voire d’imagination et de renouvellement, ensemble, à deux. Ne te dis jamais que tu as le temps. Nous n’avons jamais le temps. Sois conscient de l’ampleur de cette vérité: nous n’avons jamais le temps.

Vis avec l’autre chaque jour comme si c’était le dernier. Crois-moi, tu lui feras plus l’amour, tu le feras peut-être chaque jour. Vous le ferez différemment. Ainsi le désir tiendra. L’amour se fera. Avec plus d’émerveillement.

Prends ta/ton partenaire pour cet amant ou cette amante que tu risques de perdre. Regarde-le/la comme un coquelicot que tu as cueilli et enivre-toi de la rosée de son pétale. Garde les persiennes entrouvertes juste pour aérer ton cœur, et si des vents passagers réussissent à l’érailler, ferme les yeux en silence et trempe-le aussitôt dans la sève douillette de ta moitié de laquelle rejailliront des battements insensés, inouïs. Et laisse-toi à nouveau emporter.

Roland Barthes a dit: "Le cœur est l’organe du désir"… Je dirais plutôt que c’est la tête qui l’est.

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