6h du mat, t’as des frissons…

T’as juste froid vu qu’il n’y a pas de chauffage. Ta montre connectée se met à vibrer comme un derviche tourneur en transe… Tu jettes un coup d’œil rapide. Il fait 20 degrés dehors et le temps s’annonce parfait!

Tu sautes de ton plumard. Pas de temps à perdre. Faut que tu sois sur les pistes avant 8h. Avant eux. Avant que les hordes de ploucs ne viennent envahir TON espace. Non mais.

Douche tiède rapide. Le moteur vient à peine de se mettre en branle qu’il t’envoie son jus sporadique et te balance ses doux effluves de "mazaut" embaumer l’atmosphère glauque.

T’enfiles ta combi de ski rapidos et t’envoies un message à ta meuf:

"Sois prt dans 10. je kit mnt. te kif"

Ta journée est programmée à la minute près. Aujourd‘hui EST le jour où tu vas finalement skier ET nager.

Tu passes prendre Martine vers 7h de son hôtel. Elle est venue passer la semaine de la Saint-Valentin avec toi et compte en profiter un max.

T’arrives sur les pistes juste pour l’ouverture, à 8h pile.

Tu ranges ta "Range" sur le parking du "Refuge" et tu enfiles tes skis. Refuge, Jonction, Nabil, Télésiège. Ça coûte un bras mais tu t’en fous. Tu t’éclates a donf après deux ans de confinement et Martine peine à suivre. Faut quand même poster quelques selfies sur sa page insta. Sans oublier la vidéo sur TiktTok!

La neige est juste parfaite. Poudreuse à volonté! Et un soleil de plomb. Un bonheur jouissif.

A midi tu entames ton ultime descente. T’as faim comme un SDF devant les restos du cœur, mais t’as pas le temps de t’arrêter pour un lunch.

Tu mates le "blond" qui déguste goulûment sa bouillabaisse du vendredi à la terrasse de l’hôtel:

– Hi, kifak, ça va?

– Salut Polo. Tfaddal. Chou tu es là? (Non, connard, suis là-bas.) Wallah j’adore ton blog et tes billets dans Ici Beyrouth. Continue à nous faire rire. On en a besoin.

– Merci habibi. Et toi, tu ne skies pas?

– La flemme. Je fais juste du bronzo.

La voiture peine à se faufiler vers la sortie du parking. Et tu commences à t’impatienter. T’as la seum, mais tu te calmes. Les tatars ont envahi la région et t’as même le petit con de service qui vient en double file en face. Un petit "hrajelois" dont le sourire béat semble éclatant, tant sa peau est basanée. Il croit, à juste titre d’ailleurs, que la route lui appartient. Et évidemment pas de keufs en vue!

13h. Arrivés finalement a l’ATCL. T’as fait exprès de garder ta combi a moitie ouverte pour bien montrer que tu viens de Faraya.

Tu te mets hâtivement en maillot et tu vas vers la jetée. Martine te suit à la traîne. Nouvelle séance de selfies. Tout le monde se retourne sur son passage. "Tiens, une nouvelle. On ne la connaît pas, celle-là." "Yii! Ça doit être une étrangère." "Tu vois qu’il y a encore des touristes dans le pays."

Finalement tu plonges dans la mer d’un bleu turquoise à l’infini. L’eau fraîche semble presque exquise après une journée au soleil.

Une volupté t’emplit le corps d’une ondée bienfaisante.

Et tu t’affaisses finalement sur ton transat pour profiter de ces instants de félicité. Martine, elle, continue à prendre en photos les paysages alentour qui bordent la superbe baie de Jounieh. Les parapentes peignent l’azur du ciel de couleurs chatoyantes, dans un décor de carte postale.

Et tu fermes les yeux en pensant qu’au final ce pays est malgré tout unique, et non pas seulement parce que tu as la possibilité de skier et nager le même jour. Mais aussi grâce à cette mosaïque de cultures et de gens qui donne au Liban son caractère tellement particulier.