vous n’en parlez jamais

lui dire je suis restée l’enfant

lui raconterai la guerre d’un enfant

boue en bouche, je lui dirai

une joue couvait le jeu, l’autre mangeait le réel

je lui dirai, j’ai commencé à écrire avec elle, la guerre

et le tremblement des limites

écrire enfant sans pages ni mots

écrire pour me fixer le vrai au corps

comme me coudre membre fantôme

racontez-moi la guerre, sa voix basse comme main

on nous nomme, enfants de la guerre

comme honneur et je le reste

l’enfant de là-bas, ce passé-là

la guerre non temps, mais lieu agrippé aux pieds

l’enfant, aujourd’hui, poignée d’anciennes syllabes

guerre comme hauteur de ciel ne connaît pas sa fin 

répète ses bruits de récits essoufflés comme sommeil de souffrant

éclats de souvenirs pourtant oubliés

fracas de corps par morceaux

d’immeubles aux odeurs d’acier chaud

je lui dirai je vois encore ses images fourbues

comme dessins jugés mauvais, sans possible correction

nos voix biffées, lectures à reculons

lui raconter quand je ne comprends pas

la guerre comme langue morte, qu’on ne parle plus

je lui dirai dans un effort studieux

que je suis l’enfant dès qu’il s’agit du pays

lui parler de ce lieu-là, l’enfance brûlée sur ma peau

me mettre par terre, lui parler à partir de là

écrire au sol, humus en bouche

comme faire pousser les mots du béton

les jeter aux nuages, comme nous tombaient les bombes

lui parler de honte, du flou de la honte

celle de ne pas savoir, flou du bien

comme le flou de l’histoire

je lui dirai, je n’en parle pas

demandez aux autres, je suis un enfant

– Site personnel: graciabejjani.fr

– Chaîne vidéo: youtube.com/c/graciabejjani

lui dire je suis restée l’enfant

lui raconterai la guerre d’un enfant

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