Entre le réchauffement climatique qui ravage ses forêts et la guerre en Ukraine qui la prive d’électricité, l’Europe s’engage à placer la nature et l’Homme au centre de l’environnement urbain.

Avec des espaces urbains responsables de plus des deux tiers de la consommation énergétique et des émissions de gaz à effet de serre, il est indispensable de repenser les cités du monde. De fait, les villes conventionnelles qui accueillent plus de 50% de la population mondiale sont de réelles usines à dioxyde de carbone. Un constat sur lequel s’est basée l’Europe pour sa nouvelle stratégie écologique qui vise à promouvoir les biocités, des espaces ayant pour objectif de reconnecter les humains et la nature en milieu urbain, à travers des projets, la recherche, l’éducation et la sensibilisation. Les biocités ont d’ailleurs été au centre de la conférence annuelle de l’Institut européen de la forêt (European Forest Institute), qui s’est tenue à Barcelone, en octobre dernier.

Dans une biocité, l’être humain devrait, dans le cadre de sa relation avec les autres espèces, minimiser l’impact négatif de son activité sur l’environnement, tout en tenant compte de ses effets à long terme, notamment sur le changement climatique. L’objectif est que ces espaces deviennent d’ici à 2050 homéostasiques, c’est-à-dire ayant la capacité de garder leur équilibre malgré les forces externes. Une symbiose s’impose donc afin d’assurer une concurrence équilibrée entre l’homme, les espèces et le climat pour une durabilité des ressources.

Les cités conventionnelles, de réels désastres environnementaux.

Construire une biocité

Pour construire une biocité, plusieurs règles doivent être respectées. D’abord, il faut passer aux matériaux renouvelables, durables et écologiques tel que le bois. Nos cités actuelles sont essentiellement composées de béton et de fer qui dégagent respectivement 1 et 1,7 tonne de CO₂ pour chaque tonne de matière produite, alors que pour le bois, c’est une tonne de dioxyde de carbone gazeux absorbée par mètre cube de matière. Remplacer le béton et le fer par du bois réduirait donc les émissions de CO₂ de moitié.

Mais cela implique une croissance de la demande en bois, ce qui représente un risque pour les forêts si les ressources forestières sont exploitées de manière conventionnelle. Pour satisfaire la demande, il est donc capital de mettre en place et d’appliquer des stratégies de foresterie durable. Ce qui nécessite une gestion active, diversifiée et spécifique à chacun des terrains afin de motiver les forêts à se développer, leur permettre d’être valorisées dans plusieurs domaines et de développer une résilience contre les effets du réchauffement climatique. Et ce à travers des pratiques sylviculturelles, qui sont un ensemble de techniques permettant la création et l’exploitation rationnelle des forêts tout en assurant leur conservation et leur régénération.

Concrètement, la sylviculture durable consiste à maintenir une couverture forestière continue en réduisant la zone de coupe pour permettre une régénération de la forêt. Pour ce faire, de petites interventions de prélèvement à faible impact, mais récurrentes, sont menées selon des techniques adaptées à chaque espèce. Quel qu’il en soit, il faut prélever en priorité les arbres morts, ensuite ceux très vieux pour favoriser le rendement de la coupe et abattre moins d’arbres. La sylviculture durable sous-entend aussi un recours moindre aux pesticides pour préserver la biodiversité et optimiser la production de bois.

En cas de maladie ou d’attaque d’insectes, il est conseillé de privilégier l’abattage des arbres déjà infectés, d’éviter les monocultures trop fragiles et de favoriser les mosaïques végétales (alternation de plusieurs espèces chacune résistante à diverses maladies et diverses conditions climatiques). Dans le même esprit, l’agriculture doit adopter l’agroforesterie des paysages en profitant de la multiplicité des services de l’écosystème forestier et de la foresterie multifonctionnelle.

Le bois : matériau miracle des biocités.

Changer les revêtements de construction

La deuxième règle à respecter dans le processus de construction d’une biocité est le changement des revêtements des constructions. La céramique, le carrelage, les peintures… autant de matériaux sensibles à la corrosion causée par le soleil, la pluie et les polluants. Ils peuvent ainsi relâcher du CO₂ dans l’air. Recouvrir les immeubles et les maisons de plantes serait une alternative idéale, puisqu’elles filtrent l’air, absorbent une partie de l’eau de pluie et diminuent la température ambiante de 2 à 8 degrés.

Au nombre des règles à respecter figure également la création de forêts urbaines et la plantation d’arbres dans les cités pour diminuer la température ambiante, réduire le risque d’inondations et absorber de grandes quantités de CO₂: jusqu’à 150 kg absorbés pour un grand arbre. Il est également capital de privilégier l’utilisation des combustibles renouvelables et moins polluants comme le bois dont le bilan énergétique est presque nul. Utiliser des isolants thermiques naturels aiderait aussi à limiter l’utilisation du chauffage.

Changer de revêtements pour protéger la planète.

Atténuer les effets du changement climatique

La question que se sont posés les chercheurs à ce stade est celle de savoir dans quelles mesures les pratiques nécessaires à l’établissement d’une biocité peuvent contribuer à la lutte contre les effets du changement climatique. Pour y répondre, ils ont développé une méthode pour évaluer ces processus en trois étapes. La première consiste à étudier le flux de bois du pays: les quantités importées et celles exportées, le taux de recyclage et de réutilisation, les industries dans lesquelles sont utilisés chaque type de bois, et surtout le taux de déchets et la manière avec laquelle ils sont traités.

La deuxième étape consiste à créer un modèle HWP (Harvested Wood Products ou produits du bois prélevé) pour évaluer l’efficacité du cycle de vie du bois. Les produits ligneux (de bois) sont des matériaux récoltés dans les forêts et utilisés dans la fabrication des meubles, du papier, du carton, ou encore dans l’énergie. Les produits à base de bois contribuent à atténuer les effets du changement climatique en formant un réservoir de stockage de carbone et en remplaçant les sources de matériaux et d’énergie préjudiciables à l’environnement, tels que les combustibles fossiles.

La teneur en carbone des produits à base de bois diminue durant leur cycle de vie. Après leur utilisation, les produits sont parfois recyclés, avant d’être brûlés ou déposés dans des décharges où ils se décomposent lentement. Le carbone stocké dans le bois, initialement capté dans l’atmosphère, y est finalement relâché. D’où l’importance d’augmenter l’utilisation de ce matériau afin de lutter contre le changement climatique.

La troisième étape consiste à analyser ces scénarios pour s’assurer de leur efficacité.

Cohabiter avec la nature : le principe même des biocités.

Un impact sur la santé mentale et physique

Alors que près de 60% de la population européenne n’a pas un accès suffisant aux espaces verts, les études ont prouvé que le fait de transformer les villes conventionnelles d’Europe en biocités éviterait chaque année plus de 43.000 décès. D’après une étude menée par le Canada, les États-Unis et l’Espagne, l’augmentation des espaces verts permet aussi de diminuer de 50% le risque de développement du trouble de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité de l’enfant (TDAH: ADHD et ADD), alors qu’une augmentation de 62% de ce risque est observée en cité conventionnelle. Cette étude prouve aussi que l’abondance d’espaces verts diminue le stress, l’anxiété et la dépression. D’autres études sur le sujet ont même démontré l’efficacité de la transition vers les biocités dans la baisse des effets du Covid-19.

Pour savoir si votre ville est conforme aux normes d’une biocité en terme de boisement, il faut appliquer la loi des 3-30-300: vous pouvez voir au moins 3 arbres depuis votre fenêtre, 30% du vis-à-vis est vert et le parc le plus proche est à 300 mètres de chez vous.

Reboiser les espaces urbains, des effets sur la santé mentale et l’environnement.

 

En somme, les matériaux d’origine biologique, considérés comme neutres en CO₂, sont indispensables pour réduire les effets du changement climatique. Ainsi, nous passons d’une utilisation linéaire et épuisante des ressources à un système circulaire, où le CO₂ et les autres effets du changement climatique deviendront presque neutres. De plus, les matériaux de construction d’origine biologique favorisent la biodiversité. Ils contribuent au stockage à long terme du carbone. Ils assurent un climat intérieur sain et confortable, grâce à leurs propriétés de régulation des moisissures, du froid et de la chaleur.

La planète ne peut plus supporter de pollution !