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Le pancréas artificiel, une technologie fondée sur l’intelligence artificielle, constitue une avancée majeure dans la prise en charge du diabète de type 1, puisqu’il décharge le patient des contraintes imposées par la maladie, notamment celles liées aux doses d’insuline à injecter. Ce dispositif permet aussi de contrôler la glycémie du patient dans 80% du temps, ce qui réduit considérablement les complications liées à la maladie. 

La prise en charge du diabète de type 1 n’a jamais été aussi facilitée que depuis le développement du pancréas artificiel, un dispositif médical externe qui pallie le manque d’insuline dans le corps. Cette technologie, fondée sur l’intelligence artificielle, a été mise au point par des équipes de recherche internationales, incluant le service d’endocrinologie-diabète du CHU de Montpellier. Dirigé par Éric Renard, celui-ci est spécialisé dans le développement de nouvelles technologies qui sont appliquées au traitement du diabète.

Mis en pratique courante il y a près de six ans, le pancréas artificiel est composé d’un moniteur du glucose en continu et d’une pompe à insuline dotée d’une intelligence artificielle, qui sont interconnectés par une communication sans fil. "L’intelligence artificielle va définir la quantité d’insuline à délivrer au patient, en fonction de la glycémie du moment, mais aussi de la prévision de son évolution", explique à Ici Beyrouth, le Dr Renard, en marge d’une conférence organisée récemment par l’Hôpital français du Levant, le Chronic Care Center et l’Hôtel-Dieu de France-CHU, en collaboration avec le CHU de Montpellier, à l’initiative d’Élie Abboud, ancien praticien des hôpitaux de Narbonne et ancien député de l’Hérault. "Ce dispositif constitue une révolution, puisque la personne présentant un diabète de type 1 est considérablement libérée des contraintes imposées par la prise en charge de sa maladie, à savoir le calcul des doses d’insuline, qui rendent le traitement pesant au quotidien", se félicite-t-il.

Maladie auto-immune

Le diabète de type 1, autrefois appelé diabète insulinodépendant, est une maladie auto-immune, c’est-à-dire que le système immunitaire se retourne contre l’organisme. Dans ce cas, les lymphocytes T, qui sont des cellules du système immunitaire, perçoivent les cellules bêta du pancréas, qui produisent l’insuline, comme étrangères. Par conséquent, elles les attaquent, entraînant ainsi un déficit total de l’insuline nécessaire pour réguler le taux du glucose dans le sang.

Selon les chiffres de l’Organisation mondiale de la santé et de la Fédération internationale du diabète, 10% de l’ensemble des personnes diabétiques dans le monde souffrent de diabète de type 1. Au Liban, il toucherait 1,3% des personnes atteintes de diabète, d’après une étude nationale menée en 2016, par Salim Adib, professeur d’épidémiologie et de santé publique à l’Université américaine de Beyrouth, en collaboration avec Ibrahim Bou Orm, coordinateur des activités pour les maladies non transmissibles au ministère de la Santé.

Le diabète de type 1 est la forme de diabète la plus difficile à soigner, "puisque les besoins du patient en insuline changent de manière continue tout au long de la journée, sous l’effet de l’émotion, du sport, des aliments consommés, etc.", constate le Dr Renard. "Avec la pompe à insuline classique, c’est le patient qui guide le dispositif, précise-t-il. C’est-à-dire qu’en fonction de la glycémie qu’il mesure au bout du doigt ou qui est fournie par un capteur, il doit indiquer à la pompe la quantité d’insuline à délivrer, alors qu’avec le pancréas artificiel le calcul se fait automatiquement. Le patient doit cependant renseigner la quantité de glucides qu’il s’apprête à manger ou encore l’activité physique qu’il compte faire pour que le système s’adapte en fonction de ces activités ou du repas. S’il se trompe, le pancréas artificiel va délivrer une plus grande quantité d’insuline ou au contraire, il va arrêter la pompe pour épargner au patient une hypoglycémie. Ce qui lui permet d’avoir une glycémie normale dans 80% du temps, s’approchant ainsi des personnes qui ne présentent pas de diabète. Donc, avec le pancréas artificiel, le patient a moins de décisions à prendre. Ce qui diminue la charge mentale que pose jusqu’à présent la prise en charge de cette maladie, puisque c’est le système qui fait automatiquement les corrections et les calculs."

En France, près de 12.000 patients ont recours au pancréas artificiel.
©Medtronic

Des retours positifs

En France, près de 12.000 patients ont recours au pancréas artificiel, contre 60.000 autres qui sont sous pompe. "Les retours sont très positifs, affirme le Dr Renard. Ce système a permis aux patients notamment d’éviter les hypoglycémies nocturnes qui restent la grande crainte des patients et de leurs parents."

Quid des complications du diabète? "Nous n’avons pas encore des résultats au long cours pour le savoir, répond-il. Mais nous savons que si le diabète est contrôlé dans 80% du temps, le patient a très peu de risques de développer des complications rétiniennes, rénales ou cardiaques. Les patients qui sont équipés d’un pancréas artificiel affirment que dans les vingt-quatre heures qui suivent la mise en place de cette technologie, leur taux de diabète est automatiquement proches des normes. Donc, au vu des performances obtenues, on devrait pouvoir éviter les complications de la maladie."

Le pancréas artificiel, une technologie fondée sur l’intelligence artificielle, est un dispositif médical externe qui pallie le manque d’insuline dans le corps.
©Service d’endocrinologie-diabète du CHU de Montpellier

L’équipe de Montpellier suit, avec celle de Paris-Robert Debré, Tours et Angers, une cohorte de 120 enfants équipés d’un pancréas artificiel depuis près de cinq ans. "Lorsque ces enfants ont été inclus dans l’étude, ils avaient entre 6 et 12 ans. Aujourd’hui, ce sont des adolescents et leur glycémie est bien contrôlée, constate le Dr Renard. C’est extraordinaire, puisque nous savons qu’avec la vie perturbée de l’adolescence, la glycémie est difficilement contrôlable. Or ces jeunes n’ont pas eu d’hypoglycémie sévère. Ils n’ont plus jamais été hospitalisés ni eu de crises d’acétone (qui peuvent provoquer un coma diabétique dû à la présence en grandes quantités de corps cétoniques, produits par l’organisme lorsqu’il n’a pas assez de réserves de glucides, NDLR)."

Chez les patients dotés d’un pancréas artificiel, la glycémie est contrôlée dans 80% du temps.
©Tandem

Mise en place de la technologie au Liban

La rencontre organisée à Beyrouth avait pour objectif d’introduire cette technologie au pays du Cèdre. "Des équipes de l’Hôtel-Dieu de France, du Chronic Care Center et de l’Hôpital français du Levant, comprenant des médecins d’adultes ou de pédiatres, d’infirmières et d’infirmiers, ainsi que des spécialistes en diététique, seront formées à cet effet dans notre service à Montpellier et obtiendront un diplôme interuniversitaire", explique le Dr Renard. Au Liban, les personnes atteintes de diabète de type 1 pourraient être équipées de ce système. Un hic toutefois: le coût de cette technologie. "Le prix du pancréas artificiel est légèrement plus élevé que celui d’une pompe à insuline, constate le Dr Renard. Donc, a priori, les patients dotés d’une pompe peuvent y accéder."

Le recours au pancréas artificiel a libéré la personne présentant un diabète de type 1 des contraintes imposées par la prise en charge de sa maladie, notamment le calcul des doses d’insuline.
©Service d’endocrinologie-diabète du CHU de Montpellier

Pour Élie Abboud, "le coût ne doit pas être un obstacle, il doit être la solution". "Il faut pouvoir prouver aux assurances qu’en couvrant les frais de ce pancréas artificiel, elles feront des économies puisque la morbidité (atteintes de la rétine, des reins, du cœur…) liée à la maladie sera évitée, insiste-t-il. Je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour faire bénéficier les patients libanais de cette technologie."

De nos jours, le pancréas artificiel est limité au traitement du diabète de type 1, mais son utilisation pourra être étendue à toute autre forme de diabète traité avec de l’insuline.