L’année 2024 et les décisions prises par les responsables politiques détermineront si oui ou non le monde atteindra l’objectif d’éliminer le sida comme menace de santé publique d’ici 2030, a jugé Onusida lundi, qui souligne les progrès réalisés en Afrique depuis 2010.

Si les chiffres de 2023 montrent globalement une amélioration dans le nombre de nouvelles infections, le traitement des patients séropositifs et une baisse du nombre de décès, l’agence de l’ONU rappelle que la pandémie a tué plus de 42 millions de personnes et que ces progrès restent fragiles.

En 2023, un peu moins de 40 millions de personnes vivaient avec le virus du sida, le VIH, révèle le rapport annuel de l’organisation. Environ 1,3 million ont été nouvellement infectées l’année dernière, soit quelque 100.000 de moins qu’un an plus tôt.

C’est 60% de moins que lors du pic de 1995, quand 3,3 millions de personnes avaient attrapé le VIH.

Mais Onusida n’est pas satisfait parce que l’objectif de seulement 330.000 infections en 2025 semble inatteignable.

L’accès à une thérapie antirétrovirale est l’enjeu majeur, parce que très efficace aujourd’hui. À fin décembre 2023, 30,7 millions de personnes avaient accès à une de ces thérapies, contre seulement 7,7 millions en 2010, mais ce chiffre demeure en deçà de l’objectif 2025 fixé à 34 millions de personnes.

Et surtout presque un quart des personnes infectées par le virus n’ont pas de traitement.

Stigmatisation= infection 

Si elle note les progrès réalisés, Winnie Byanyima, la directrice exécutive de Onusida a souligné lors d’un point de presse à Munich – où débute la 25e Conférence internationale sur le sida – qu’il "existe un important déficit de financement qui freine la riposte au VIH dans les pays à revenu faible ou intermédiaire". Elle l’estime à 9,5 milliards de dollars par an. Vient s’y ajouter le poids de la dette publique qui force de nombreux pays pauvres à choisir entre le remboursement et les dépenses de santé par exemple.

Elle a aussi appelé à accélérer la distribution d’antirétroviraux à longue durée, comme le lenacapavir du laboratoire américain Gilead, qu’elle exhorte à partager sa licence. Elle estime qu’une version générique de ce médicament, injectable tous les 6 mois, reviendrait à 100 dollars contre des dizaines de milliers de dollars actuellement et "changerait la donne".

"Une personne meurt encore chaque minute de maladies liées au VIH", rappelle-t-elle.

Enfin la stigmatisation et la discrimination, parfois la criminalisation, dont sont victimes certains groupes de personnes empêchent aussi les progrès parce qu’elles ne peuvent pas se faire aider et se soigner sans danger.

Action coordonnée

Dans un entretien à l’AFP, Mme Byanyima a dénoncé une "action bien coordonnée et bien financée" contre les droits LGBT+, les droits reproductifs et l’égalité des sexes menée par des pays et des groupes socialement conservateurs.

Et si dans certains pays d’Afrique subsaharienne les nouvelles infections ont baissé de plus de moitié et les décès jusqu’à 60% depuis 2010, "nous avons également des régions comme l’Europe de l’Est, l’Asie centrale et l’Amérique latine où les nouvelles infections évoluent dans la mauvaise direction et augmentent", insiste-t-elle.

En Europe de l’Est et en Asie centrale, seulement la moitié des personnes infectées par le VIH sont traitées et en Afrique du nord et au Moyen-Orient c’est seulement 49% contre 77% de moyenne mondiale.

"La stigmatisation tue. La solidarité sauve des vies", ont résumé Mme Byanyima et le Haut-Commissaire de l’ONU aux droits de l’homme, Volker Türk, dans un communiqué commun.

Par Christophe VOGT avec AFP