L’activiste a été libéré sous caution d’élection de domicile. Il est poursuivi en justice pour diffamation.

Doumit Azzi Draiby, jeune activiste, a été convoqué mercredi par le bureau de lutte contre la cybercriminalité des Forces de sécurité intérieure à la suite d’une plainte déposée contre lui par le moukhtar de Jouret el-Ballout, dans le Metn, Issam Boujaoudé. Les deux hommes s’étaient réciproquement insultés sur les réseaux sociaux.

Tout a commencé par une vidéo largement partagée sur les réseaux sociaux d’un homme, résidant à Jouret el-Ballout, traînant sur l’asphalte une travailleuse domestique migrante, la tirant par les cheveux et la frappant ( Liban/Droits de l’Homme- La vidéo d’une travailleuse domestique migrante battue en pleine rue à Jouret el-Ballout enflamme les réseaux sociaux)  . À la suite de l’incident, M. Boujaoudé a publié un commentaire sur sa page Facebook essayant de justifier l’agression commise à l’encontre de la femme. Il a ainsi expliqué que celle-ci avait commencé à travailler de plein gré chez son employeur avant de décider de s’enfuir et que ce dernier avait réussi à la rattraper. Un commentaire qui a suscité une vague d’indignation sur les réseaux sociaux. Le moukhtar n’a pas tardé à retirer son post.

" La vidéo avait suscité la colère de milliers de personnes l’ayant visionnée, confie à Ici Beyrouth Doumit Draiby. Lorsque M. Boujaoudé a essayé de justifier sur son compte Facebook l’acte inhumain, j’ai réagi. Il a alors menacé de me poursuivre en justice. "

Le jeune homme s’est présenté mercredi matin à l’interrogatoire, au terme duquel il a été libéré sous caution d’élection de domicile. Il est toutefois poursuivi en justice pour diffamation.
M. Azzi raconte par ailleurs avoir " reçu des messages d’employées de maison rapportant que M. Boujaoudé est l’avocat de leur employeur qui a confisqué leur passeport et qui leur doit de l’argent ".

" J’ai estimé qu’il était de mon devoir humain de partager l’information sur Twitter ", poursuit le jeune homme. Et d’insister: " J’ai refusé de retirer les commentaires. Je suis fier de ce que j’ai écrit.

Je défends des personnes vulnérables qu’on traite en esclaves. Toutes les causes en rapport avec la dignité humaine sont légitimes. On ne peut pas se taire dans des cas pareils. "

" Victoire pour les libertés "

" Refuser de signer un engagement ou de retirer des réseaux sociaux des commentaires est une victoire dans la lutte pour les libertés ", affirme à Ici Beyrouth Ayman Raad, avocat de l’activiste. Il note dans ce cadre que sur avis du procureur général, il a été demandé à son client de retirer son tweet, mais ce dernier a refusé.

Doumit Azzi raconte en outre qu’il y a quelques jours, il a reçu " un appel de l’avocat Paul Kanaan ". " Il m’a demandé de supprimer le tweet dans lequel je fais allusion à un quelconque lien politique de M. Boujaoudé ", dit-il.

" Le dossier a été transféré en cinq jours par le procureur général au bureau de lutte contre la cybercriminalité alors que d’autres dossiers attendent des mois avant d’être consultés, commente Me Raad. Cela corrobore l’évidence d’une tentative de pression politique sur la justice. "

Contacté par Ici Beyrouth, Me Paul Kanaan n’a pas voulu commenter les propos de M. Azzi. Il souligne toutefois qu’il accorde " une importance au dossier de l’employée de maison maltraitée d’un point de vue humain, et ce dossier est enfin aux mains de la justice et des services de sécurité ". Me Kanaan n’accorde pas d’importance aux propos le concernant échangés sur les réseaux sociaux. " D’ailleurs, précise-t-il, tout ce qui y est publié n’est pas forcément vrai ".

Pour Gilbert Abi Abboud, avocat, " les convocations qui se poursuivent au Liban ont pour objectif d’intimider les jeunes et visent à museler la liberté d’expression ". " À ce jour, le Liban ne s’est pas encore doté d’une loi qui régit les commentaires sur les réseaux sociaux, ajoute-t-il. Il n’en reste pas moins que la pression exercée par les hommes politiques sur les activistes est un signe de dissolution de l’État de droit. "