Le premier tour de la Coupe du monde a réservé plusieurs surprises avec notamment les qualifications du Maroc, du Japon, de la Corée du Sud et de l’Australie, aux dépens, respectivement, de la Belgique, de l’Allemagne, de l’Uruguay et du Danemark. L’écart entre les deux continents dominants historiques du football (Europe et Amérique du Sud) et le reste du monde s’est sensiblement réduit au cours de l’édition de cette année.

Le premier tour de la Coupe du monde réserve toujours quelques surprises, mais cette fois, elles furent plus nombreuses. Si les Saoudiens ont créé l’une des issues les plus inattendues sur un match de Coupe du monde en battant l’Argentine, cette victoire laisse au final un goût amer, après l’élimination des Saoudiens dès le premier tour. Les quatre plus grosses surprises ont été au final réalisées par le Japon, le Maroc, la Corée du Sud et l’Australie, ces quatre Petits Poucets ayant vaillamment éliminé des grands du football mondial qui étaient bien meilleurs qu’eux sur le papier.

Le Japon a, en effet, fini premier de son groupe, après avoir battu l’Allemagne et l’Espagne. En fait, voir les Japonais se qualifier pour les huitièmes de finale n’est qu’une demi-surprise. Le pays du soleil levant s’étant déjà qualifié trois fois pour ce stade de la compétition lors des cinq dernières éditions (2002, 2010 et 2018), avec cependant des échecs systématiques à le dépasser et à atteindre les quarts de finale. Quant au Maroc, il a battu la Belgique, et a fortement contribué à l’élimination des Diables Rouges, deuxièmes au classement FIFA. Les Marocains disputeront, après l’épopée de 86, leur deuxième huitième de finale de coupe du monde. À ce stade de la compétition, en 86, les Lions de l’Atlas s’étaient inclinés face à l’Allemagne par un petit but d’écart, inscrit par Lothar Matthaus à la 87e minute. Les Sud-Coréens ont également fait sensation en éliminant l’Uruguay, géant historique du football mondial, avec notamment deux titres de champions du monde à leur actif (1930 et 1950).

Les Marocains célébrant leur qualification historique pour les huitièmes de finale. Photo Antonin Thuillier AFP

L’Afrique et l’Asie enregistrent des performances historiques

En termes de performances historiques de chaque continent, l’Afrique et l’Asie sont les deux seuls continents qui égalent (pour le premier) ou améliorent (pour le second) la meilleure performance de leur histoire en Coupe du monde, depuis l’instauration de cette phase de huitièmes de finale en 1986.

En effet, avec la présence du Maroc et du Sénégal pour la phase à élimination directe, l’Afrique égale sa performance de 2014, où l’Algérie et le Nigeria avaient atteint ce stade de la compétition. Ces deux équipes avaient alors été éliminées en huitièmes, respectivement par l’Allemagne et la France. Rappelons que les équipes africaines n’ont jamais dépassé le seuil des quarts de finale de la compétition, atteignant ce stade pour la première fois en 1990 (Cameroun), puis en 2002 (Sénégal) et en 2010 (Ghana).

Le continent asiatique, qui comprend l’Australie pour les compétitions FIFA, a quant à lui fait encore mieux que l’Afrique en battant la meilleure performance de son histoire, avec trois représentants qualifiés (l’Australie, le Japon et la Corée du Sud) pour les huitièmes de finale. À noter que l’Asie avait eu deux représentants en huitièmes lors du premier Mondial organisé sur le sol asiatique en 2002, les deux pays organisateurs (Japon et Corée du Sud) se hissant respectivement en huitième de finale et en demi-finale. Japonais et Coréens s’étaient également qualifiés pour les huitièmes de finale en 2010. À noter que l’Asie est passée très près d’avoir un quatrième représentant en huitièmes avec les éliminations, malgré de bonnes performances au premier tour de l’Arabie Saoudite et l’Iran.

Ces bonnes performances de nations footballistiques secondaires s’expliquent d’abord par le fait que des équipes comme le Maroc, le Japon, la Corée du Sud et l’Australie en sont à leur deuxième Coupe du monde successive au moins, avec des joueurs qui ont désormais l’expérience de cette grande compétition. Ensuite par le fait que cette coupe du monde se dispute au Qatar, sur sol arabe et asiatique, ce qui permet un soutien populaire plus important pour une équipe comme le Maroc et surtout une familiarité avec les stades pour les équipes asiatiques. Enfin, une grande partie de ces joueurs jouent dans les meilleurs championnats européens, ce qui a réduit l’écart de niveau avec les meilleurs joueurs européens et sud-américains.

Le deuxième but du Japon a suscité la controverse mais la technologie a confirmé que le ballon n’était pas sorti du périmètre de jeu avant la passe décisive du but. Photo Jewell Samad AFP

L’Europe en léger déclin, l’AmSud sur une pente très descendante

Quant aux deux continents (l’Europe et l’Amérique du Sud) qui dominent le football mondial en général et la coupe du monde plus précisément depuis son lancement en 1930, leurs performances sont moins bonnes que d’habitude.

Depuis 1986, l’Europe a en moyenne 9 équipes qualifiées pour les huitièmes de finale. Elle n’en compte que 8 (France, Espagne, Angleterre, Hollande, Croatie, Portugal, Pologne et la Suisse) cette année. Cette contre-performance est à relativiser et n’est, pour l’instant, pas révélatrice d’un léger déclin du continent européen, d’autant plus que lors des deux dernières éditions, qui n’ont pas eu lieu sur le sol européen (2010 en Afrique du Sud et 2014 au Brésil), les Européens ne comptaient que 6 équipes en huitièmes de finale, pour finalement l’emporter les deux fois avec l’Espagne (2010) et l’Allemagne (2014). L’issue des huitièmes de finale sera un meilleur indicateur de l’évolution de la performance des pays européens en quatre ans.

L’Amérique du Sud compte 2 représentants en huitièmes de finale (le Brésil et l’Argentine) en 2022. Dans les neuf éditions depuis 1986, elle en comptait en moyenne 3,7 à ce stade de la compétition, soit une nette baisse cette année, beaucoup plus inquiétante que la légère baisse de l’Europe. Il s’agit du plus petit nombre de représentants sud-américains en huitièmes de finale d’un mondial, depuis l’instauration du format de 1986, à égalité avec les éditions de 1994 et 2002.

Le nombre combiné des représentants des deux continents leaders en football (Europe et Amsud) est donc de dix, soit le plus faible total depuis l’instauration de la formule des huitièmes en 1986.

Le continent nord-américain ne compte qu’un seul représentant en huitièmes (les Etats-Unis). Ce continent comptait en moyenne, depuis 1986, 1,6 représentant en huitièmes de finale. Il enregistre donc un déclin. À noter que l’édition 2026 sera coorganisée par les Etats-Unis, le Mexique et le Canada.

Une première à signaler dans l’histoire de la Coupe du monde, aucune équipe n’a remporté ses trois matches du premier tour, et seulement deux d’entre elles ont perdu les trois (Qatar et Canada). Ceci est révélateur d’un resserrement entre les "gros" et les "petits" continents de football. En effet, dans les précédentes éditions, plusieurs équipes européennes et sud-américaines terminaient régulièrement la phase de poules avec un sans-faute.

À noter que parmi les 16 équipes encore en lice, 8 étaient déjà qualifiées pour ce stade de la compétition en 2018 (Brésil, Argentine, France, Espagne, Angleterre, Japon, Croatie et Suisse) et seulement 4 simultanément en 2014 et 2018 (Brésil, France, Argentine et Suisse).

Les huitièmes de finale paraissent pour la plupart déséquilibrés sur le papier. Mais de nouvelles surprises des petites équipes face aux grandes équipes sont possibles.

Les Sud-Coréens ont réussi l’exploit d’éliminer le double champion du monde uruguayen. Photo Kiril Kudryavtsev AFP

Les huitièmes les plus déséquilibrés

Ainsi, six des huit huitièmes de finale ont un favori clair et net qui se dégage. En effet, l’Argentine, la France, l’Espagne, l’Angleterre, la Hollande et le Brésil partiront nettement favoris face, respectivement, à l’Australie, la Pologne, le Maroc, le Sénégal, les USA et la Corée du Sud. Mais les deux équipes africaines (Sénégal et Maroc) auront certainement un coup à jouer face aux deux géants européens (respectivement Angleterre et Espagne), qui ne devront surtout pas faire l’erreur de sous-estimer leurs adversaires en vue d’obtenir un ticket pour les quarts de finale. D’autant plus que le Maroc a réussi un meilleur premier tour sur le plan comptable que l’Espagne. Le Maroc aspire à devenir la première équipe arabe de l’histoire à se qualifier pour les quarts de finale d’un Mondial.

Les huitièmes les plus ouverts

La rencontre entre le Japon et la Croatie promet d’être haletante avec, d’un côté, une équipe qui surfe sur son excellente dynamique du premier tour et qui est très efficace en contre-attaques et, de l’autre, une équipe vice-championne du monde en titre, qui n’a perdu qu’un seul de ses 19 derniers matchs de compétition officielle, et qui compte dans ses rangs des joueurs très habiles dans la construction du jeu.

L’autre rencontre la plus indécise, et sans favori évident, est celle qui opposera la Suisse et le Portugal. Celui-ci a des lignes d’attaque et de milieu parmi les meilleures au monde. De plus, le Portugal apu faire tourner ses effectifs au cours du troisième match, mettant ainsi au repos ses titulaires, ce qui est un sérieux avantage en termes de fraîcheur physique pour finir fort les matchs à venir. Mais les Suisses n’ont rien à envier en termes de force collective aux Portugais. La solidité du collectif suisse lui a ainsi permis d’être la seule équipe européenne, avec la France, à avoir passé le premier tour des trois derniers mondiaux (2014, 2018 et 2022), ainsi que les deux derniers Euros (2016 et 2021)

Les performances de l’ensemble du premier tour placent tout de même en grands favoris pour atteindre les demi-finales des équipes historiquement fortes telles que le Brésil, la France, l’Argentine, l’Angleterre, le Portugal, la Croatie ou la Suisse. Mais cette coupe du monde est tellement folle que la probabilité d’avoir une équipe surprise dans le dernier carré est plus grande que d’habitude.

[email protected]