Les forts enjeux politiques, économiques et médiatiques dans le sport de haut niveau contribuent à augmenter la présence du dopage dans ce secteur. Au Liban, la cherté des tests antidopage nuit à leur fréquence.

Le dopage est l’un des principaux fléaux du sport mondial. Sa présence dans le sport de haut niveau s’est de plus en plus accentuée avec l’évolution croissante des enjeux médiatiques, économiques et politiques qui entourent les compétitions sportives. Si l’absence de professionnalisme dans la majorité des sports libanais le rend probablement moins présent, la faible fréquence des tests au Liban rend difficile d’évaluer son degré de présence.

Quand les enjeux politiques et financiers favorisent le développement du dopage

Florence Griffith-Joyner a réalisé de telles performances en sprint qu’elles ont fortement suscité le doute quant à son usage de produits dopants.

A un niveau politique, un des exemples historiques les plus criants en termes de dimension politique prise par le sport est la rivalité qui opposait l’URSS et les Etats-Unis pendant la guerre froide, avec une course effrénée aux médailles olympiques et aux titres mondiaux. Les athlètes se retrouvent donc à être dans certains cas des outils pour affirmer la suprématie politique d’une puissance face à l’autre. L’URSS et l’ex-RDA vont ainsi, dans les années 70 et 80, mettre en place un système de dopage généralisé qui va concerner près de 10.000 athlètes. Plusieurs performances d’athlètes américains sont également douteuses, dont celles de la sprinteuse Florence Griffith-Joyner dont les transformations physiques avec les années ont fait planer le doute. Elle décèdera d’ailleurs en 1998 à seulement 38 ans.

Un autre exemple plus récent de la dimension politique prise par le sport est l’importance qu’a accordée la Chine à la préparation de ses athlètes pour les JO d’été en 2008 et les JO d’hiver en 2022. Le sport est véritablement devenu un outil politique pour la grandeur d’une nation. Au sein du monde arabe, le Qatar poursuit une politique d’amélioration de son image internationale en organisant de grandes compétitions internationales, en rachetant un grand club européen de football et en naturalisant des athlètes. Cette approche très politique du sport tend forcément à augmenter les risques du recours au dopage par les athlètes. En 2019, l’Agence mondiale antidopage (AMA) a décidé d’exclure la Russie des JO 2020 et 2022 en raison du dopage organisé et généralisé de ce pays, avec la possibilité pour les athlètes russes de concourir individuellement sous bannière neutre.

Les enjeux économiques sont, eux aussi, indirectement responsables du développement du dopage, avec des annonceurs qui mettent la pression pour que davantage de compétitions soient organisées, au détriment de la santé des sportifs auxquels on impose des calendriers démentiels. Cette augmentation du nombre de compétitions accentue le risque du recours au dopage par des sportifs pour qu’ils puissent tenir le rythme.

Au Liban, la multiplication des tests freinée par leurs coûts importants

Au Liban, la plupart des sports sont amateurs, ce qui rend forcément moindre la présence du dopage. Le Liban est toutefois à jour sur les formalités de respect des règles de lutte contre le dopage. Dans un entretien avec Ici Beyrouth, le docteur Jihad Haddad, agent de liaison de l’AMA pour la région ouest-asiatique et secrétaire de la commission olympique antidopage libanaise souligne qu’ " il y a d’abord le code mondial antidopage sous l’égide de l’Agence Mondiale Antidopage (AMA). Sur le territoire libanais il y a le comité olympique représentée par sa commission antidopage. Il y a également la convention de l’Unesco relative au dopage que le Liban a ratifié en octobre 2020, et il y a une Plateforme Nationale de Conformité nommée par le gouvernement, présidée par le Ministère de la Jeunesse et des Sports, avec un délégué de chaque ministère. Ainsi il y a deux organes de contrôle pour éviter tout conflit d’intérêt. "

Haddad souligne en outre que " la gestion des tests positifs de sportifs libanais et les sanctions qui en suivent sont gérés par l’AMA ou les fédérations internationales pour éviter tout conflit d’intérêt "

Interrogé par Ici Beyrouth sur le faible nombre de cas positifs aux tests antidopage dans le sport libanais, Haddad souligne que "tout dépend du nombre de tests que l’on fait. Les tests antidopage sont coûteux. Il faut compter un budget important au sein des fédérations pour les pratiquer. Les fédérations internationales exigent que les fédérations nationales intègrent une part de leurs dépenses pour la lutte contre le dopage, avec notamment des tests à prévoir dans leurs budgets. Nous sommes dans des circonstances exceptionnelles vu la crise économique qui font que les fédérations internationales et l’AMA sont indulgents avec le Liban. "

Les coûts des tests antidopage sont en effet élevés. Haddad souligne qu’ "un seul test antidopage coûte tous frais compris, dont le transport, dans les 1.000 à 1.500  dollars. Ce qui explique pourquoi les tests sont moins nombreux en ce moment. "

Quant au choix des sports dans lesquels des athlètes doivent être testés pour répartir le budget disponible, plusieurs critères entrent en ligne de compte. Haddad explique que "nous faisons une évaluation des risques pour chaque sport en fonction de plusieurs paramètres tels que les besoins athlétiques du sport (endurance, force physique…), son degré de médiatisation, le degré d’enjeux financiers, son historique en termes de dopage… ce qui nous donne un score sur 20. Nous procédons ensuite à un classement. Si nous disposons de 20 tests par an, nous les répartirons de manière intelligente, avec un plus grand nombre de tests pour les sports à risque. Pour 2023, l’AMA nous a garanti 20 tests gratuits"

Les contrôles inopinés sont une arme efficace pour la lutte contre le dopage, mais leur logistique et leur coût sont également importants. Haddad souligne que "nous avons fait des contrôles inopinés, mais la crise du Covid et la crise économique ont limité leur nombre".

Au Liban, ce sont des tests urinaires qui sont effectués. Haddad souligne que "le test urinaire est fiable à 100 %. Dans quelques sports comme le ski et le cyclisme, les tests sanguins peuvent être nécessaires. Les tests sanguins nécessitent un acte médical tandis qu’une formation suffit pour les tests urinaires."

Haddad souligne également que " les athlètes peuvent soumettre des demandes et poser des questions quant à l’usage de certains produits à des fins thérapeutiques sur le site du comité olympique, pour ainsi s’assurer de ne pas consommer de produit qui serait considéré dopant. "

Le cas d’Elie Mechantaf

Le cas de dopage le plus médiatisé dans l’histoire du Liban est celui du basketteur Elie Mechantaf dans les années 2000. A ce sujet, Haddad explique que "le fait qu’il soit une star a amplifié la portée médiatique du cas positif de ce joueur. Au temps d’Antoine Chartier (NDLR: ancien président de la Fédération libanaise de basket, aujourd’hui décédé), nous avions créé une station de contrôle à Mont La Salle en 1997. Chartier a fait un partenariat avec la Fédération française de basket pour lutter contre ce fléau. Nous avons fait de la prévention et du "testing". C’est la norandrostérone qui est apparue chez Mechantaf, due à un complément alimentaire. D’où l’intérêt de la prévention. Il a été testé à Pékin, mais il s’est défendu. Nous avons attaqué les standards utilisés par le laboratoire de Pékin et ses violations du code antidopage. Nous avons présenté tous les documents à la FIBA qui nous a donné gain de cause en réduisant la suspension de Mechantaf de deux ans à quelques mois. "

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