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Sur une lancée plutôt intéressante au cœur du ballon rond, nous nous lançons dans une dynamique plus profonde. Après les infrastructures et les investissements biaisés, c’est au tour des principaux concernés de donner leur regard sur la situation sphérique du sport populaire. Pour être au cœur du football, il faut être proche des joueurs et c’est à eux d’apporter leur vision de la corruption qui les entoure.

Ces joueurs oubliés

Encre dans leurs crampons, passion dans le cœur, et acharnement pour se faire entendre, les joueurs et joueuses de football au Liban méritent plus que de mouiller le maillot chaque week-end. Mais à quel prix?

L’envie s’essouffle d’année en année, alors que la corruption s’enfonce dans les bas-fonds du gazon vert. Ce sont les joueurs qui se retrouvent facilement découragés, enchaînant blessure après blessure chaque saison, conséquence de l’infrastructure négligée, jouant un rôle capital sur les performances locales et sur la scène internationale. Dans ce contexte, le témoignage de Hatem Eid, capitaine de l’équipe de la Sagesse, est clair: "Dans le monde du football, l’environnement est la base de tout. Les infrastructures jouent un rôle majeur. Au Liban, on ne peut pas exprimer son talent à son plein potentiel pour éviter des blessures. De plus, quand la sélection voyage, il y a un tempo dans le jeu qui se perd car les joueurs ne sont pas habitués à évoluer dans de bonnes conditions."

Christy Maalouf, jeune joueuse libanaise de 18 ans, qui a décidé de quitter le pays afin de poursuivre sa passion au Paris FC en France, s’exprime: "Les joueurs se sentent dévalorisés et désengagés également vis-à-vis du football au Liban. Leurs efforts ne sont jamais récompensés, aucune infrastructure n’est rénovée et aussi la question des salaires, qui est à revoir, pousse les jeunes à ne plus continuer ou à décider d’aller ailleurs."

Car oui, au-delà de la structure, courir derrière un ballon a un prix. Selon nos sources au sein de la fédération, certains clubs tels que al-Ansar, Safa ou al-Ahli Nabatiyé, paient leurs joueurs selon leurs résultats ou mettent tout en œuvre pour repousser leurs paiements en guise de punition. Drôle de façon de motiver des joueurs passionnés de football. En parlant d’argent, toujours selon nos sources au sein des clubs, les joueurs s’expriment soit à contrecœur, soit par dégoût: "Comment se fait-il que la Fédération récolte des amendes dépassant les 100 millions de livres chaque week-end et rien ne change?"

Effectivement, rien ne semble changer, et les solutions ne manquent pas. La vente des maillots, la billetterie, l’envie d’assister à un match de football dans un stade qui attire les foules: la Fédération récolte des fonds chaque week-end grâce à des amendes infligées aux clubs pour des raisons dérisoires et caduques. La FIFA continue d’investir au Liban pour améliorer l’image du sport sur la scène locale. Selon plusieurs joueurs souhaitant rester anonymes, des fonds auraient été détournés afin de renouveler les terrains, avec un investissement dépassant les 2 millions de dollars. Les travaux réalisés sont bien en deçà des espérances, se limitant à faciliter le dépôt d’argent en surface. Bien sûr, pour obtenir des fonds, il faut au minimum montrer que le travail a été effectué. Un terrain de football devrait avoir des fondations d’au moins de 12 à 50 mètres de profondeur avec des tuyaux d’arrosage sous terre, alors qu’au Liban seulement 3 à 5 mètres séparent la profondeur de la surface, ce qui coûte effectivement moins cher et l’arrosage est effectué uniquement à la surface.

Les jeunes pousses des Cèdres

Le football au Liban transcende le simple sport; il est profondément ancré dans le cœur de nombreux passionnés, suscitant chez les jeunes talents le désir ardent de porter haut les couleurs nationales. Cependant, dans une société rongée par la corruption jusqu’à la moelle, l’espoir de voir émerger une nouvelle génération de footballeurs se voit constamment étouffé.

Le développement des jeunes joueurs est un processus continu qui commence dès le plus jeune âge. Malheureusement, au Liban, lorsque les joueurs atteignent l’âge de 18 ans, ils se retrouvent souvent confrontés à un choix déchirant entre poursuivre leurs études, travailler ou se consacrer pleinement au sport. Jongler entre les deux souvent les trois est un exercice périlleux. Charbel, un jeune talent de 17 ans aspirant à devenir joueur professionnel, témoigne de ses difficultés: "Ici, il est extrêmement difficile de continuer. En Europe, il existe des académies qui offrent des programmes universitaires intégrés aux complexes sportifs. Au Liban, certains clubs refusent de nous prendre si nous sommes inscrits à l’université. C’est très frustrant."

Des propos qui complètent ceux de Christy Maalouf : "Les jeunes talents libanais font face à divers obstacles dans leur quête d’opportunités équitables dans le football. Ces défis comprennent un accès restreint à des installations de qualité, ce qui entrave leur développement technique. De plus, le manque de soutien financier, notamment pour les frais d’inscription, l’achat d’équipement et les déplacements pour les compétitions, constitue un frein majeur. En outre, le manque de visibilité et d’exposition médiatique rend difficile pour ces jeunes talents de se faire remarquer par les clubs professionnels ou les recruteurs, limitant ainsi leurs perspectives de progression dans le monde du football."

Les jeunes espoirs qui parviennent à atteindre le niveau pour jouer en première division se heurtent contre un autre obstacle. En effet, pour pouvoir mériter sa place au sein de la sélection nationale, il n’y a pas que le talent qui est pris en compte: la Fédération de football " puise " ses talents de trois clubs bien spécifiques pour constituer une équipe, Nejmeh SC, al-Ahed et al- Ansar. Ce comportement en dit long et explique tout. Faire carrière, vous dites? Malheureusement ce n’est pas tout !

Le Liban, riche en potentiel, est un pays où la corruption et la diversité politique et religieuse au sein de la fédération font le malheur de certains et le bonheur d’autres. Selon nos sources auprès des joueurs de différents clubs, il est possible, grâce à un soutien politique, de bénéficier d’une période d’essai au sein des clubs. Pour certains clubs, leurs portes peuvent se fermer si le talent n’est pas au rendez-vous, mais cela peut varier d’une situation à une autre.

Nous avons eu la confirmation que certains joueurs au sein de la division nationale, bien qu’étant sur le banc de touche, perçoivent le même salaire que des joueurs ayant déjà prouvé leur valeur sur le terrain. Cependant, il est clair que ce n’est que grâce au pouvoir sombre qui les soutient qu’ils bénéficient de cette rémunération, malgré un manque évident de qualités pour ce sport magnifique. Talent, quel talent?

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