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En marge des Assises du journalisme qui se tiennent actuellement à Tours, Ici Beyrouth a obtenu un entretien exclusif avec Damien Ressiot, ancien journaliste et actuel directeur des contrôles à l’Agence française de lutte contre le ­dopage (AFLD).

À soixante ans (il en paraît quinze de moins), Damien Ressiot est tout sauf un personnage banal.

Cet ancien journaliste, à la carrure de rugbyman, est une personnalité éminente du journalisme sportif français, reconnu pour son travail d’investigation et de révélation dans le domaine du sport, en particulier en ce qui concerne le dopage. Il a débuté sa carrière en tant que journaliste pour des publications renommées telles que France Football et L’Équipe, où il a rapidement acquis une réputation pour son intégrité et son professionnalisme. L’une des affaires les plus marquantes dans lesquelles Damien Ressiot a joué un rôle clé est l’affaire VA-OM (Valenciennes-Olympique de Marseille) en 1993. Cette affaire a éclaté lorsque plusieurs joueurs de Valenciennes ont admis avoir reçu des pots-de-vin pour perdre un match de championnat contre l’Olympique de Marseille. Ressiot a été l’un des premiers journalistes à enquêter sur ce scandale et à révéler au public les détails troublants de la manipulation de matchs qui ont secoué le football français. Son travail a été crucial pour faire éclater l’affaire et a conduit à des sanctions sévères à l’encontre des personnes impliquées, Bernard Tapie à leur tête. "Je ne vous cache pas que tous les journalistes qui ont écrit sur le sujet ont reçu des menaces des hommes de main de Bernard Tapie. Mais je n’ai jamais eu peur", nous dit Ressiot.

Par la suite, Damien Ressiot s’est attaqué à d’autres sujets sensibles, notamment le dopage dans le sport. Son travail d’enquête a contribué à mettre au jour plusieurs cas de dopage notables, dont celui de Lance Armstrong en 2005, l’une des plus grandes stars du cyclisme mondial. "Le personnage était pour le moins ignoble", confie Ressiot à Ici Beyrouth. "Il était arrogant et détestable envers tout le monde: les organisateurs du Tour, les autres coureurs cyclistes, les journalistes…", poursuit Ressiot. "Son côté sale type avec les journalistes a été le déclic. Dès lors, je n’ai plus lâché l’affaire jusqu’à le coincer au prix d’un travail fastueux", se souvient Ressiot. Tout ceci a finalement conduit à la disqualification d’Armstrong de ses sept victoires au Tour de France et à une série de sanctions contre lui. "En quelque sorte, Il s’est tiré une balle dans le pied. S’il avait fait profil bas, se montrant gentil ou normal, peut-être que je ne me serais pas autant intéressé à lui et il aurait peut-être échappé à la justice." Le Texan repenti a cherché à rencontrer son bourreau il y a quelques années, lors d’une tournée de rédemption. "J’ai refusé car c’était du marketing bas de gamme à l’époque. Aujourd’hui, ça ne me poserait aucun souci", contextualise Damien Ressiot. Après la chute de la légende Armstrong, le monde du sport entrait dans une nouvelle ère et Damien Ressiot recevait le surnom de Monsieur Antidopage. À tel point que pendant quinze ans, il a été le seul journaliste de L’Équipe dont les sportifs ne voulaient pas recevoir de coup de fil. "Pensez-vous, je m’occupais des questions de dopage", s’amuse encore aujourd’hui Ressiot.

Puis il a eu "envie de faire". Là où certains journalistes sportifs, après des années à frayer dans les couloirs des stades, se sont reconvertis comme attachés de presse de club, lui est logiquement ­devenu soldat de la lutte antidopage. Ainsi, en reconnaissance de ses contributions exceptionnelles à la lutte contre le dopage, Damien Ressiot a été nommé directeur de l’Agence française de lutte contre le dopage en 2015. Depuis sa prise de fonction à la tête de l’AFLD, Ressiot a travaillé sans relâche pour renforcer les efforts de lutte contre le dopage en France et à l’étranger. Sous sa direction, l’AFLD a intensifié ses contrôles antidopage et ses programmes de sensibilisation, contribuant ainsi à promouvoir un sport propre et équitable.

En réponse à notre dernière question sur les "Jeux ameliorés" (Enhanced Games), prévus pour 2025 en Australie et où il n’y aura pas de contrôle antidopage, Damien Ressiot s’indigne: "Je ne trouve pas les mots, c’est  absurde et cela va complètement à l’encontre des valeurs, de la morale et de l’éthique pour lesquelles je lutte depuis des années".

Alors combat perdu d’avance? Pas sûr. Monsieur Antidopage est capable de sortir, au dernier moment, un lapin de son chapeau. Contre les tricheurs, tous les moyens sont bons.