Né dans la région la plus pauvre de Colombie, repéré par la légende Carlos Valderrama, l’infatigable ailier Luis Diaz portera les espoirs de Liverpool, mais aussi ceux du peuple amérindien des Wayuu, en finale de la Ligue des champions samedi face au Real Madrid.

Des terrains poussiéreux de La Guajira, contrée aride du nord de la Colombie, aux pelouses impeccables de Premier League, Luis Diaz a dû braver la pauvreté pour toucher du pied son rêve de devenir joueur professionnel.

A 25 ans, quatre mois seulement après avoir rejoint les Reds en provenance de Porto, il est désormais à un match d’un sacre européen.

A Barrancas, ville de 38.000 habitants où il est né, à quelques kilomètres du Venezuela, tout le monde se souvient du timide " Luisfer " (diminutif de Luis Fernando).

Enfant, il y jouait au foot sans relâche, pieds nus et souvent vêtu du maillot de Cluballer (Club Barrio Lleras), l’équipe de son père, Luis Manuel, ancien joueur amateur.  " Mon jeu est à l’image de mes racines, de là où j’ai été élevé ", a récemment confié l’attaquant, décisif en demi-finale contre Villarreal.

Le Colombien a fait ses débuts dans l’unique école de football de Barrancas, où son père était entraîneur. Dès son plus jeune âge, il se distingue par sa vitesse, son endurance et sa capacité à esquiver les joueurs adverses.

Héritage des Wayuu

Yelkis Diaz, son oncle, explique, lui aussi le style et le succès de son neveu par ses origines indigènes. " Lucho " a l’héritage des Wayuu, une communauté historiquement pauvre " qui se déplace à pied ou en courant ", confie-t-il à l’AFP.

Le fait de jouer dans des conditions " presque impossibles " a forgé son talent, selon son oncle. " Courir, se placer et contrôler un ballon quand il y a des pierres, des trous, de la terre ", ce n’est pas donné à tout le monde. Beaucoup de jeunes de Barrancas ont laissé derrière eux leur rêve de devenir footballeur.

Pour s’en sortir, ils n’ont souvent pas d’autres perspectives, outre le football, que la musique traditionnelle " vallenato " ou le travail dans des mines de charbon, comme à El Cerrejon, plus grand site à ciel ouvert d’Amérique latine.

Ancien coéquipier de Luis Diaz, Daniel Bolivar était considéré comme le " James Wayuu " en raison de son style de jeu similaire à celui de la star colombienne James Rodriguez.

Il est désormais conducteur de machine à El Cerrejon.  La Guajira, dont 48% des habitants sont des Wayuu, est le département le plus pauvre de Colombie et l’épicentre d’une famine infantile qui a tué au moins 5.000 enfants au cours de la dernière décennie, selon la principale organisation indigène.

" Beaucoup de raisons de l’aimer "

Voir l’un des siens réussir au sommet du foot mondial suscite beaucoup d’engouement et de fierté au sein de la communauté wayuu. L’ailier gauche s’est fait connaître en 2015 au sein d’une sélection wayuu inédite, lors du premier tournoi interethnique de Colombie.

La légende du football colombien Carlos Valderrama assiste à l’événement. Chargé de constituer une équipe indigène de Colombie, il est séduit par les qualités de Diaz, convoqué la même année pour disputer au Chili la Copa America des peuples indigènes. " Dans ces villages si perdus pour le sport ", être repéré par Valderrama " était quelque chose qui nous motivait beaucoup ", se souvient Daniel Bolivar.

Après avoir évolué au Barranquilla FC puis à l’Atletico Junior, Diaz tape dans l’oeil de Porto qui l’engage en 2019.  En janvier dernier, Liverpool débourse 50 millions de livres (60 M EUR), bonus compris, pour l’arracher au club portugais.

Depuis, il fait le bonheur des Reds et a déjà remporté une Coupe de la Ligue et une Coupe d’Angleterre. " Il fait le genre de choses que le public adore. Quand il perd la balle, il sprinte et tacle pour la reprendre ", apprécie l’ancienne gloire des Reds Graeme Souness. " Il y a beaucoup de raisons de l’aimer. " À des milliers de kilomètres de l’Angleterre, sa famille et ses amis, qui s’enflamment à chaque fois qu’il déboule sur son flanc gauche, rêvent à présent de le voir soulever la C1. Tout Barrancas aussi.

Dans l’école de foot du FC La Guajira, ils sont 70 jeunes, dont certains déplacés par la guérilla, à rêver de pousser les portes des clubs européens, ouvertes par leur idole. " Le voir à la télévision et penser que je pourrais être à sa place est très motivant. Beaucoup de gens s’intéressent aux Wayuu, à la culture indigène ", se félicite Denilson Pushaina, défenseur central de 23 ans venu d’Uribia, une autre ville indigène

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