Peut-on être juif, ou encore plus Israélien, et " zemmouriste " à la fois? La réponse est, étrangement, oui! Si certains juifs crient à " l’antisémitisme " d’Eric Zemmour, en tête desquels le grand rabbin de France, Haïm Korsia, une bonne partie des Franco-Israéliens se reconnaissent dans le discours anti-arabe et anti-islam du polémiste. Pour eux, il est le seul à pouvoir secourir une France dont l’identité s’est " évaporée ", peu importe si dans ses déclarations à l’emporte-pièce, Eric Zemmour qualifie Pétain de " sauveur " de juifs sous Vichy, l’affaire Dreyfus de " trouble ", ou exprime sa volonté d’abolir des lois réprimant le négationnisme.

" Il n’y a pas un jour sans que j’écoute l’information de France. On voit ce qu’il s'(y) passe, ce qu’on entend c’est l’antisémitisme, c’est les attentats, c’est les quartiers qui ressemblent à Bab el Oued ", lance Bruno Partouche, originaire du nord de la France et vivant en Israël depuis près de 40 ans.A l’approche du 1er tour de la présidentielle, le 10 avril, cet infirmier en chef fustige une immigration non contrôlée et l' "animosité des musulmans envers les juifs ", une position qu’il estime largement partagée dans la communauté des Franco-israéliens. " Aujourd’hui dans mon entourage, c’est ‘Zemmour superstar' ", dit-il.Guy Meimoun, un autre Franco-Israélien, estime qu’Eric Zemmour est le seul à dire " la vérité " et trouve que le nom de son parti, " Reconquête ", est " formidable ". " Il faut que les Français retrouvent tout ce qu’ils ont perdu ", dit-il, à savoir la sécurité, la liberté, des immigrés qui " s’intègrent ".Environ 75.000 Français pourront voter dans les consulats d’Israël et de Jérusalem. En 2017, François Fillon y avait totalisé un pourcentage de voix parmi les plus élevés des Français de l’étranger.Dans les sondages français, le candidat Zemmour est crédité de 12 à 14% des intentions de vote. Il y a quelques mois encore, lorsque Serge Siksik, membre de " Reconquête ", plaidait sa cause en Israël, il ressentait de la réticence. Mais au fur et à mesure de la campagne, il observe " de plus en plus de ralliements ".Eric Zemmour " a un profil atypique " or la politique " classique " ne peut répondre aux défis d’un pays dont l’identité " s’évapore depuis une trentaine d’années ", estime M. Siksik, directeur général d’une entreprise de travaux publics en France, arrivé en Israël il y a trois ans.Pour lui, le message d’Eric Zemmour n’a rien de raciste, et encore moins d’antisémite, à rebours de ce qu’en pensent de nombreux responsables juifs, en tête desquels le grand rabbin de France, Haïm Korsia, qui a déclaré récemment que M. Zemmour était " antisémite certainement, raciste évidemment ".Sur le maréchal Pétain qui aurait " sauvé " des juifs français pendant l’occupation? " Un mauvais procès ", d’après M. Siksik.Sur les Sandler, deux enfants juifs et leur père assassinés par le jihadiste Mohammed Merah à Toulouse en 2012 et inhumés en Israël, preuve qu’ils étaient " étrangers " en France selon M. Zemmour, qui avait provoqué une polémique? " Une incompréhension ", estime M. Siksik.Pour le sociologue Michel Wieviorka, basé à Paris, la tentation du vote Zemmour répond à de " vrais sentiments d’inquiétude, fondés ", analyse-t-il, invitant à ne " pas sous-estimer l’impact du terrorisme ".Certains juifs étaient déjà favorables aux thèses du Rassemblement national (RN, extrême droite) " tout simplement par posture anti-arabe et antimusulmane ", ajoute-t-il.Mais Marine Le Pen porte le poids des déclarations de son père quand Eric Zemmour, lui, " c’est un juif " qui ne devrait pas être entouré de la " vieille garde antisémite " du clan Le Pen, juge pour sa part M. Partouche.En revanche, Stéphane Blajman dit appartenir à " une minorité " en Israël, celle des Français qui ne votent pas à droite et qui rejettent le vote Zemmour. "Pour moi, c’est totalement incroyable que des juifs, des Franco-israéliens, soient capables de voter pour lui ", explique ce chef d’entreprise, membre du parti travailliste israélien, installé en Israël depuis 1996: " Je l’ai entendu tenir des propos que je qualifierais d’antisémites qu’on entendait dans les années 1930 ".Habitué à se faire traiter de " gauchiste ", il est en froid avec des connaissances pro-Zemmour, dont il dénonce une " peur maladive des musulmans ". Chez ces électeurs-là, dit-il, le message du polémiste " résonne très bien " car ils sont justement partis de France pour les raisons qu’il exprime: insécurité, menace islamiste, immigration. "Je sais qu’il y a de vrais problèmes mais (on ne peut) mettre ça uniquement sur le dos des immigrés ", conclut M. Blajman.
Avec AFP