Le dossier de l’électricité n’arrête pas de faire couler beaucoup d’encre et d’osciller entre remous et volte-face. La contribution réclamée par EDL au Trésor sera transférée en principe au Parlement, puisqu’elle se fera désormais hors du budget général de 2022. Une commission sera créée à cet effet.

Le Premier ministre Nagib Mikati a annoncé vendredi que "l’avance du Trésor pour EDL se fera hors du budget, en principe". Et d’ajouter: "Nous voulons un plan intégré et complet pour ce secteur".  Les discussions sur le dossier de la réforme de l’électricité vont se poursuivre à part et seront diligentées par une commission composée des ministres des Finances, de la Justice, de l’Énergie et de l’Économie.

L’avance du Trésor était réclamée par le ministre de l’Énergie Walid Fayad, mais elle avait suscité de nombreuses réserves, la situation des finances de l’État ne permettant plus ce genre de paiement à fonds perdu.

Le ton catégorique du chef du gouvernement qui barre ainsi la voie à une demande souhaitée notamment par le CPL dissimulerait-elle un bras-de-fer politique entre Baabda et le Sérail? Pour Walid Fayad, " il n’y a pas de bras de fer ". " La provision d’une somme déterminée dans le budget pour soutenir EDL n’est pas utile sans l’adoption d’un plan de réforme et en particulier, sans une hausse de la tarification. Chaque option sur le tarif a une implication sur les besoins budgétaires pour couvrir les coûts. Donc les deux mesures sont liées ", a-t-il expliqué. Pour lui, l’objectif de la contribution à EDL est d’ " aider le secteur afin de le faire progresser durablement à différents niveaux, et de garantir une solution temporaire qui soit moins chère que ce que les citoyens paient pour les générateurs privés. "

Il n’empêche que pour obtenir cette contribution de 5.000 milliards de livres libanaises, le Liban doit puiser dans des fonds qu’il n’a pas, alors que les aides internationales en vue d’aider le pays à redresser ses secteurs défaillants attendent le lancement d’un chantier sérieux de réformes structurelles.

Pour ces raisons, la proposition du ministre a suscité des remous durant les réunions du Conseil des ministres et avait été critiquée par plusieurs de ses collègues, notamment du Parti socialiste progressiste et du mouvement Amal.

Selon une source proche du Premier ministre, aucune avance ne sera accordée à EDL, du moins dans l’exercice du budget 2022. " Le Premier ministre Nagib Mikati a été très clair à ce sujet avec le chef de l’État, même si cela jettera un froid dans leurs relations ", selon la même source, d’autant que le Liban ne pourra espérer une légère amélioration au niveau de la distribution du courant électrique que vers mars et que rien ne présage d’une prochaine réforme de ce secteur.

Le directeur régional de la Banque mondiale, Saroj Kumar Jha, était au Sérail vendredi pour discuter avec Najib Mikati des principales questions concernant les stratégies à long terme et assurer le suivi du dossier de l’acheminement de gaz d’Égypte et de courant électrique de Jordanie à partir de la mi-mars. Les documents devraient être finalisés d’ici lundi ou mardi et la production d’électricité devrait commencer en mars.

Un plan pour gagner du temps

Pour l’ex-ministre Ghassan Hasbani, le plan proposé n’est pas une solution, mais sert à gagner du temps en attendant d’en trouver. Concernant l’avance demandée au trésor, "comme d’habitude, cela sert juste à acheter du fuel et à payer des frais, sans que le réseau ne soit développé, parce qu’aucune réforme n’a été effectuée dans le secteur de l’électricité ". " Il existe un plan sur lequel nous nous étions mis d’accord il y a dix ans, mais il n’a jamais été mis en œuvre", a-t-il rappelé.

Pour M. Hasbani, dire qu’EDL va atteindre l’équilibre financier en 2023 " est une utopie sans réforme ". "Un équilibre suppose une hausse de la tarification et celle-ci revient à faire payer plus cher ceux qui paient déjà. Quid des autres? Il faut un encaissement généralisé, des compteurs intelligents, l’arrêt des transgressions sur le réseau. Cela n’a pas été fait au cours des dix dernières années. Comment donc vont-ils y réussir maintenant? L’équilibre financier ne sera pas atteint si on augmente uniquement les tarifs. C’est un plan qui n’est pas productif", assure-t-il.

Reste à voir maintenant ce que le Parlement va décider.