© « La Cerisaie », d’Anton Tchekhov, mise en scène par Clément Hervieu-Léger à la Comédie-Française
La mise en scène est reconnue de nos jours comme une activité essentielle qui «prescrit et contrôle le sens d’une représentation théâtrale». Le rôle du metteur en scène est apprécié par le public, récompensé par des prix prestigieux et promu par les institutions publiques.
Pourtant, le métier de metteur en scène est né tardivement, vers la fin du XIXème siècle. Retour sur l’émergence d’un rôle crucial.
L’Histoire terrible mais inachevée de Norodom Sihanouk, roi du Cambodge, Ariane Mnouchkine
Naissance du «metteur en scène»
Nous sommes au XIXe siècle… Dans les pièces classiques, les acteurs affichent une posture «noble» et empruntée, et pratiquent une déclamation solennelle, parfois entachée de déconcentration et de fausse complicité avec le public; les spectacles «modernes», prisés par le grand public, reposent sur une dramatisation de l’action, ponctuée de coups de théâtre et d’événements hors du commun.
La première moitié du XIXe siècle favorise l’éclosion du «grand spectacle». Plus que l’auteur, le directeur, ou même l’acteur, c’est le décorateur qui domine le plateau: il impose aux auteurs et aux compositeurs d’écrire une œuvre en fonction du décor qu’il prépare, étayé par des innovations comme les scènes tournantes, l’utilisation de la lumière électrique et des orgues pour varier l’intensité lumineuse. Des équipes techniques spécialisées deviennent indispensables pour le bon déroulement des spectacles destinés au «grand public» qui affectionne les théâtres privés.
C’est au cours des quinze dernières années du XIXe siècle que la «mise en scène» s’impose véritablement comme un métier du théâtre, à l’initiative d’André Antoine, un ex-employé auxiliaire de l’entreprise Gaz de Paris, qui découvre le théâtre et devient le créateur du concept moderne de la mise en scène.
À travers l’expérimentation, Antoine établira deux lignes directrices:
Pourtant, le métier de metteur en scène est né tardivement, vers la fin du XIXème siècle. Retour sur l’émergence d’un rôle crucial.
L’Histoire terrible mais inachevée de Norodom Sihanouk, roi du Cambodge, Ariane Mnouchkine
Naissance du «metteur en scène»
Nous sommes au XIXe siècle… Dans les pièces classiques, les acteurs affichent une posture «noble» et empruntée, et pratiquent une déclamation solennelle, parfois entachée de déconcentration et de fausse complicité avec le public; les spectacles «modernes», prisés par le grand public, reposent sur une dramatisation de l’action, ponctuée de coups de théâtre et d’événements hors du commun.
La première moitié du XIXe siècle favorise l’éclosion du «grand spectacle». Plus que l’auteur, le directeur, ou même l’acteur, c’est le décorateur qui domine le plateau: il impose aux auteurs et aux compositeurs d’écrire une œuvre en fonction du décor qu’il prépare, étayé par des innovations comme les scènes tournantes, l’utilisation de la lumière électrique et des orgues pour varier l’intensité lumineuse. Des équipes techniques spécialisées deviennent indispensables pour le bon déroulement des spectacles destinés au «grand public» qui affectionne les théâtres privés.
C’est au cours des quinze dernières années du XIXe siècle que la «mise en scène» s’impose véritablement comme un métier du théâtre, à l’initiative d’André Antoine, un ex-employé auxiliaire de l’entreprise Gaz de Paris, qui découvre le théâtre et devient le créateur du concept moderne de la mise en scène.
À travers l’expérimentation, Antoine établira deux lignes directrices:
- La première, «matérielle», comprend le décor qui identifie le lieu de l’action et le contexte socio-économique, ainsi que les mouvements des personnages, leurs rencontres et leurs comportements.
- La seconde, «immatérielle», sert la substance du texte de l’auteur et développe des interprétations dialoguées selon des intentions déterminées.
- André Antoine fonde le Théâtre-Libre, en 1887, et entreprend une réforme théâtrale conduite au nom du «vrai et de la présentation du réel sur scène».
Antoine s’inscrit dans une veine réaliste: pour lui, le théâtre doit avant tout être vrai. Il prête une grande attention aux décors et aux costumes et demande aux acteurs d’adopter une expression naturelle qui s’éloigne de la déclamation solennelle.
Il impose aux acteurs une discipline stricte, le respect des horaires, et s’oppose à d’illustres comédiens quand ils souhaitent que l’auteur adapte le profil de leur personnage pour mieux servir leur jeu.
Son discours est littéralement «révolutionnaire»:
«L’idéal absolu de l’acteur doit être de devenir un clavier, un instrument merveilleusement accordé, dont le metteur en scène jouera à son gré».
Antoine met en scène 111 pièces «modernes», soit 88 auteurs, dont 83 rôles tenus par Antoine lui-même (au Théâtre-Libre, au Théâtre du Montparnasse, et au Théâtre des Menus-Plaisirs, notamment).
Il s’impose petit à petit et devient le directeur du Théâtre de l’Odéon, le deuxième théâtre officiel après la Comédie-Française, de 1906 à 1914. Il étend alors sa réforme à la représentation des classiques.
L’exemple d’Antoine influence le mouvement théâtral dans plusieurs pays comme l’Allemagne, avec Otto Brahm qui fonde la «Freihe Bühne» (La scène libre) en 1889, ou encore le célèbre Stanislavski qui crée, en 1898, le théâtre d’art «accessible à tous». En Angleterre, Harley Granville Baker (illustre directeur et metteur en scène du Royal Court Theater) se réclame d’Antoine.
Dix ans plus tard, «metteur en scène» devient une fonction primordiale de l’activité théâtrale, celle qui prescrit et contrôle le sens de la représentation.
www.casting.fr - Metteur en scène, un rôle primordial
Le/la metteur/se en scène doit prendre toutes les décisions artistiques. Il/elle choisit les décors, les costumes, les éclairages, le régisseur… Il/elle dirige les répétitions, selon un «parti pris de mise en scène», issu de son analyse et de son interprétation de la trame, de la psychologie des personnages, et du message transmis.
Pour ce faire, Il/elle s’inspire parfois d’œuvres ou de textes existants et approfondit son travail lors des répétitions. Il/elle élabore la dramaturgie, coordonne les conceptions de la scénographie, de la musique, des lumières, du son et des costumes et dirige les interprètes.
Il/elle est responsable de l’harmonie du spectacle, et doit se mettre d’accord avec l’auteur – s’il est présent – et le producteur pour définir l’esprit du projet et orienter le jeu des acteurs. Il/elle doit savoir diriger une équipe tout en laissant la place aux initiatives.
Sans être sur scène, ce rôle de chef d’orchestre est déterminant pour le succès du spectacle. Au cinéma, ce métier prend le nom de réalisateur.
Découvrir le métier de metteur en scène en vidéo
Formation académique
Pour devenir metteur en scène, une formation est proposée par plusieurs académies et universités.
Le cursus typique de l’École de mise en scène du Barouf illustre la diversité des compétences nécessaires pour relever les défis du métier:
1) Dramaturgie et écritures scéniques
Élaborer la dramaturgie du projet pour définir le cadre général et les intentions de mise en scène.
2) Scénographie et Technique du théâtre (décor, lumière, costume, image, son, musique)
Concevoir la scénographie en articulation avec la dramaturgie du projet artistique pour traduire les intentions de mise en scène.
3) Relations avec les interprètes (direction d’acteur)
Choisir et diriger des interprètes à partir de l’écriture scénique du projet pour la conduite et l’amélioration du jeu et de la mise en scène.
4) Production, diffusion et promotion du spectacle
Élaborer un plan de production et de diffusion pour créer et représenter le spectacle en public.
5) Gestion de carrière
Mettre en valeur son identité, valoriser son travail, l’originalité de son approche, de sa démarche, et étendre son réseau professionnel pour développer et gérer sa carrière artistique.
Quelques metteurs en scène qui ont marqué la création théâtrale (Extraits tirés du site Up2school.com):
Jacques Copeau (1879 – 1949), le metteur en scène de l’authenticité
Face aux nouveaux moyens que le progrès technique offre au théâtre, Copeau choisit de garder un théâtre authentique, sans artifice ni trucage.
Louis Jouvet (1887 – 1951), le metteur en scène au service de l’œuvre
Dans la lignée de Copeau, Jouvet prône un effacement devant l’œuvre qui permet au texte de retrouver une place centrale. Le théâtre est dès lors un travail d’humilité.
Jean-Louis Barrault (1910 – 1994), le metteur en scène du spectacle total
Il s’inscrit dans la lignée du «spectacle total» d’Antonin Artaud. Selon Artaud, le théâtre doit être un spectacle vivant et violent, un «théâtre de la cruauté» . Le but d’une représentation est d’ébranler le spectateur: pour y parvenir, le texte doit alors être subordonné à la mise en scène.
Jean Vilar (1912 – 1971), le metteur en scène de la sobriété
Vilar exprime une conception très épurée de la mise en scène: elle doit être sobre et dépouillée afin de laisser aux acteurs un espace de liberté totale. Libérée de tout artifice, la représentation doit laisser voir la rencontre entre l’acteur et le texte. C’est dire l’importance de l’expression personnelle de l’acteur.
Ariane Mnouchkine (1939 – .), le metteur en scène du mouvement
Ariane Mnouchkine pense un théâtre en perpétuel mouvement. Loin d’être figé, le théâtre doit reposer sur la création commune et l’improvisation. Dans la lignée d’Artaud, elle travaille également beaucoup la dimension visuelle et sonore de ses mises en scène, en s’inspirant par exemple du cirque.
Daniel Mesguich (1952 -.), le metteur en scène du non verbal
S’il reste fidèle au texte, Mesguich travaille beaucoup le non verbal et la gestuelle de ses acteurs, ce qui lui permet d’aller au-delà de la pièce écrite. Il prend le parti d’innover et de proposer des interprétations parfois très personnelles des textes, en utilisant par exemple des costumes contemporains.
Wajdi Mouawad (1968 -.), le metteur en scène spectaculaire
Mouawad est un acteur, écrivain et metteur en scène, qui naît au Liban, puis immigre avec la guerre civile en France, puis au Québec
Ses mises en scène, souvent spectaculaires, voire violentes, entendent exploiter toutes les possibilités du théâtre, que ce soit au niveau des lumières, des décors, de la musique ou des costumes. Le théâtre est avant tout un spectacle à voir et à entendre, comme on peut le voir avec Antigone de Sophocle, dans laquelle certaines répliques sont même chantées.
“Mère” de Wajdi Mouawad » - Peter Brook, (1925 -2022) le théoricien de l’espace vide
Artiste novateur dans ses interprétations des pièces du grand répertoire international, et plus particulièrement des classiques de Shakespeare, il est le théoricien de «l’espace vide». Il a écrit L’Espace vide, un essai sur la mise en scène. Depuis le milieu des années 1970, sa compagnie est en résidence à Paris au Théâtre des Bouffes du Nord.
Chaque metteur en scène apporte une vision, une sensibilité et une touche théâtrale qui déclenche l’émotion et développe la réflexion du spectateur. Dès lors on comprend pourquoi le théâtre est appelé «spectacle vivant».
Bibliographie et crédits:
– Le théâtre - Daniel Couty et Alain Rey
– Histoire du Théâtre - André Degaine - -Wikipédia
- – Le grand livre du Théâtre – Histoire et société – Luc Fritsch
– École de mise en scène du Barouf
– UP2School.com
– La Fondation Culture & Diversité
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