La BCE sacrifie la croissance sur l'autel de l'inflation
Jeudi, en raison de la montée de l'inflation, la Banque Centrale Européenne (BCE) a décidé d'augmenter ses taux d'intérêt, passant de zéro à 0,50%, au risque de gréver la croissance. Il s'agit de la première augmentation en plus de dix ans. Une décision "unanime" face à la hausse des prix dans la zone euro, accentuée par la crise du Covid et l'offensive russe en Ukraine.

La Banque centrale européenne (BCE) a décidé jeudi d'augmenter ses taux d'intérêt pour la première fois en plus de dix ans face à l'inflation galopante, choisissant de frapper fort avec une hausse plus importante que prévu malgré la crise politique italienne.

Prise dans un arbitrage complexe entre hausse des prix et craintes pour la croissance, l'institution de Francfort a choisi l'audace: elle relève ses trois taux directeurs de 50 points de base après avoir préparé les esprits à une hausse de 25 points seulement.



Le principal taux d'intérêt passe ainsi de zéro, niveau où il campait depuis 2016, à 0,50%, tandis que celui taxant une partie des liquidités bancaires non distribuées en crédit, remonte de -0,50% à zéro.

La décision sur ce tour de vis a été "unanime" face à une inflation qui "restera à un niveau élevé indésirable pendant un certain temps", selon la présidente de l'institution Christine Lagarde.

La hausse des prix en zone euro -8,6% en juin- ne cesse de s'accentuer sous l'effet conjugué de la reprise post-Covid, des tensions sur les chaînes d'approvisionnement et de la crise énergétique liée à l'offensive russe en Ukraine.

La BCE referme ainsi l'ère des taux négatifs entamée en 2014 et clôt une décennie de généreuse politique monétaire qui a permis d'aider l'économie à surmonter les crises des dernières années.
"L'horizon économique s'assombrit"

Ce resserrement de la politique monétaire en zone euro a déjà été amorcé en juillet avec l'arrêt des nouveaux achats de dette sur les marchés.

Les autres banques centrales sont bien plus actives depuis des mois contre la flambée des prix, comme la Fed américaine qui a fait décoller ses taux en mars.

Mais la tâche de la BCE est plus complexe en raison des menaces grandissantes de coupure des approvisionnements de gaz russe, du risque que fait encourir la crise politique en Italie et de la chute de l'euro.


"L'horizon économique s'assombrit", a résumé Mme Lagarde jeudi, les perspectives se dégradent "pour la seconde moitié de 2022 et au-delà".

En Italie -- une des économies les plus vulnérables de la zone monétaire -- le Premier ministre et prédécesseur de Mme Lagarde à tête de la BCE, Mario Draghi, a remis jeudi sa démission au président.

Son départ, qui pourrait entraîner des élections anticipées cet automne, a immédiatement fait redécoller le taux d'emprunt italien sur le marché.

Christine Lagarde : "l'horizon économique s’assombrit" en zone euro (AFP)

L'écart avec le taux allemand a atteint un plus haut depuis 2020 et la pandémie.

Pour éloigner le spectre d'une nouvelle crise des dettes souveraines, la Banque centrale européenne a  annoncé jeudi un nouvel instrument pour protéger les Etats les plus fragiles contre des attaques spéculatives, accentuant cet écart, "ou spread", de manière injustifiée.

La BCE argumente que ces "spreads" gênent la transmission adéquate de sa politique monétaire. Mais des conditions strictes d'utilisation doivent être définies, les gardiens de l'euro n'ayant pas le droit d'aider budgétairement les gouvernements.

"Le Conseil des gouverneurs déterminera l'éligibilité" d'un pays à ce nouvel outil et "la BCE ne prend pas position sur des questions politiques" internes, a assuré Mme Lagarde sans nommer l'Italie malgré plusieurs questions sur le sujet.

Mais "si nous devons l'utiliser, nous n'hésiterons pas", a assuré la Française, martelant que la BCE "est capable de faire les choses en grand".

Avec AFP
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