Personnage de dessin animé italien, créé par les frères Nino et Toni Pagot en 1962, dans le cadre de l’émission télévisée Carosello, Calimero, frère cadet du Vilain Petit Canard, de Hans Christian Andersen, est un poussin noir parmi ses nombreux frères tous jaunes. Il est le dix-septième poussin de la couvée d’une poule prénommée Cesira, donc le benjamin de la fratrie. S’il est noir c’est parce qu’il est tombé dans la boue à sa naissance. S’il porte tout le temps une moitié de sa coquille sur la tête, c’est que sa naissance est peut-être mal achevée. Et, bien que sympathique, aimable et généreux, sa famille l’a abandonné et il est continuellement malchanceux quelle que soit l’action qu’il entreprend. Il a la guigne, comme dirait l’autre, tant et si bien qu’on l’entend répéter à qui veut l’entendre: «C’est pas zuste! C’est jamais zuste! C’est toujours à moi qu’on s’en prend! C’est pas parce qu’on est petit et faible…», leitmotiv qui se finit de manière inaudible, les mots couverts par les sanglots du petit personnage anthropomorphe ponctués à leur tour par le constat: «C’est vraiment trop inzuste!». Enfin, si Calimero zézaye, c’est qu’il est comme condamné à rester une sorte d’éternel «enfant», incapable de se débarrasser de sa malchance et de ses divers tracas. On aura retenu, toutefois, qu’une publicité de lessive italienne, Ava, le nettoie, le temps d’un spot, et lui fait retrouver sa couleur originelle, le jaune. On aura compris, par la même occasion, que Calimero n’est pas vraiment noir: il est juste sale, faute de soins et de pouvoir de discernement.
Du dessin animé à la psychopathologie
L’imaginaire collectif s’est saisi de notre poussin noir pour en faire l’illustration type du ronchonneur, autrement dit des individus qui ne peuvent que se plaindre continuellement, soit à cause de leurs propres déboires et déceptions, soit à cause des injustices et des problèmes d’autrui. Qui parmi nous n’en connaît pas, ou peut-être n’en est pas un? Quoi qu’il en soit, la psychopathologie en fait tout carrément un trouble, lequel porte justement l’appellation de «syndrome de Calimero». Bien évidemment, c’est lorsque la plainte est récurrente, voire continue et que l’individu en fait son unique manière d’être au monde et avec autrui que l’on parle alors de ce trouble de la personnalité.
En outre, il s’agirait bien d’un syndrome parce qu’un ensemble de signes / symptômes, en lien avec une détresse infantile, le révèleraient, en l’occurrence:
Dans son ouvrage, Le syndrome de Calimero (2017), le psychanalyste Saverio Tomasella, qui donne les clés de compréhension de ce syndrome tant pour l’individu qui en souffre que pour ceux et celles qui vivent à ses côtés, ainsi que des moyens pour le soigner, affirme que la difficulté réside dans le fait de réussir à ne pas confondre les Calimero avec les personnes réellement victimes d’injustice, de harcèlement, de burnout, etc., et qui s’en plaignent. Par ailleurs, il ajoute à un certain moment, et contre toute attente, que le fonctionnement de ce trouble n’est pas toujours exclusivement narcissique et qu’il arrive que, dans certains cas, les lamentations soient non seulement fondées mais aussi liées à l’état du monde en tant que tel. Un monde qui se porte mal et n’inspire qu’insécurité et mal-être. «Le monde [d’aujourd’hui] comme il va», pour pasticher Voltaire…
Libanais! Où sont donc vos plaintes et lamentations?
Libanais! Pourquoi vous taisez-vous? Pourquoi acceptez-vous en silence et avec résignation toutes les injustices, souffrances et humiliations qu’on vous inflige? Non, vous n’êtes pas des dégénérés: vous êtes nés d’une césarienne bien difficile (rappelez-vous que la poule mère de Calimero se prénomme Cesira), il y a tout juste 102 ans, et elle a laissé en vous des séquelles. Non, vous ne portez pas la poisse: vous êtes abandonnés par ceux qui devraient prendre soin de vous, à l’instar de Calimero par sa famille et, conséquemment, seuls avec vos difficultés, vous vous débattez sans force ni conviction et vous vous enlisez encore plus, faute de soins, de respect de votre humanité et d’amour fraternel. Non, vous n’êtes pas aveugles: vous avez juste un lourd casque d’idées reçues et d’idéologies dangereuses et trompeuses qui pèse sur vos têtes et vous tombe sur les yeux, tant et si bien que vous ne pouvez avoir de discernement ni entrevoir la lumière. Non, vous n’êtes pas des parias noirs et obscurs: vous êtes couverts de la souillure et de l’opprobre de vos dirigeants. Tout ce que vous vivez, je devrais dire tout ce que vous subissez est «vraiment trop injuste» pour être étouffé dans des gorges aphones à force de sanglots profonds et entravés. Faites donc votre Calimero! Plaignez-vous à la face du monde entier! Plaignez-vous aussi pour le monde entier qui tourne si mal! Que vos plaintes, que vos lamentations atteignent toutes les contrées, tous les pays, qu’elles empêchent tous les peuples de la terre d’avoir le moindre repos, la moindre bonne conscience! Réveillez-vous, Calimero! «Ce n’est pas parce que [vous êtes] petit[s] et faible[s]» que vous êtes démunis de tout pouvoir! Rappelez-vous donc ce qu’un virus infinitésimal fait subir de tourmentes et de pertes à l’humanité tout entière depuis bientôt trois ans! Levez-vous, Calimero! Il est grand temps que vous incarniez ce syndrome avec force et obstination pour assourdir et épuiser littéralement le monde dans son entièreté. Criez fort, Calimero! Il est grand temps que vous sortiez de la boue et que vos revendications soient entendues! Ne faites pas comme l’Ituriel de Voltaire en laissant aller le monde comme il va, lui qui se dit que «si tout n’est pas bien, tout est passable». Car, vous, mes Calimero, vous entre tous les hommes et toutes les femmes, savez bien que, si tout n’est pas bien, tout peut être encore pire. Et pire que pire…
Du dessin animé à la psychopathologie
L’imaginaire collectif s’est saisi de notre poussin noir pour en faire l’illustration type du ronchonneur, autrement dit des individus qui ne peuvent que se plaindre continuellement, soit à cause de leurs propres déboires et déceptions, soit à cause des injustices et des problèmes d’autrui. Qui parmi nous n’en connaît pas, ou peut-être n’en est pas un? Quoi qu’il en soit, la psychopathologie en fait tout carrément un trouble, lequel porte justement l’appellation de «syndrome de Calimero». Bien évidemment, c’est lorsque la plainte est récurrente, voire continue et que l’individu en fait son unique manière d’être au monde et avec autrui que l’on parle alors de ce trouble de la personnalité.
En outre, il s’agirait bien d’un syndrome parce qu’un ensemble de signes / symptômes, en lien avec une détresse infantile, le révèleraient, en l’occurrence:
- une propension à la victimisation, prenant des allures de chantage affectif, qui pourrait, dans certains cas, confiner au syndrome de persécution lié à la paranoïa;
- un pessimisme persistant qui pourrait parfois s’apparenter à une posture nihiliste, le Calimero en souffrance rejetant toute possibilité de percevoir les choses de la vie sous un angle différent, ou tout simplement refusant de se donner l’occasion d’aller mieux;
- une persuasion déterministe qui pourrait même aller jusqu’à devenir fataliste car, non seulement une «coquille» originelle tombe sur les yeux de l’individu en proie à ce trouble, l’empêchant d’entrevoir quelque solution que ce soit à ses maux, non seulement les hommes et le monde s’arrangent pour aggraver sa souffrance, mais Dieu, ses anges, ses légions et l’univers dans son entièreté ontologique aussi;
- enfin, le repli sur soi, notamment lorsque l’individu concerné se retrouve fui par les siens, les amis, les collègues, etc., lesquels agacés, voire épuisés par les lamentations et les jérémiades continues préfèrent penser que celles-ci sont le plus souvent infondées. Dans ce cas, le repli sur soi pourrait bien se solder par une chute dépressive en bonne et due forme.
Dans son ouvrage, Le syndrome de Calimero (2017), le psychanalyste Saverio Tomasella, qui donne les clés de compréhension de ce syndrome tant pour l’individu qui en souffre que pour ceux et celles qui vivent à ses côtés, ainsi que des moyens pour le soigner, affirme que la difficulté réside dans le fait de réussir à ne pas confondre les Calimero avec les personnes réellement victimes d’injustice, de harcèlement, de burnout, etc., et qui s’en plaignent. Par ailleurs, il ajoute à un certain moment, et contre toute attente, que le fonctionnement de ce trouble n’est pas toujours exclusivement narcissique et qu’il arrive que, dans certains cas, les lamentations soient non seulement fondées mais aussi liées à l’état du monde en tant que tel. Un monde qui se porte mal et n’inspire qu’insécurité et mal-être. «Le monde [d’aujourd’hui] comme il va», pour pasticher Voltaire…
Libanais! Où sont donc vos plaintes et lamentations?
Libanais! Pourquoi vous taisez-vous? Pourquoi acceptez-vous en silence et avec résignation toutes les injustices, souffrances et humiliations qu’on vous inflige? Non, vous n’êtes pas des dégénérés: vous êtes nés d’une césarienne bien difficile (rappelez-vous que la poule mère de Calimero se prénomme Cesira), il y a tout juste 102 ans, et elle a laissé en vous des séquelles. Non, vous ne portez pas la poisse: vous êtes abandonnés par ceux qui devraient prendre soin de vous, à l’instar de Calimero par sa famille et, conséquemment, seuls avec vos difficultés, vous vous débattez sans force ni conviction et vous vous enlisez encore plus, faute de soins, de respect de votre humanité et d’amour fraternel. Non, vous n’êtes pas aveugles: vous avez juste un lourd casque d’idées reçues et d’idéologies dangereuses et trompeuses qui pèse sur vos têtes et vous tombe sur les yeux, tant et si bien que vous ne pouvez avoir de discernement ni entrevoir la lumière. Non, vous n’êtes pas des parias noirs et obscurs: vous êtes couverts de la souillure et de l’opprobre de vos dirigeants. Tout ce que vous vivez, je devrais dire tout ce que vous subissez est «vraiment trop injuste» pour être étouffé dans des gorges aphones à force de sanglots profonds et entravés. Faites donc votre Calimero! Plaignez-vous à la face du monde entier! Plaignez-vous aussi pour le monde entier qui tourne si mal! Que vos plaintes, que vos lamentations atteignent toutes les contrées, tous les pays, qu’elles empêchent tous les peuples de la terre d’avoir le moindre repos, la moindre bonne conscience! Réveillez-vous, Calimero! «Ce n’est pas parce que [vous êtes] petit[s] et faible[s]» que vous êtes démunis de tout pouvoir! Rappelez-vous donc ce qu’un virus infinitésimal fait subir de tourmentes et de pertes à l’humanité tout entière depuis bientôt trois ans! Levez-vous, Calimero! Il est grand temps que vous incarniez ce syndrome avec force et obstination pour assourdir et épuiser littéralement le monde dans son entièreté. Criez fort, Calimero! Il est grand temps que vous sortiez de la boue et que vos revendications soient entendues! Ne faites pas comme l’Ituriel de Voltaire en laissant aller le monde comme il va, lui qui se dit que «si tout n’est pas bien, tout est passable». Car, vous, mes Calimero, vous entre tous les hommes et toutes les femmes, savez bien que, si tout n’est pas bien, tout peut être encore pire. Et pire que pire…
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