Tamara el-Zein, première femme à la tête du CNRS-L
Avec son esprit de leader et sa maîtrise de la science, Tamara el-Zein veut redéfinir la vision du Conseil national pour la recherche scientifique libanais (CNRS-L). Son objectif : surmonter la crise et sauver la recherche au Liban. 

C’est une grande nouvelle pour le Liban. Pour la première fois dans l’histoire, une femme se retrouve à la tête du Conseil national pour la recherche scientifique libanais (CNRS-L). Depuis le 1er juillet 2022, Tamara el-Zein est officiellement secrétaire générale de cette institution. Diplômée d’une maîtrise en chimie de l’Université libanaise, d’un DEA en chimie et d’un doctorat en chimie physique de l’Université de Haute-Alsace, Mme Zein, est une femme à la volonté de fer et au mental d’acier.

«Il faut sauver le CNRS et sauver la recherche au Liban!» lance d’emblée la scientifique, qui connaît bien l’institution. De fait, en 2013, la chercheuse quitte l’Université de Haute-Alsace, où elle était maître de conférences, pour rejoindre le CNRS au sein duquel elle lance un nouvel axe de recherche: les matériaux innovants pour la décontamination radioactive. Doublement récompensée par le prix L’Oréal-Unesco for Women in Science – régional en 2016, puis international en 2017 –, fondatrice de l’observatoire de la femme libanaise dans la recherche scientifique Dawrikounna (votre tour) et organisatrice, au Liban, du concours «Ma thèse en 180 secondes», Tamara el-Zein a déjà à son actif nombre d’accomplissements.

«Le Liban est un adolescent dans le monde de la recherche scientifique, constate-t-elle. Il passe aujourd’hui par une crise sans précédent. La priorité est donc à la gestion de cette crise avec le moins de dégâts possibles. Il faut aussi revoir la mission du CNRS qui doit s’adapter aux défis actuels.» À cet égard, le travail doit se faire sur trois axes: les financements, la valorisation de la recherche déjà produite et la collaboration avec les secteurs privés.

Au niveau des financements, Mme Zein explique à Ici Beyrouth que «des choix difficiles doivent être faits». «On ne peut plus financer toute la recherche, dit-elle. Nous devons nous montrer sélectifs, car il est impératif de garder un certain rythme dans la recherche. Stagner veut dire régresser.»

«La valorisation de la recherche déjà produite ne doit pas se limiter à son application industrielle, mais s'étendre à la transformation de cette recherche en savoir qui servirait à l’élaboration de politiques publiques, insiste-t-elle. Pour ce faire, il est nécessaire de miser sur l’interdisciplinarité du travail des chercheurs, d’autant que les pays qui ont fondé leurs politiques publiques sur la recherche scientifique sont ceux qui ont le mieux géré les crises.» D’où la nécessité de collaborer avec les secteurs privés, aussi bien économiques qu’académiques, dans le but de définir la nouvelle politique scientifique du pays, estime Mme Zein.


«Il faut structurer des niches d’excellence dans le pays et créer des passerelles entre les secteurs économiques, la recherche académique et les citoyens, avance-t-elle. Ces passerelles sont rares au Liban et on ne peut que constater les dégâts que cela occasionne dans le pays à tous les niveaux.» L’experte fait remarquer que la recherche est financée par l’argent de l’État et du citoyen. Il faudrait donc, selon elle, «être redevable à ce citoyen et lui exposer les fruits de cette recherche». Dans le même cadre, elle souligne «l’importance du journalisme scientifique qui doit devenir une priorité». «Tout étudiant doit pouvoir apprendre à vulgariser un article scientifique, insiste-t-elle. Nous devons collaborer avec les facultés d’information pour mettre en place une formation en journalisme scientifique.»

Tamara el-Zein est la première femme à être nommée à la tête du Conseil national pour la recherche scientifique libanais.

La femme dans la recherche

Grande activiste des droits de la femme dans la recherche, Tamara el-Zein affirme que son action pour les femmes dans la recherche n’a pas commencé avec sa nomination à la tête du CNRS. «Au contraire, j’ai toujours été militante pour les droits des femmes chercheuses», affirme-telle. En effet, la chimiste a entrepris au sein de Dawrikounna les premières études sur les femmes dans la recherche scientifique au Liban selon leurs disciplines et leurs postes. Elle a aussi organisé deux dardacha talks, à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth (USJ) et à l’Université arabe de Beyrouth. «C’est ce que j’appelle le storytelling (récit) de la recherche, agrémenté d’une saveur libanaise», se réjouit-elle. Leurs objectifs: assurer des formations de renforcement des capacités des jeunes chercheuses, les aider à construire une carrière scientifique et leur donner de la visibilité. «L’une de mes priorités est donc de réactiver cet observatoire pour continuer à aider les chercheuses», s’exclame-t-elle.

En somme, Tamara el-Zein affirme qu’«il est temps que le secteur économique profite des chercheur(euse)s et de l’expertise du Liban dans ce domaine». De leur côté, «les chercheur(euse)s doivent s’habituer à être plus présents dans la société, en montrant l’intérêt de leurs recherches en dehors des murs des campus», conclut-elle.
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