©La candidate de gauche Xiomara Castro a remporté haut la main la présidentielle du 28 novembre. (AFP)
Au Honduras, l’élection présidentielle du 28 novembre a été remportée avec une large avance par la candidate de gauche Xiomara Castro. Ex-Première dame, elle est l’épouse de Manuel Zelaya, renversé en 2009 par un coup d’État. Sa victoire apparait comme un désaveu pour le parti au pouvoir, le Parti national, secoué par les scandales de corruption et incapable de mettre fin à la violence des gangs. Particulièrement pauvre, ce petit État d’Amérique centrale est aussi l’un des pays les plus dangereux au monde.
« Douze ans d’autoritarisme, de corruption et d’immenses douleurs arrivent à leur terme » : c’est par ces mots que Gustavo Irias, directeur d’une ONG défendant la démocratie, a réagi en apprenant le résultat de l’élection, dimanche. Selon des chiffres encore partiels, avec 52,6 % des voix, Xiomara Castro devance largement Nasry Asfura qui n’a obtenu que 34,6 % des suffrages. L’homme d’affaire d’origine palestinienne, maire de la capitale Tegucigalpa, était soutenu par le tout puissant Parti national. Si la candidate du parti Liberté et Refondation apparaissait comme favorite, la presse internationale prévoyait un résultat serré, s’inquiétant des fraudes traditionnellement commises par le Parti national. Selon plusieurs observateurs, celles-ci auraient été compensées par « l’afflux de nouveaux électeurs » : la participation s’est établie à 60 %, un niveau historique pour le Honduras.
Empêtré dans de graves affaires de corruption, critiqué par les États-Unis pour ses liens présumés avec le narcotrafic et désavoué par les Honduriens pour sa passivité face à la terreur exercée par les gangs, il semblait en effet impossible pour le Parti national de gagner loyalement les élections. Interrogé avant le scrutin par l’AFP, Michael Shifter, président de l’ONG Dialogue Interaméricain, estimait que si « la majorité des Honduriens en ont assez et semblent vouloir un changement », le poids des achats de vote et la force de « puissants intérêts » ne pouvaient être sous-estimés, le Parti national étant prêt à « faire tout ce qui est en leur pouvoir pour empêcher Xiomara Castro de prendre les rênes du pays ». Mais cette fois, le résultat est sans appel : Nasry Asfura a dû reconnu sa défaite, mardi 30 novembre.
Déjà candidate en 2013, Xiomara Castro s’était ralliée en 2017 à la candidature de Salvador Nasralla, journaliste également d’origine palestinienne. Bien que favori et doté d’une solide avance à l’annonce des résultats provisoires, les autorités électorales le déclarèrent défait face au président Juan Orlando Hernández, qui avait modifié la Constitution pour pouvoir se présenter à un second mandat. L’annonce du résultat donna lieu à d’importantes manifestations dénonçant les fraudes électorales qui furent violemment réprimées : au moins une trentaine de manifestants ont été tués par la police militaire et des dizaines d’entre eux ont été torturé selon l’ONU.
Un régime putschiste
Historiquement marquée par le bipartisme entre deux partis de droite, le Parti national et le Parti libéral, la vie politique du Honduras a été bouleversée par l’arrivée au pouvoir de l’époux de Xiomara Castro en 2006. Issu d’une lignée de grands propriétaires terriens, président d’une organisation patronale et longtemps député sur les bancs du Parti libéral, l’élection de Manuel Zelaya ne laissait pas présager un bouleversement de l’ordre politico-économique hondurien, aux mains d’une poignée de familles depuis l’indépendance du pays en 1821.
Pourtant, en dépit de son profil de réformiste modéré, sa volonté de réduire la pauvreté et d’éradiquer la corruption l’a conduit à très vite entrer en conflit avec l’élite traditionnelle mais aussi Washington, qui situe l’Amérique centrale au cœur de sa zone d’influence. Président, il décline la liste de ministres qui lui est « recommandée » par l’ambassadeur des États-Unis. Il fait le choix d’augmenter le salaire minimum, d’entériner une réforme agraire, d’offrir des ordinateurs à un million d’élèves et d’investir dans le système de santé public. Il est aussi remarqué pour son ambitieuse loi de protection des forêts, qui s’oppose pourtant directement à ses intérêts : il est exploitant de bois de profession.
Son rapprochement, davantage pragmatique qu’idéologique, avec le Venezuela d’Hugo Chávez, et sa volonté de convoquer une assemblée constituante pour réformer les institutions du pays ont consommé la rupture avec l’oligarchie. Le 28 juin 2009, il est arrêté par les militaires et expulsé au Costa Rica tandis que le président du Congrès, Roberto Micheletti, s’autoproclamait président. Le coup d’État est dénoncé par l’ensemble de la communauté internationale qui ne reconnaitra pas le gouvernement putschiste. Dans un entretien au quotidien espagnol El País, Manuel Zelaya confiera : « j'ai pensé faire les changements à l'intérieur du schéma néolibéral. Mais les riches ne cèdent pas un penny. Les riches ne veulent rien céder de leur argent. Ils veulent tout garder pour eux ».
Misère et violences
Depuis le coup d’État, la situation du pays s’est fortement dégradée : 59 % des habitants vivent sous le seuil de pauvreté. C’est aussi l’un des pays avec le plus d’homicides au monde, marqué par l’emprise des maras, ces gangs tristement célèbres pour leur cruauté : plusieurs ONG ont mis en avant leurs présumés liens avec le Parti national. Au cœur des routes de la drogue, le Honduras est également l’un des pays comptant le plus d’assassinat de journalistes, de syndicalistes et de défenseurs de l’environnement. Pour échapper à la misère et à la violence, 60 % des Honduriens déclarent vouloir quitter le pays. Plusieurs dizaines de milliers d’entre eux ont déjà rejoint les caravanes de migrants qui traversent l’Amérique centrale vers les États-Unis, occasionnant une grave crise migratoire qui déstabilise les pays de la région.
Sentant son pouvoir chanceler, le Parti national a multiplié les campagnes de désinformation contre Xiomara Castro, bénéficiant de l’appui des médias et d’une armée de faux comptes Twitter et Facebook. Accusée de « communisme », elle a aussi été virulemment attaquée pour sa proposition de légalisation de l’avortement, important sujet de controverse dans ce pays très catholique. De son côté, la candidate a mis en avant ses propositions pour lutter contre la corruption et la pauvreté : une nouvelle Constitution, une commission contre l’impunité soutenue par l’ONU, des programmes sociaux, mais aussi l’affirmation du rôle du secteur privé dans l’économie.
Marquées par l’assassinat d’au moins vingt-neuf personnes, ces élections se sont tenues dans un climat particulièrement tendu. En reconnaissant sa défaite, le Parti national épargne probablement au pays un énième épisode de violences post-électorales : Nasry Asfura a demandé que ne coule « pas une goutte de sang ». Le secrétaire d’État des États-Unis, Antony Blinken, s’est félicité d’une élection « libre et juste », félicitant la gagnante et se déclarant « impatient » de travailler avec le nouveau gouvernement. Sauf coup de théâtre, Xiomara Castro devrait donc accéder à la présidence le 27 janvier. Le Honduras sera alors pour la première fois dirigé par une femme, et peut être aussi, pour la première fois, définitivement sur le chemin de la démocratie.
« Douze ans d’autoritarisme, de corruption et d’immenses douleurs arrivent à leur terme » : c’est par ces mots que Gustavo Irias, directeur d’une ONG défendant la démocratie, a réagi en apprenant le résultat de l’élection, dimanche. Selon des chiffres encore partiels, avec 52,6 % des voix, Xiomara Castro devance largement Nasry Asfura qui n’a obtenu que 34,6 % des suffrages. L’homme d’affaire d’origine palestinienne, maire de la capitale Tegucigalpa, était soutenu par le tout puissant Parti national. Si la candidate du parti Liberté et Refondation apparaissait comme favorite, la presse internationale prévoyait un résultat serré, s’inquiétant des fraudes traditionnellement commises par le Parti national. Selon plusieurs observateurs, celles-ci auraient été compensées par « l’afflux de nouveaux électeurs » : la participation s’est établie à 60 %, un niveau historique pour le Honduras.
Empêtré dans de graves affaires de corruption, critiqué par les États-Unis pour ses liens présumés avec le narcotrafic et désavoué par les Honduriens pour sa passivité face à la terreur exercée par les gangs, il semblait en effet impossible pour le Parti national de gagner loyalement les élections. Interrogé avant le scrutin par l’AFP, Michael Shifter, président de l’ONG Dialogue Interaméricain, estimait que si « la majorité des Honduriens en ont assez et semblent vouloir un changement », le poids des achats de vote et la force de « puissants intérêts » ne pouvaient être sous-estimés, le Parti national étant prêt à « faire tout ce qui est en leur pouvoir pour empêcher Xiomara Castro de prendre les rênes du pays ». Mais cette fois, le résultat est sans appel : Nasry Asfura a dû reconnu sa défaite, mardi 30 novembre.
Déjà candidate en 2013, Xiomara Castro s’était ralliée en 2017 à la candidature de Salvador Nasralla, journaliste également d’origine palestinienne. Bien que favori et doté d’une solide avance à l’annonce des résultats provisoires, les autorités électorales le déclarèrent défait face au président Juan Orlando Hernández, qui avait modifié la Constitution pour pouvoir se présenter à un second mandat. L’annonce du résultat donna lieu à d’importantes manifestations dénonçant les fraudes électorales qui furent violemment réprimées : au moins une trentaine de manifestants ont été tués par la police militaire et des dizaines d’entre eux ont été torturé selon l’ONU.
Un régime putschiste
Historiquement marquée par le bipartisme entre deux partis de droite, le Parti national et le Parti libéral, la vie politique du Honduras a été bouleversée par l’arrivée au pouvoir de l’époux de Xiomara Castro en 2006. Issu d’une lignée de grands propriétaires terriens, président d’une organisation patronale et longtemps député sur les bancs du Parti libéral, l’élection de Manuel Zelaya ne laissait pas présager un bouleversement de l’ordre politico-économique hondurien, aux mains d’une poignée de familles depuis l’indépendance du pays en 1821.
Pourtant, en dépit de son profil de réformiste modéré, sa volonté de réduire la pauvreté et d’éradiquer la corruption l’a conduit à très vite entrer en conflit avec l’élite traditionnelle mais aussi Washington, qui situe l’Amérique centrale au cœur de sa zone d’influence. Président, il décline la liste de ministres qui lui est « recommandée » par l’ambassadeur des États-Unis. Il fait le choix d’augmenter le salaire minimum, d’entériner une réforme agraire, d’offrir des ordinateurs à un million d’élèves et d’investir dans le système de santé public. Il est aussi remarqué pour son ambitieuse loi de protection des forêts, qui s’oppose pourtant directement à ses intérêts : il est exploitant de bois de profession.
Son rapprochement, davantage pragmatique qu’idéologique, avec le Venezuela d’Hugo Chávez, et sa volonté de convoquer une assemblée constituante pour réformer les institutions du pays ont consommé la rupture avec l’oligarchie. Le 28 juin 2009, il est arrêté par les militaires et expulsé au Costa Rica tandis que le président du Congrès, Roberto Micheletti, s’autoproclamait président. Le coup d’État est dénoncé par l’ensemble de la communauté internationale qui ne reconnaitra pas le gouvernement putschiste. Dans un entretien au quotidien espagnol El País, Manuel Zelaya confiera : « j'ai pensé faire les changements à l'intérieur du schéma néolibéral. Mais les riches ne cèdent pas un penny. Les riches ne veulent rien céder de leur argent. Ils veulent tout garder pour eux ».
Misère et violences
Depuis le coup d’État, la situation du pays s’est fortement dégradée : 59 % des habitants vivent sous le seuil de pauvreté. C’est aussi l’un des pays avec le plus d’homicides au monde, marqué par l’emprise des maras, ces gangs tristement célèbres pour leur cruauté : plusieurs ONG ont mis en avant leurs présumés liens avec le Parti national. Au cœur des routes de la drogue, le Honduras est également l’un des pays comptant le plus d’assassinat de journalistes, de syndicalistes et de défenseurs de l’environnement. Pour échapper à la misère et à la violence, 60 % des Honduriens déclarent vouloir quitter le pays. Plusieurs dizaines de milliers d’entre eux ont déjà rejoint les caravanes de migrants qui traversent l’Amérique centrale vers les États-Unis, occasionnant une grave crise migratoire qui déstabilise les pays de la région.
Sentant son pouvoir chanceler, le Parti national a multiplié les campagnes de désinformation contre Xiomara Castro, bénéficiant de l’appui des médias et d’une armée de faux comptes Twitter et Facebook. Accusée de « communisme », elle a aussi été virulemment attaquée pour sa proposition de légalisation de l’avortement, important sujet de controverse dans ce pays très catholique. De son côté, la candidate a mis en avant ses propositions pour lutter contre la corruption et la pauvreté : une nouvelle Constitution, une commission contre l’impunité soutenue par l’ONU, des programmes sociaux, mais aussi l’affirmation du rôle du secteur privé dans l’économie.
Marquées par l’assassinat d’au moins vingt-neuf personnes, ces élections se sont tenues dans un climat particulièrement tendu. En reconnaissant sa défaite, le Parti national épargne probablement au pays un énième épisode de violences post-électorales : Nasry Asfura a demandé que ne coule « pas une goutte de sang ». Le secrétaire d’État des États-Unis, Antony Blinken, s’est félicité d’une élection « libre et juste », félicitant la gagnante et se déclarant « impatient » de travailler avec le nouveau gouvernement. Sauf coup de théâtre, Xiomara Castro devrait donc accéder à la présidence le 27 janvier. Le Honduras sera alors pour la première fois dirigé par une femme, et peut être aussi, pour la première fois, définitivement sur le chemin de la démocratie.
Lire aussi
Commentaires