©Nuit immersive, Église des Célestins, 2022
par Christophe Raynaud de Lage / Festival d'Avignon
Après une période de pandémie et au-delà de la peur de l’autre, malgré la canicule ou l’art de remettre à demain, le 76e Festival d’Avignon a prouvé, une fois de plus, que le théâtre a raison de tout. Avignon demeure un appel à la culture, au contact humain, au courage d’aborder des thèmes de tout genre, de raviver le répertoire des pièces classiques, mais aussi de créer tout un nouveau monde, un monde de survivants, de battants et d’amoureux de la vie. Ainsi s’est opérée la magie du théâtre qui rassemble les cœurs dans un espace mythique autour d’un même rêve ou comme le dit si bien Olivier Py lors de la conférence de presse d’ouverture, «l’Espérance.»
Comme chaque année, le Festival d’Avignon a présenté de plus belle le In et le Off. Le In s’achève en beauté en laissant le Off se terminer à son rythme, ponctuant les rues de chants et ramenant un souffle d’ardeur dans les théâtres avignonnais. Quelques jours encore pour flâner dans une ville mythique et profiter des spectacles de rue et des théâtres avec les rayons de soleil et l’énergie des habitants de la ville, des passionnés de théâtre, venus de tous les coins de la France et du monde qui partagent sous un même ciel, devant les mêmes planches ou le même rideau, la même émotion.
Le In comporte – entre autres – Ma jeunesse exaltée d’Olivier Py, artiste-directeur du Festival d’Avignon. «La forme arrive avant toute chose. Bien entendu, je n’écris pas de la même manière un texte de dix heures et une petite forme, car l’ambition littéraire et la dramaturgie sont différentes. Dans le processus d’écriture au long cours, un lâcher-prise est nécessaire. J’écris tous les jours. Je suis à l’écoute du projet qui m’entraîne bien souvent dans des directions inattendues», dit-il.
Anne Théron, elle, s’est lancée dans une pièce où les corps, les voix et les projections s’épousent pour transporter le spectateur dans une dimension autre que la metteuse en scène décrit minutieusement: «Nous sommes face à des comédiens qui essaient de rejouer le mythe à partir de leurs souvenirs. Sur le plateau, les comédiens se passent la balle. De réplique en réplique, ils fouillent une mémoire commune. D’une certaine façon, chacun cherche à comprendre son rôle. Ils se ‘re-souviennent’ comme Clytemnestre à la scène 6: ‘Je me souviens de cet endroit. Je me souviens de cet instant. Être ici. J’ai l’impression que cela fait des années. (…) Je m’en souviens comme si je l’avais vécu. Comme si quelqu’un m’avait raconté une histoire où tout cela était arrivé. Mais je ne me souviens pas de ce qui arrive ensuite.’»
Dans Gretel, Hansel et les autres, Igor Mendjisky a réussi son pari de partager cette création avec un public jeune et adulte. Pour lui, «les autres» sont les adultes. Il se décrit comme avoir été lui-même «un enfant qui était dans la lune». Pour l’inspiration, la poésie et l’art de croire en la sagesse enfant. C’est en effet sa fille de 8 ans qui l’a inspiré et a été sa «conseillère littéraire».
«J’ose espérer que ce spectacle est pour adultes à partir de huit ans», avait-il dit.
Pour ce qui est d’Anaïs Nin au miroir, par Élise Vigier, la metteuse en scène a voulu aller au-delà de la sexualité que décrit Anaïs Nin dans ses romans, parce qu’elle y voit un message d’ouverture au monde, aux choses, aux êtres ou animaux qui nous entourent, une dimension autre du temps, de la parole et de liens à l’autre.
Avignon OFF a été une fois de plus une occasion pour tous les adeptes du théâtre de suivre leurs jeux de piste, parcourir les ruelles à la découverte des théâtres innombrables d’Avignon…
Alceste ou l’Acteur Fou d’Anne Delbée au Petit Louvre a emporté le spectateur dans un parcours d’acteur, un partage entre le faux et le vrai, l’ancien et le nouveau… Texte, mise en scène et jeu se rencontrent dans une expérience sublime qui justifie tous les «pourquoi je fais du théâtre» de Camus qui nous reviennent. La pièce a été suivie d’une rencontre avec l’autrice et metteuse en scène dans une discussion aussi riche qu’humaine.
Camus Casares, une géographie amoureuse, pièce basée sur la correspondance entre Albert Camus et Maria Casares, de 1944 à 1959, d’une très grande richesse lyrique et émotionnelle. Le spectacle, signé Jean-Marie Galey et Teresa Ovidio, d’après une mise en scène d’Élisabeth Chailloux, a emporté le spectateur avide de littérature, de passion et de jeu au Jardin de Fogasses où les deux acteurs incarnant l’écrivain et sa muse actrice se sont adonnés corps et mots au romantisme de la scène créée par la magie de l’endroit, du vent, et du OFF.
La lettre d’Evita, mise en scène par Luc Khiari, de et avec Cristina Ormani à l’Atypik Théâtre, a été la porte ouverte sur l’univers chanté et enchanté d’Eva Peron.
Andromaque, au Théâtre du Chêne Noir, a été une réflexion miroir, un «tout comme» d’une ère racinienne transposée dans le temps, dans une mise en scène particulière offrant au spectateur la magie «retenue» des coulisses dans un jeu à scène ouverte où les comédiens se donnent entièrement au jeu. Sur un plateau nu, c’est un hommage au texte et au génie de Racine dans une mise en scène de Robin Renucci.
Les Chaises, au Théâtre du Chêne Noir, a ravivé le chef-d’œuvre d’Ionesco dans un jeu sublime et subliminal. «Ces deux vieillards sont des ratés sociaux et dérisoires, mais entre eux, il y a l’amour. Et il n’y a en ce monde que deux essentialités: l’amour et la mort. C’est-à-dire que l’amour peut tuer la mort.» Mise en scène de Renaud Gillier, avec Alice-Maïa Lefebvre et Guillaume Lanson.
Lettres à un ami allemand, écrites par Albert Camus pendant la guerre «nous ramènent à l’essentiel, elles nous somment de redéfinir ce qui fait la dignité de l’homme.» Un spectacle labellisé LICRA dans une adaptation et une mise en scène de Julien Gelas, avec Didier Flamand.
Quant au pouls libanais, il bat son plein à Avignon. Le chorégraphe libanais Ali Chahrour y est présent pour la troisième fois pour présenter Du temps où ma mère racontait – كما روتها أمي – deuxième création de sa trilogie Amour, dont Layl-Night, en 2019, et The Love Behind My Eyes, en 2021, et incarnant l’amour des mères à travers les cordes vocales, celles d’une mandole et les autres fils invisibles qui guident ou libèrent le corps du danseur. Une performance unique avec Abbas Al Mawla, Ali Chahrour, Leïla Chahrour, Ali Hout, Abed Kobeissy, Hala Omran, dans une chorégraphie et une mise en scène d’Ali Chahrour assisté de Chadi Aoun et sur la musique de Two or The Dragon, Ali Hout et Abed Kobeissy.
Le 76e Festival d’Avignon s’achève le 26 juillet. Par ailleurs, la comédienne Hanane Hajj Ali revient pour la deuxième fois à Avignon et avec son «jogging», combat, dépression et ostéoporose, en plein Beyrouth et sans tabou, dans un monologue tragi-comique où, comme chez Molière, «on rit là où on devrait pleurer». Différents aspects scéniques, un seul moteur: la douleur.
Pour Patricia Nammour, ce ne sont pas les planches cette fois-ci, mais la mise en scène où OSE, Orgasmic System Error, est interprétée par Claire Deguernel. Après avoir participé à un atelier de théâtre avec Patricia Nammour, Claire est inspirée et écrit… Elle réécrit son texte avec Patricia Nammour. La pièce est autoproduite et les deux femmes se dirigent droit devant vers Avignon. Comme quoi la magie du théâtre franchit toutes frontières…
En plus des spectacles In et Off, les rues et les ruelles regorgeaient d’artistes de différents horizons. La Fabrica de spectacles de danse, les alentours d’Avignon de programmations parallèles, comme par exemple l’Hôpital de Montfavet où s’est jouée la pièce de Sophie Jabès, Camille, Camille, Camille, précédée de la conférence d’André Castelli sur Camille Claudel et suivie de la visite du musée. À Avignon, les spectacles s’enchaînent, In et Off deviennent une grande scène de vie, où les passants se croisent, s’abordent et se surprennent à discuter théâtre, sans masques. Lors du festival, le monde devient théâtre. Les dalles, que les grands du spectacle, ont foulées deviennent planches. Avignon, le rêve. Avignon, la ville-théâtre. Ici et maintenant. La flamme, le flambeau, le feu.
Comme chaque année, le Festival d’Avignon a présenté de plus belle le In et le Off. Le In s’achève en beauté en laissant le Off se terminer à son rythme, ponctuant les rues de chants et ramenant un souffle d’ardeur dans les théâtres avignonnais. Quelques jours encore pour flâner dans une ville mythique et profiter des spectacles de rue et des théâtres avec les rayons de soleil et l’énergie des habitants de la ville, des passionnés de théâtre, venus de tous les coins de la France et du monde qui partagent sous un même ciel, devant les mêmes planches ou le même rideau, la même émotion.
Le In comporte – entre autres – Ma jeunesse exaltée d’Olivier Py, artiste-directeur du Festival d’Avignon. «La forme arrive avant toute chose. Bien entendu, je n’écris pas de la même manière un texte de dix heures et une petite forme, car l’ambition littéraire et la dramaturgie sont différentes. Dans le processus d’écriture au long cours, un lâcher-prise est nécessaire. J’écris tous les jours. Je suis à l’écoute du projet qui m’entraîne bien souvent dans des directions inattendues», dit-il.
Anne Théron, elle, s’est lancée dans une pièce où les corps, les voix et les projections s’épousent pour transporter le spectateur dans une dimension autre que la metteuse en scène décrit minutieusement: «Nous sommes face à des comédiens qui essaient de rejouer le mythe à partir de leurs souvenirs. Sur le plateau, les comédiens se passent la balle. De réplique en réplique, ils fouillent une mémoire commune. D’une certaine façon, chacun cherche à comprendre son rôle. Ils se ‘re-souviennent’ comme Clytemnestre à la scène 6: ‘Je me souviens de cet endroit. Je me souviens de cet instant. Être ici. J’ai l’impression que cela fait des années. (…) Je m’en souviens comme si je l’avais vécu. Comme si quelqu’un m’avait raconté une histoire où tout cela était arrivé. Mais je ne me souviens pas de ce qui arrive ensuite.’»
Dans Gretel, Hansel et les autres, Igor Mendjisky a réussi son pari de partager cette création avec un public jeune et adulte. Pour lui, «les autres» sont les adultes. Il se décrit comme avoir été lui-même «un enfant qui était dans la lune». Pour l’inspiration, la poésie et l’art de croire en la sagesse enfant. C’est en effet sa fille de 8 ans qui l’a inspiré et a été sa «conseillère littéraire».
«J’ose espérer que ce spectacle est pour adultes à partir de huit ans», avait-il dit.
Pour ce qui est d’Anaïs Nin au miroir, par Élise Vigier, la metteuse en scène a voulu aller au-delà de la sexualité que décrit Anaïs Nin dans ses romans, parce qu’elle y voit un message d’ouverture au monde, aux choses, aux êtres ou animaux qui nous entourent, une dimension autre du temps, de la parole et de liens à l’autre.
Avignon OFF a été une fois de plus une occasion pour tous les adeptes du théâtre de suivre leurs jeux de piste, parcourir les ruelles à la découverte des théâtres innombrables d’Avignon…
Alceste ou l’Acteur Fou d’Anne Delbée au Petit Louvre a emporté le spectateur dans un parcours d’acteur, un partage entre le faux et le vrai, l’ancien et le nouveau… Texte, mise en scène et jeu se rencontrent dans une expérience sublime qui justifie tous les «pourquoi je fais du théâtre» de Camus qui nous reviennent. La pièce a été suivie d’une rencontre avec l’autrice et metteuse en scène dans une discussion aussi riche qu’humaine.
Camus Casares, une géographie amoureuse, pièce basée sur la correspondance entre Albert Camus et Maria Casares, de 1944 à 1959, d’une très grande richesse lyrique et émotionnelle. Le spectacle, signé Jean-Marie Galey et Teresa Ovidio, d’après une mise en scène d’Élisabeth Chailloux, a emporté le spectateur avide de littérature, de passion et de jeu au Jardin de Fogasses où les deux acteurs incarnant l’écrivain et sa muse actrice se sont adonnés corps et mots au romantisme de la scène créée par la magie de l’endroit, du vent, et du OFF.
La lettre d’Evita, mise en scène par Luc Khiari, de et avec Cristina Ormani à l’Atypik Théâtre, a été la porte ouverte sur l’univers chanté et enchanté d’Eva Peron.
Andromaque, au Théâtre du Chêne Noir, a été une réflexion miroir, un «tout comme» d’une ère racinienne transposée dans le temps, dans une mise en scène particulière offrant au spectateur la magie «retenue» des coulisses dans un jeu à scène ouverte où les comédiens se donnent entièrement au jeu. Sur un plateau nu, c’est un hommage au texte et au génie de Racine dans une mise en scène de Robin Renucci.
Les Chaises, au Théâtre du Chêne Noir, a ravivé le chef-d’œuvre d’Ionesco dans un jeu sublime et subliminal. «Ces deux vieillards sont des ratés sociaux et dérisoires, mais entre eux, il y a l’amour. Et il n’y a en ce monde que deux essentialités: l’amour et la mort. C’est-à-dire que l’amour peut tuer la mort.» Mise en scène de Renaud Gillier, avec Alice-Maïa Lefebvre et Guillaume Lanson.
Lettres à un ami allemand, écrites par Albert Camus pendant la guerre «nous ramènent à l’essentiel, elles nous somment de redéfinir ce qui fait la dignité de l’homme.» Un spectacle labellisé LICRA dans une adaptation et une mise en scène de Julien Gelas, avec Didier Flamand.
Quant au pouls libanais, il bat son plein à Avignon. Le chorégraphe libanais Ali Chahrour y est présent pour la troisième fois pour présenter Du temps où ma mère racontait – كما روتها أمي – deuxième création de sa trilogie Amour, dont Layl-Night, en 2019, et The Love Behind My Eyes, en 2021, et incarnant l’amour des mères à travers les cordes vocales, celles d’une mandole et les autres fils invisibles qui guident ou libèrent le corps du danseur. Une performance unique avec Abbas Al Mawla, Ali Chahrour, Leïla Chahrour, Ali Hout, Abed Kobeissy, Hala Omran, dans une chorégraphie et une mise en scène d’Ali Chahrour assisté de Chadi Aoun et sur la musique de Two or The Dragon, Ali Hout et Abed Kobeissy.
Le 76e Festival d’Avignon s’achève le 26 juillet. Par ailleurs, la comédienne Hanane Hajj Ali revient pour la deuxième fois à Avignon et avec son «jogging», combat, dépression et ostéoporose, en plein Beyrouth et sans tabou, dans un monologue tragi-comique où, comme chez Molière, «on rit là où on devrait pleurer». Différents aspects scéniques, un seul moteur: la douleur.
Pour Patricia Nammour, ce ne sont pas les planches cette fois-ci, mais la mise en scène où OSE, Orgasmic System Error, est interprétée par Claire Deguernel. Après avoir participé à un atelier de théâtre avec Patricia Nammour, Claire est inspirée et écrit… Elle réécrit son texte avec Patricia Nammour. La pièce est autoproduite et les deux femmes se dirigent droit devant vers Avignon. Comme quoi la magie du théâtre franchit toutes frontières…
En plus des spectacles In et Off, les rues et les ruelles regorgeaient d’artistes de différents horizons. La Fabrica de spectacles de danse, les alentours d’Avignon de programmations parallèles, comme par exemple l’Hôpital de Montfavet où s’est jouée la pièce de Sophie Jabès, Camille, Camille, Camille, précédée de la conférence d’André Castelli sur Camille Claudel et suivie de la visite du musée. À Avignon, les spectacles s’enchaînent, In et Off deviennent une grande scène de vie, où les passants se croisent, s’abordent et se surprennent à discuter théâtre, sans masques. Lors du festival, le monde devient théâtre. Les dalles, que les grands du spectacle, ont foulées deviennent planches. Avignon, le rêve. Avignon, la ville-théâtre. Ici et maintenant. La flamme, le flambeau, le feu.
Lire aussi
Commentaires