Ben Harper revient au sommet par la face soul
©Credit Photo: Lionel Bonaventure/AFP
Ben Harper, un peu sorti des radars ces dernières années, signe un retour en beauté en convoquant l'esprit de Marvin Gaye et en puisant dans la soul pour un album entre groove et engagement.

En 1971, Marvin Gaye signe What's going on, disque d'un artiste préoccupé par la guerre au Vietnam et par les fronts ouverts aux Etats-Unis entre injustices raciales et sociales. Un demi-siècle plus tard, la guerre est en Ukraine depuis l’invasion russe et les États-Unis font toujours face aux mêmes démons intérieurs. Dans son nouveau disque, Bloodline maintenance, Ben Harper évoque la menace nucléaire ( Where did we go wrong ), le travail de mémoire à entretenir sur l’esclavage (We need to talk about it ) et les inégalités ( Problem child ).

« Je suis terriblement soucieux du monde que nous allons laisser à nos enfants et petits-enfants, au point que j’en perds même le sommeil », confie l’artiste, joint à Toulouse (sud-est de la France) entre deux dates de tournée.
« Je n’ai pas d’illusion sur ce que peut faire une personne, une chanson ou une voix face à tout cela. Je suis aussi impuissant que vous mais, pour les causes qui nous tiennent à cœur, comme lutter contre ceux qui veulent réécrire l’histoire, parfois on doit parler, parfois on doit crier, parfois on doit chanter, car le silence n’est pas une option ».

Devant un climat anxiogène américain alourdi par les flambées de tueries par armes à feu et la remise en cause de l’IVG par la Cour suprême conservatrice, Ben Harper, Californien d’origine, a décidé de changer d’air. « Je veux m’installer en France, j’y suis venu depuis mes 17 ans : soyons clairs, je n’idéalise aucun endroit, chacun a ses problèmes à régler, mais je cherche un peu de paix intérieure et je ne peux pas l’avoir aux États-Unis », développe le chanteur et guitariste.

Logique quand on pense que c’est un festival français, les Trans Musicales à Rennes (ouest), qui fut pour lui un tremplin international en 1993. « C’était mon premier concert officiel en dehors de chez moi, je ne m’attendais à pas à une telle réception (chaleureuse) du public. Rien ne pourra remplacer ce souvenir, je n’ai pas pu en dormir les jours après ».


« Je m’étais baladé dans la région, j’avais été mystifié par les paysages bretons. J’avais été à Carhaix voir les menhirs, la mer. J’avais été emporté par tout ça ». Il n’oublie pas non plus Jean-Louis Brossard, patron des « Trans ». « Je n’ai pas rencontré depuis quelqu’un qui peut miser autant sur un artiste inconnu comme il l’a fait avec moi ».

Quitter les États-Unis n’est pas pour le quinquagénaire - qui ne fait pas son âge et continue d’ailleurs à pratiquer le skate - synonyme de renoncement. Les sombres constats qu’il dresse dans son 17e album studio sont contrebalancés par la lumière qui peut jaillir d’un cœur, le plus puissant des moteurs. Il creuse ainsi le sillon d’un Marvin Gaye, « le seul, mis à part peut-être Dylan, capable de chanter aussi bien les élans amoureux et la peinture sociale comme dans How sweet it is et What’s going on ».

Marvin Gaye n’est pas le seul illustre parrain choisi par Ben Harper, qui sonne parfois comme Sam Cooke (More than love) ou Ray Charles ( Honey, Honey ).

Si le musicien sait toujours aussi bien faire pleurer sa guitare pour illustrer son propos (We need to talk about it), il atteint pour la première fois le point d’équilibre entre toutes ses influences, puisque la soul se pare ici de gospel, de funk, de jazz, de rock ou de blues. « J’espère que ce disque dans sa forme ultime ressemble à un disque moderne de soul avec des instruments traditionnels, synthétise-t-il. Cet album est un point de rencontre pour mes influences, un endroit d’où décoller à l’avenir ».

AFP
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