En recevant jeudi soir le prince héritier d'Arabie saoudite, Emmanuel Macron a contribué à réhabiliter Mohammed ben Salmane, dit MBS, deux semaines après la visite du président Biden à Jeddah. Mais la rencontre a été monopolisée par la crise énergétique conséquente à l'invasion russe de l'Ukraine. Premier exportateur de brut, le Royaume wahhabite peut mettre son poids dans la balance et faire fléchir les cours du pétrole en augmentant sa production et en incitant les autres pays producteurs de suivre son rythme. Ceci n'est pas une tâche facile pour MBS, l'Arabie étant membre de l'Opep+ qu'elle co-dirige avec la Russie de Poutine. Toute l'attention est donc portée sur la prochaine réunion du cartel le 3 août prochain à Vienne, pour savoir si les doléances occidentales ont été prises en considération et si d'autres membres de l'Opep+, en premier lieu la Russie, sont capables de résister aux demandes de Washington et de Bruxelles.
Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane et le président français Emmanuel Macron ont dit souhaiter "intensifier la coopération" pour "atténuer les effets en Europe, au Moyen-Orient et dans le monde" de la guerre en Ukraine, dans un contexte mondial d'envolée des prix de l'énergie.
Le président français a exprimé sa profonde préoccupation face à la guerre menée par la Russie en Ukraine, son impact désastreux sur les populations civiles et ses répercussions sur la sécurité alimentaire et énergétique. À cet égard, il a présenté au prince héritier saoudien une initiative pour la sécurité alimentaire mondiale, et insisté sur l’importance de poursuivre la coopération avec l’Arabie Saoudite pour diversifier l’approvisionnement énergétique des États européens.
Les dirigeants ont de même souligné la nécessité de trouver une issue au conflit et d’intensifier la coopération pour en atténuer les effets en Europe, au Moyen-Orient et dans le monde.
L'invasion de l'Ukraine par la Russie le 24 février a provoqué un affolement des prix de l'énergie.
Depuis cette invasion, les pays occidentaux cherchent à convaincre l'Arabie saoudite d'ouvrir les vannes afin de soulager les marchés.
La hausse des prix du pétrole alimente notamment l'inflation aux États-Unis, qui a atteint des sommets inégalés en 40 ans.
Une sécurité policière renforcée devant le "Château Louis XIV", résidence de MBS à Louveciennes.
La semaine dernière, M. Macron a reçu à Paris le nouveau président des Émirats arabes unis, Mohammed ben Zayed al-Nahyane. Les deux pays ont signé un "accord de partenariat stratégique global sur la coopération énergétique".
Un responsable américain a déclaré jeudi dans un entretien avec des journalistes basés dans la région que son pays pense "qu'il y a certainement une opportunité ici pour augmenter la production". "Nous sommes optimistes quant à la possibilité d'annonces positives lors de la prochaine réunion de l'Opep", a-t-il ajouté.
Mais Ryad résiste aux pressions de ses alliés, invoquant ses engagements vis-à-vis de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP+), l'alliance pétrolière qu'il codirige avec Moscou.
L'Arabie saoudite a clairement indiqué qu'elle ne prendrait aucune mesure en dehors du cartel OPEP+. Ainsi, toute augmentation de la production devrait passer par le groupe, à moins que l'accord n'expire et que Ryad soit libre de ses engagements.
Fervent défenseur de l’accord sur le nucléaire iranien (« JCPOA » en anglais), signé par l’administration Obama et le président iranien réformiste Hassan Rouhani en 2015, le président français a affirmé que l’Iran doit saisir tant qu’il est encore temps l’opportunité qui lui est offerte de revenir à cet accord. Il a rappelé l’attachement de la France à toute dynamique visant à favoriser le dialogue et l’intégration régionale, dans le cadre de la Conférence de Bagdad. Celle-ci, qui a eu lieu en août 2021, avait rassemblé l’Iran et l’Arabie Saoudite, notamment autour de discussions sur l’avenir de l’Irak et l’apaisement des tensions régionales.
Le conflit en Syrie a été mentionné à travers l’attachement du président Macron au cessez-le-feu dans le Nord de la Syrie, et la nécessité de prévenir toute action unilatérale susceptible de porter atteinte aux efforts de la Coalition internationale contre l’État islamique. Concernant la question palestinienne, le président Macron a fait part de sa préoccupation, et indiqué sa disponibilité à travailler à une paix juste et durable et à une reprise du dialogue entre les Palestiniens et les Israéliens.
Enfin, le tour de table géopolitique a été conclu par des discussions sur la guerre au Yémen. Le président de la République a ainsi salué les efforts de l’Arabie saoudite en faveur d’une solution politique, globale et inclusive sous l’égide des Nations Unies, et marqué son souhait que la trêve actuelle, qui doit expirer en début août, soit prolongée.
Cette rencontre signe un peu plus la "réhabilitation" du dirigeant de facto du royaume, moins de deux semaines après la visite du président américain Joe Biden en Arabie saoudite.
Dans un message adressé à M. Macron, le prince héritier lui a exprimé sa "profonde gratitude" et ses "remerciements pour l'accueil chaleureux et l'hospitalité" qui lui ont été réservés lors de cette visite officielle.
Il s'agissait de la première visite en France de Mohammed ben Salmane, dit MBS, depuis l'assassinat par des agents saoudiens du journaliste saoudien Jamal Khashoggi.
L'assassinat de Jamal Khashoggi, un boulet qui traîne pour le prince héritier. (Licence Commons)
Critique du pouvoir saoudien, le journaliste avait été tué et démembré le 2 octobre 2018 dans les locaux du consulat saoudien à Istanbul alors qu'il venait chercher des papiers nécessaires à son mariage.
L'Arabie saoudite est accusée de graves violations des droits de l'Homme. Cette visite a scandalisé les défenseurs des droits humains et la gauche en France, qui ont accusé Emmanuel Macron de sacrifier les droits de l'Homme au "pragmatisme" face à des prix de l'énergie qui explosent.
"Je veux bien que le business ait ses règles, mais quand on est la France, le pays de la déclaration des droits de l'Homme... (...) j'observe qu'il (Macron) serre la main longuement à un homme qui a les mains tachées de sang", a réagi vendredi le député Alexis Corbières (gauche radicale) sur les médias BFMTV et RMC.
La féministe saoudienne Loujain al-Hathloul, icône de la défense des droits des Femmes dans le royaume wahhabite, qui a été emprisonnée pendant près de trois ans avant d'obtenir une libération conditionnelle en février 2021. (Licence Commons)
Dans le communiqué de deux pages de l'Élysée à l'issue de la rencontre, seul le dernier paragraphe mentionne le sujet des droits humains, de manière lapidaire: "Dans le cadre du dialogue de confiance entre la France et l’Arabie saoudite, le président de la République a abordé la question des droits de l'Homme en Arabie".
"Il y a des pays qui ne portent pas toutes les mêmes valeurs démocratiques de la France. Mais je crois que ce qui serait une faute, ce serait de ne pas parler, de ne pas essayer de faire avancer les choses", a affirmé le ministre français de la Fonction publique Stanislas Guerini sur la radio Europe 1.
"Il y a des sujets énergétiques", a-t-il relevé: "Il faut préparer la France à vivre dans une situation de pénurie, ce qui sera certainement le cas pour le gaz (...). Il faut trouver des alternatives".
Avec AFP
Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane et le président français Emmanuel Macron ont dit souhaiter "intensifier la coopération" pour "atténuer les effets en Europe, au Moyen-Orient et dans le monde" de la guerre en Ukraine, dans un contexte mondial d'envolée des prix de l'énergie.
Le président français a exprimé sa profonde préoccupation face à la guerre menée par la Russie en Ukraine, son impact désastreux sur les populations civiles et ses répercussions sur la sécurité alimentaire et énergétique. À cet égard, il a présenté au prince héritier saoudien une initiative pour la sécurité alimentaire mondiale, et insisté sur l’importance de poursuivre la coopération avec l’Arabie Saoudite pour diversifier l’approvisionnement énergétique des États européens.
Les dirigeants ont de même souligné la nécessité de trouver une issue au conflit et d’intensifier la coopération pour en atténuer les effets en Europe, au Moyen-Orient et dans le monde.
L'invasion de l'Ukraine par la Russie le 24 février a provoqué un affolement des prix de l'énergie.
Depuis cette invasion, les pays occidentaux cherchent à convaincre l'Arabie saoudite d'ouvrir les vannes afin de soulager les marchés.
La hausse des prix du pétrole alimente notamment l'inflation aux États-Unis, qui a atteint des sommets inégalés en 40 ans.
Une sécurité policière renforcée devant le "Château Louis XIV", résidence de MBS à Louveciennes.
La semaine dernière, M. Macron a reçu à Paris le nouveau président des Émirats arabes unis, Mohammed ben Zayed al-Nahyane. Les deux pays ont signé un "accord de partenariat stratégique global sur la coopération énergétique".
Aucune mesure en dehors de l'OPEP+
Un responsable américain a déclaré jeudi dans un entretien avec des journalistes basés dans la région que son pays pense "qu'il y a certainement une opportunité ici pour augmenter la production". "Nous sommes optimistes quant à la possibilité d'annonces positives lors de la prochaine réunion de l'Opep", a-t-il ajouté.
Mais Ryad résiste aux pressions de ses alliés, invoquant ses engagements vis-à-vis de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP+), l'alliance pétrolière qu'il codirige avec Moscou.
L'Arabie saoudite a clairement indiqué qu'elle ne prendrait aucune mesure en dehors du cartel OPEP+. Ainsi, toute augmentation de la production devrait passer par le groupe, à moins que l'accord n'expire et que Ryad soit libre de ses engagements.
Tour de table géopolitique
Fervent défenseur de l’accord sur le nucléaire iranien (« JCPOA » en anglais), signé par l’administration Obama et le président iranien réformiste Hassan Rouhani en 2015, le président français a affirmé que l’Iran doit saisir tant qu’il est encore temps l’opportunité qui lui est offerte de revenir à cet accord. Il a rappelé l’attachement de la France à toute dynamique visant à favoriser le dialogue et l’intégration régionale, dans le cadre de la Conférence de Bagdad. Celle-ci, qui a eu lieu en août 2021, avait rassemblé l’Iran et l’Arabie Saoudite, notamment autour de discussions sur l’avenir de l’Irak et l’apaisement des tensions régionales.
Le conflit en Syrie a été mentionné à travers l’attachement du président Macron au cessez-le-feu dans le Nord de la Syrie, et la nécessité de prévenir toute action unilatérale susceptible de porter atteinte aux efforts de la Coalition internationale contre l’État islamique. Concernant la question palestinienne, le président Macron a fait part de sa préoccupation, et indiqué sa disponibilité à travailler à une paix juste et durable et à une reprise du dialogue entre les Palestiniens et les Israéliens.
Enfin, le tour de table géopolitique a été conclu par des discussions sur la guerre au Yémen. Le président de la République a ainsi salué les efforts de l’Arabie saoudite en faveur d’une solution politique, globale et inclusive sous l’égide des Nations Unies, et marqué son souhait que la trêve actuelle, qui doit expirer en début août, soit prolongée.
"Réhabilitation"
Cette rencontre signe un peu plus la "réhabilitation" du dirigeant de facto du royaume, moins de deux semaines après la visite du président américain Joe Biden en Arabie saoudite.
Dans un message adressé à M. Macron, le prince héritier lui a exprimé sa "profonde gratitude" et ses "remerciements pour l'accueil chaleureux et l'hospitalité" qui lui ont été réservés lors de cette visite officielle.
Il s'agissait de la première visite en France de Mohammed ben Salmane, dit MBS, depuis l'assassinat par des agents saoudiens du journaliste saoudien Jamal Khashoggi.
L'assassinat de Jamal Khashoggi, un boulet qui traîne pour le prince héritier. (Licence Commons)
Critique du pouvoir saoudien, le journaliste avait été tué et démembré le 2 octobre 2018 dans les locaux du consulat saoudien à Istanbul alors qu'il venait chercher des papiers nécessaires à son mariage.
L'Arabie saoudite est accusée de graves violations des droits de l'Homme. Cette visite a scandalisé les défenseurs des droits humains et la gauche en France, qui ont accusé Emmanuel Macron de sacrifier les droits de l'Homme au "pragmatisme" face à des prix de l'énergie qui explosent.
"Je veux bien que le business ait ses règles, mais quand on est la France, le pays de la déclaration des droits de l'Homme... (...) j'observe qu'il (Macron) serre la main longuement à un homme qui a les mains tachées de sang", a réagi vendredi le député Alexis Corbières (gauche radicale) sur les médias BFMTV et RMC.
La féministe saoudienne Loujain al-Hathloul, icône de la défense des droits des Femmes dans le royaume wahhabite, qui a été emprisonnée pendant près de trois ans avant d'obtenir une libération conditionnelle en février 2021. (Licence Commons)
Dans le communiqué de deux pages de l'Élysée à l'issue de la rencontre, seul le dernier paragraphe mentionne le sujet des droits humains, de manière lapidaire: "Dans le cadre du dialogue de confiance entre la France et l’Arabie saoudite, le président de la République a abordé la question des droits de l'Homme en Arabie".
"Il y a des pays qui ne portent pas toutes les mêmes valeurs démocratiques de la France. Mais je crois que ce qui serait une faute, ce serait de ne pas parler, de ne pas essayer de faire avancer les choses", a affirmé le ministre français de la Fonction publique Stanislas Guerini sur la radio Europe 1.
"Il y a des sujets énergétiques", a-t-il relevé: "Il faut préparer la France à vivre dans une situation de pénurie, ce qui sera certainement le cas pour le gaz (...). Il faut trouver des alternatives".
Avec AFP
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