Au lendemain de l'occupation du Parlement irakien par les partisans de l'influent leader Moqtada Sadr, les manifestants célèbrent dimanche le début du mois lunaire de Mouharram, au cours duquel la communauté chiite s'apprête à commémorer Achoura. Un évènement clé alors que Bagdad fait face à un contexte de grave crise politique depuis les législatives d'octobre 2021. L'influent leader chiite a appelé dimanche à élargir la contestation en Irak et à soutenir les manifestants qui occupent le Parlement, n'offrant aucun signe de désescalade.
Après leur première nuit passée dans le Parlement irakien, les partisans de l'influent leader Moqtada Sadr font la prière et célèbrent le début du mois lunaire de Mouharram, en vue de la commémoration d'Achoura.
Dimanche, Moqtada Sadr, le trublion de la politique irakienne, a appelé sur Twitter à poursuivre la mobilisation. Il a salué une "révolution spontanée et pacifique qui a libéré la Zone verte--une première étape", y voyant "une opportunité extraordinaire pour un changement fondamental du système politique".
Il a appelé "tout le monde, y compris nos tribus, nos forces de sécurité, et les membres du Hachd al-Chaabi (ex-paramilitaires pro-Iran intégrés aux forces régulières) à soutenir les révolutionnaires". Ses adversaires du "Cadre de coordination", alliance de factions chiites pro-Iran regroupant le Hachd al-Chaabi, ont réagi dans un communiqué en réitérant "l'appel au dialogue avec toutes les forces politiques, en particulier le courant sadriste".
L'alliance -qui a désigné le candidat au poste de Premier ministre rejeté par M. Sadr- a dans le même temps déploré "une escalade continue", accusant indirectement M. Sadr d'appeler à un "coup d'Etat" contre les institutions étatiques après son tweet.
Coup d'éclat de Sadr
Dimanche matin, des volontaires distribuaient de la soupe, des œufs durs, du pain et de l'eau aux manifestants qui ont passé leur première nuit au Parlement, a constaté un correspondant de l'AFP. Des haut-parleurs diffusaient les chants religieux traditionnels à l'occasion de Mouharram, le mois lunaire qui vient de débuter et durant lequel les chiites marqueront Achoura, commémoration du martyre de l'imam Hussein, petit-fils du prophète Mahomet et figure central du chiisme.
Dans les jardins, certains étaient assis sur des tapis en plastique à l'ombre des palmiers. D'autres ont dormi sur des matelas en mousse et sur des couvertures étalées sur le marbre des couloirs. "Nous voulions le meilleur nous avons eu le pire: les politiciens qui siègent actuellement au Parlement ne nous ont rien apporté", fustige Abdelwahab al-Jaafari, travailleur journalier de 45 ans et père de neuf enfants.
"Le pouvoir de la rue"
Le Courant sadriste a lancé une intense campagne de pression contre ses adversaires, rejetant leur candidat au poste de chef du gouvernement. Ancien ministre et ex-gouverneur de province âgé de 52 ans, Mohamed Chia al-Soudani a été choisi par le "Cadre de coordination". Cette alliance de factions chiites pro-Iran englobe notamment la formation de l'ex-Premier ministre Nouri al-Maliki -ennemi historique de M. Sadr - et les représentants du Hachd al-Chaabi, ex-paramilitaires intégrés aux forces régulières.
"L'objectif du sit-in dans le Parlement c'est la formation d'un gouvernement (...) avec des personnalités intègres qui servent le pays, étant donné que ces partis n'ont rien apporté au pays", lance Oum Hussein, 42 ans, parmi les manifestants. Elle critique les adversaires de M. Sadr, et les accuse de choisir pour le poste de Premier ministre "des personnalités connues pour leur corruption", dit-elle. Après le coup d'éclat des manifestants sadristes, les appels au dialogue et à la désescalade se sont succédé samedi dans l'ensemble du monde politique irakien.
Initialement, le Courant sadriste qui représentait la première force au sein du Parlement de 329 députés avait pour ambition de nommer le Premier ministre et former un gouvernement, notamment avec ses alliés sunnites et kurdes. Mais il s'est avéré incapable de rassembler la majorité nécessaire au sein de l'hémicycle. Désormais "le message que Sadr envoie à ceux qui sont impliqués dans la formation du gouvernement est qu'il a le pouvoir de la rue", résumait récemment à l'AFP Renad Mansour, du centre de réflexion Chatham House.
"Dialogue ouvert et inclusif"
Le président de la région autonome du Kurdistan d'Irak, dans le nord, a ainsi invité "les parties concernées à venir à Erbil (capitale du Kurdistan, ndlr), pour initier un dialogue ouvert et inclusif, et parvenir à un accord", selon un communiqué dimanche. Célèbre pour ses volte-face et coups d'éclat, M. Sadr maintient aujourd'hui la pression sur ses adversaires alors qu'il leur avait pourtant laissé la tâche de former un gouvernement, en faisant démissionner en juin ses 73 députés.
"Il espère utiliser ce pouvoir pour contrecarrer les tentatives de ses adversaires de former un gouvernement", disait-il. Un porte-parole de la diplomatie européenne a appelé dimanche toutes les parties "à la retenue pour éviter plus de violences". "Nous invitons les forces politiques à résoudre les problèmes via un dialogue politique constructif", selon un communiqué.
Avec AFP
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