Sauver les archives des journaux tunisiens en langues multiples
©Crédit Photo: Fethi Belaid/AFP
Dans le sous-sol de la Bibliothèque nationale de Tunis, Hasna Gabsi circule entre des étagères débordant de journaux remontant au XIXe siècle pour en numériser un exemplaire, dans le cadre d’une campagne destinée à sauver un patrimoine unique dans la région.

« Ces archives sont un aperçu d’une culture historique importante », explique la conservatrice en montrant une copie jaunie d’un journal en langue arabe datant des années 1880.

La Bibliothèque abrite des journaux publiés pour certains il y a un siècle et demi, aussi bien en français qu’en italien, maltais ou espagnol.

Ils font partie d’une collection de 16.000 titres parus à des centaines de milliers d’exemplaires que la Bibliothèque a entrepris de numériser, avec l’objectif de tous les préserver. La plupart étaient publiés en arabe et les plus anciens datent du milieu du XIXe siècle quand la Tunisie était une province de l’Empire ottoman.



Après l’instauration du protectorat français en 1881, des publications apparurent en français, en hébreu et en judéo-arabe (arabe tunisien écrit avec les lettres de l’alphabet hébreu par la communauté juive), beaucoup aussi en italien, espagnol et maltais.

En passant dans une autre pièce, Mme Gabsi feuillette un exemplaire de la Voix d’Israël, journal en hébreu, lancé dans les années 1920 par la communauté juive de Tunisie, forte d’environ 100.000 personnes à la veille de l’indépendance en 1956.


Non loin de là, la conservatrice dégote une copie de L’Unione, datant de 1886, publiée par la communauté italienne, qui a compté jusqu’à 130.000 membres avant l’indépendance. Dans une autre pièce, des techniciens sélectionnent les journaux et les copient grâce à d’énormes scanners importés spécialement de l’étranger.

Depuis mai, la collection est accessible en ligne pour éviter trop de manipulations. « Je voulais accélérer le processus de numérisation, surtout des périodiques, parce qu’on était dans une course contre leur détérioration. Certains ne se trouvent nulle part ailleurs », explique Raja Ben Slama, directrice de la Bibliothèque. À son arrivée en 2015, elle a accéléré le programme de numérisation des journaux avec une équipe de 20 personnes.

« Ces périodiques multilingues représentent une Tunisie plurielle, qui n’existe pratiquement plus, une Tunisie française, italienne, maltaise, judaïque ».

Beaucoup ont disparu avec l’érosion démographique des communautés qui les imprimaient. Notamment avec le départ de milliers de Juifs du fait du conflit israélo-arabe et de la majorité des Italiens, après l’expropriation de leurs terres au début des années 60.

Ces archives sont uniques pour la région de par leur diversité, souligne l’historien Abdesattar Amamou, en rappelant qu’«à l’aube de l’indépendance, on était 3 millions (de Tunisiens), mais il y avait une richesse énorme sur le plan presse et édition ». La Tunisie était alors « une très belle mosaïque, très variée, carrément différente des autres pays arabo-musulmans ».

AFP
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