
Jean Racine est le maître incontesté de la tragédie classique. Il a créé des pièces adaptées aux règles du théâtre durant le XVIIe siècle. Pourtant, défiant cette rigueur avec un génie incomparable, il a créé, au-delà des unités de temps, d’action, et de lieu, une œuvre immortelle. Ses personnages, ravagés par des passions destructrices, échappaient à la culpabilité, régis par des forces surnaturelles. Racine idéalisait leurs passions en quelque sorte, grâce à ses alexandrins poétiques.
Les pièces de Jean Racine rententissent encore aujourd’hui. Il a élevé la tragédie à un stade de perfection guère égalé. Se pliant aux règles classiques d’unité de temps, de lieu et d’action, il a érigé des récits d’une simplicité effroyable, où tout contribue à une sortie fatale. La petite histoire de ses personnages s’inscrit dans le cadre plus vaste de l’Histoire. Elle succombe aux tours du destin et à la passion dévastatrice qui régit ses personnages.
Ce qui redonne vie à ses pièces de nos jours va ainsi plus loin que la rigueur. Ce sont les forces universelles qui mènent le jeu et tiennent les rênes de la scène et du temps. Triangles amoureux, passions impossibles, jalousie, désir interdit, lutte intérieure vaine demeurent d’actualité. Les tourments de ses personnages résonnent encore, reflétant le fin fond du ressenti humain.
La mécanique parfaite du théâtre classique
Racine a poussé à l’extrême les célèbres «trois unités» héritées d’Aristote. Un jour, un lieu, une intrigue. La tension dramatique subsiste du début jusqu’à la fin de la pièce, zoomant sur l’action, les liens entre les personnages, les prises de parole, les sorties de scène, les émotions extériorisées ou pas, et les silences. Dans un huis clos psychologique, la passion est au centre de l’action. Tout se resserre et se concentre autour des personnages et de la tragédie irrévocable.
Un théâtre de l’âme plutôt que des armes
À la différence de Corneille, qui magnifie l’héroïsme et la détermination, Racine laisse ses personnages succomber aux caprices de leurs démons intérieurs. Phèdre est en proie à un amour défendu, Hermione meurt de jalousie, Andromaque est déchirée entre devoir et passion. Chez Racine, le duel, le vrai, se joue dans les cœurs. Le but n’est pas de triompher d’un ennemi externe, mais de mener une lutte intransigeante contre soi-même, pour finalement la perdre.
L’amour-passion, force fatale et destructrice
L’amour chez Racine est loin de l’apaisement des cœurs. Il est ravageur, telle une tempête qui renverse tout sur son passage. Absurde, souvent violent, toujours banni, il tire les fils du destin de ses personnages et les guide aveuglément vers la catastrophe. Dans cette mécanique de l’inévitable, la condition humaine est mise à nu, dans toute sa vulnérabilité. Le fatalisme archaïque qui domine ses intrigues relève ce théâtre au plan de l’universalité.
Une langue incomparable
Le théâtre ne serait pas aussi impressionnant et poignant sans la pureté de la langue. Racine a porté l’alexandrin à son paroxysme: il est imprégné de poésie, de justesse, et de musicalité. La violence de la passion s’oppose à l’élégance absolue des vers. Le chaos des âmes s’exprime à travers une perfection cristalline. C’est tout le génie de Racine qui, au-delà de l’histoire de rois et de reines antiques, relate, de manière introspective, la nôtre: celle des êtres humains enfermés dans leurs passions qui se «livr(ent) en aveugle au destin qui (les) entraîne».
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